IL SERAIT VRAIMENT VRAIMENT TEMPS DE CHANGER DE PARADIGME
Cela m'amuse beaucoup que l'on porte l'idée que la performance humaine est une fusée dont le dernier étage est le mental. Ce fameux étage qui amènerait le sportif sur orbite, en direction d'une médaille… ou pas.
La période des Jeux Olympiques d'hiver a été une période prolifique en poncifs et autres clichés. J'ai trouvé amusant de voir les "préparateurs mentaux" s'habiller du costume de laudateur et de thuriféraire sur les présupposés effets profitables de leurs pratiques, surtout lors des médailles françaises.
C'est expliquer de manière bien rapide et caricaturale les succès et les échecs et laisser croire que la sportive ou le sportif détiendraient par nature en lui toutes les clés de ses succès.
C'est faire croire ou laisser croire que l'aléatoire n'existe pas dans le sport. C'est aussi faire croire qu'on ne peut pas performer si toutes nos capacités ne sont pas à 100 %. Deux faits qui bien sûr ne tiennent pas. Beaucoup de sportifs performent sans être nécessairement au maximum de leurs capacités. État qui n'existe jamais.
Comme pour les préparateurs physiques, les préparateurs mentaux auraient intérêt à définir leur périmètre avec plus de précision mais surtout à faire le ménage parmi leur "profession" autoproclamée.
On a souvent eu l'occasion de lire ce type de commentaire : "À haut niveau, la plupart des compétiteurs ont les moyens physiques d’être champion. C’est souvent le mental et ce qu’on en fait, qui fait la différence". Cela peut sembler évident au point d'être frappé du sceau du bon sens, mais que nenni.
L'inverse est en effet tout aussi légitime.
Regardez : "À haut niveau, la plupart des compétiteurs ont les moyens mentaux d’être champion. C’est souvent le physique et ce qu’on en fait, qui fait la différence". Reconnaissez que c'est tout aussi "évident", non ?
Que oui !
L'erreur est de considérer que si, avec nos yeux, nous voyons bouger (le mouvement "musculaire"), ce serait du moteur et donc de la responsabilité du "préparateur physique". Et qui si nous ne voyons pas bouger avec nos yeux (le mouvement "moléculaire"), ce serait alors de la responsabilité du "préparateur mental".
Quelle caricature. Quelle erreur aussi.
Il suffit de changer de "point de vue" (ne plus regarder qu'avec nos yeux mais aussi avec les technologies d'imagerie du cerveau) pour mesurer la faible pertinence de ce paradigme.
La différence ne serait donc qu'un problème de "zoom", de macroscope, pour faire référence au néologisme de J. de Rosnay
Je trouve donc surprenant qu'on explique la réussite par le "petit plus mental" et l'échec par le "petit moins mental". Cet axiome reste à prouver scientifiquement. Ce qui n'a d'ailleurs jamais été fait aujourd'hui.
C'est aussi laisser croire qu'une sportive, qu'un sportif ne mobilise pas conjointement ses capacités neuromusculaires, cardiovasculaires, respiratoires, cognitives, affectives, spirituelles à chaque minute de ses entraînements, de ses compétitions.
C'est encore laisser croire que les sportifs et les entraîneurs ne se parlent pas, n'échangent pas, n'expriment pas leurs joies, leurs peines, leurs projets, leurs envies, leurs doutes, leurs stratégies…
La raison d'être de toutes pratiques physiques et sportives est de faciliter les réponses neuromusculaires, cardiovasculaires, respiratoires… tout en partant toutefois de l'hypothèse que les phénomènes cognitifs, affectifs, spirituels liés aux phénomènes neuromusculaires, cardiovasculaires, respiratoires… ont leur siège principal dans le système nerveux et que des mécanismes communs justifient la possibilité d'intervenir par les mouvements "visibles" sur les mouvements "invisibles" et inversement.
C'est d'ailleurs la finalité d'une démarche fonctionnelle si chère au regretté Pierre Arnaud (cf "Les savoirs du corps", 1983, PUL)
Le mouvement est donc la manifestation la plus directe de ce qui vit, et reste l'indicateur privilégié du fonctionnement des systèmes vivants.
C'est fondamental lorsque l'on parle d'efforts et de planification des efforts car l'effort n'est pas une thématique "motrice" ou "mentale" mais une problématique TOUJOURS "motrice" ET "mentale", pour reprendre les termes communément utilisés par tous.
Tout est alors dit de l'effort dans ce qu'il a d'existentiel, tout est dit dans ce que le corps et l'esprit ont à faire ensemble.
L'enjeu est d'autant plus important, car notre conception détermine toutes nos stratégies d'entraînement, de préparation aux compétitions, de retour à la pratique…
Cela ne reste que mon avis.
Innovation Santé / Sport | Leadership | Auteur | Entrepreunariat | Noowii | Humour 😂
6 ansL'objectif serait de trouver une synergie entre le physique et le mental, mais cette synergie ne garanti rien. Je suis tout à fait d'accord qu'on oublie l'aléatoire dans le sport, et qu'on sous estime l'environnement qui lui ne se contrôle pas.
Strength & Conditioning Coach Elite Athletes
6 ansBonjour Stephane. Oui l’approche holistique de la performance a la vie dure !