Il y a bien un « monde d’après » dans la distribution alimentaire
Et il y a même trois mondes qui vont se faire face et donner un nouveau choix au consommateur après l’ère hégémonique de la grande distribution qui avait éliminé le commerce de proximité indépendant tout en conduisant la filière agro-alimentaire dans l’impasse :
1. Les plates formes, avec le leader Amazon, qui vont étendre leurs activités 100 % online de vente à distance, directe ou en drop shipping. Amazon revendique aujourd’hui 10 000 PME, fournisseurs, de l’artichaut breton à la savonnette de Provence.
2. La grande distribution, où Leclerc, Carrefour et Intermarché vont se livrer un combat de titan pour emporter le leadership de l’e-commerce alimentaire via le drive et la livraison à domicile. Mais aussi avec des têtes de pont du DIY culinaire (Do It Yourself) et déjà conquérantes comme Quitoque.fr financé par Carrefour.
3. Les producteurs eux-mêmes, fédérés autours de projets qui avaient du mal à éclore comme Paysan.fr, La Ruche qui dit Oui, Panier Local et dont le confinement a accéléré le développement :
" Ce changement a créé quelque part une forte demande au niveau des consommateurs. Une fois qu’ils s’habituent à manger des produits de qualité et d’origine locale, les consommateurs s’habituent aussi à payer ce surcoût et adoptent finalement l’habitude au long terme. Il y a eu un raz-de-marée d’augmentation de chiffres d’affaires au début, qui sont tout de même restés sur des niveaux beaucoup plus hauts qu’avant le confinement, et ce, bien que maintenant l’accès au magasin soit facilité et à nouveau disponible. C’est au final un nouveau marché qui s’est installé. En conclusion, il y a bel et bien eu “effet digital” avec une croissance de la confiance dans l’outil digital. " [Ludovic de Beaurepaire, fondateur de Panier Local]
Reste à savoir quel monde choisira le consommateur
Pour Michel Edouard Leclerc, c'est une certitude. Le consommateur choisira le camp du prix, le « pouvoir d’achat »… chassez le naturel il revient au galop. Mais comme MEL, Intermarché ou Lidl portent désormais haut le flambeau des producteurs français, comment donc concilier juste rémunération du producteur et low cost quand le prix s’aligne sur la loi du marché et non sur celle de la nature, même aidée par Egalim la loi des hommes ?
Pour Jeff Bezos, cela ne fait aucun doute : le consommateur a déjà choisi. Il opte pour l’exhaustivité et le just in time, le tout, tout de suite, la livraison avant la commande, puisque ses datascientists ont tout calculé d’avance ! Je connais un ex-dirigeant d’un domaine viticole qui a sapé la VPC que j’avais jadis mise en place et que ses prédécesseurs ont développé durant 30 ans pour subitement vendre ses vins sur Amazon. Qui dit qu’Amazon n’investira pas un jour dans ses propres vignobles ? Il dispose déjà des datas de dizaines de millions de consommateurs dans le monde dont il peut prédire le pouvoir d’achat et les goûts en matière de vin, aux origines et aux cépages près. On l’a vu avec le bio aux États-Unis où Amazon a fait main basse sur le réseau de 450 magasins Whole Foods Market.
La prise de conscience, au-delà de l’écologie, de l’idéologie, du côté sympathique et philanthropique de la relation induite par le circuit court et le produit de qualité, n’est pas qu’un phénomène de mode provoqué par les circonstances inédites du confinement. On le voit par la persistance des chiffres d’affaires de ce secteur qui sont tout sauf une « queue de campagne » due à la hantise de la promiscuité des grandes surfaces. C’est un ancrage dans les comportements qui s’étend aussi à la réflexion économique et politique de l’achat alimentaire.
Des mouvements sont en route, que ni Intermarché ou Leclerc, ni Amazon n’arrêteront. Le « on vote avec notre fourchette » de Carlo Petrini, le fondateur italien de Slow Food a fait son chemin. Et le Covid -19 n’a fait que catalyser ce qui germait dans la conscience d’un consommateur qui a eu trois bons mois pour se poser les bonnes questions. Le mouvement est en marche et réveille les idées de bon nombre de start up, lancées quelquefois trop tôt, et qui ont malgré tout survécu à coup de levées de fonds et d’augmentation de capital.
L’heure du local, du circuit court et de la mutualisation est venue. La nouvelle génération de ceux qui vivent "au nom de la terre" nos agriculteurs, éleveurs, artisans des métiers de la bouche, commerçants de proximité, champions du made in France, disposent aujourd’hui des mêmes outils digitaux que les distributeurs qui ont fait la loi, 50 ans durant. Et ils comptent bien s’en servir.
Ils sauront s’entourer de spécialistes, conseils et experts qui ne demanderont qu’à les aider pour réussir dans leur projet. Car, ce qu’ils ne savent peut-être pas, pour ne pas fréquenter le monde de la high tech, du marketing, du multicanal, de la data, c’est que dans ce monde-là aussi beaucoup ont mis à profit cette période pour penser un marketing plus raisonnable qui donnera un sens à leur vie et à celle de leurs collaborateurs.
Deux mondes ne seront pas de trop pour en faire un nouveau
PS : Au moment même où je boucle cette réflexion, je découvre cette étude relayée par LSA Magazine
« …. si l’on considère que la consommation se dessinant dans ce monde d’après sera peut-être fort différente de celle d’avant : 69% des Français envisagent de consommer de façon différente et plus responsable, indique l’étude d’Altavia et OpinionWay. Avec même, pour un Français sur quatre, la volonté de privilégier les achats en ligne pour leurs futurs achats alimentaires. »
Owner chez WETHEPEOPLE-GROUP/ GROUPE AXXESS/ AUGUSTE ET LOUISE/ ARMSTRONG/leherpeur /Parishangai
4 ansPlus les consommateurs et le public seront éduqués mieux ils pourront agir et choisir pour empêcher la perversion par l’offre et le marketing des marques manipulantes qui feront du Green ou du whitewashing. Aux marques de comprendre l’enjeu dans leur choix. Aux dirigeants aussi de comprendre que c’est à eux de fixer des standards d’excellence dans la transparence et l’authenticité. Il y a déjà de beaux exemples de réussite
Stratège de marque chez AGAT - Agence de résultats
4 anstrès bel article qui corrobore de nombreuses érdes sur le sujet. pour un partie des consommateurs le locavore / made in france ...va devenir une habitude et un mode de vie à part entière.