Ils sont revenus au pays pour combattre Ebola
Par Estelle Saget (texte) et Alain Tendero/Divergence Images (photos)
Envoyés spéciaux à Conakry et Mamou, Guinée
Des chercheurs et médecins guinéens travaillant en France ont choisi de se réinstaller chez eux et de participer au développement du pays. Une décision de moins en moins rare.
Alpha Keita est consterné. Le téléphone collé à l’oreille, il ne dit plus un mot. Grâce à l’intervention d’une « connaissance », il a réussi à faire sortir du port de Conakry, capitale de la Guinée, sa voiture convoyée par bateau depuis la France. Pour des motifs mystérieux, le véhicule était bloqué en douane depuis plus d’une semaine. La bonne nouvelle est arrivée en même temps que la mauvaise : « Tu peux venir récupérer ta voiture, mais je dois te prévenir, le coffre a été vidé ».
Quand il raccroche, on voit passer de la lassitude sur le visage de cet homme prolixe, le sourire facile sous un crâne lisse. Le chercheur guinéen de 39 ans, spécialiste des maladies infectieuses, a décidé de se réinstaller dans son pays après une dizaine d’années passées en France. Malgré les coupures d’électricité, l’eau qui souvent manque au robinet, les dépotoirs à chaque coin de rue et… la corruption. Lors du déménagement, sa fille aînée, six ans, a rempli un carton avec ses jouets. Depuis, la petite revient à la charge tous les soirs : « Elles arrivent bientôt, mes poupées ? »
De poupées, il n’y en a plus. Alpha se tient à l’entrée du centre de recherche, sur la galerie qui permet de rester au sec, dans la moiteur de cette fin de saison des pluies. Ses discrètes lunettes sans monture disent le scientifique qu’il est, sa stature imposante le joueur de basket universitaire qu’il a été. Alpha cale son dos contre le mur du bâtiment fraichement peint, laisse flotter son regard jusqu’à la loge du gardien, qui abrite l’indispensable groupe électrogène. « Je ne doute pas d’avoir fait le bon choix, déclare-t-il comme pour s’en convaincre. Mais parfois je me demande si j’ai eu raison d’insister auprès de Bintou, ma femme, pour revenir en famille. »
Ils sont encore rares les diplômés originaires d’un pays du Sud qui choisissent, comme Alpha, de lâcher leur place dans un pays du Nord pour revenir chez eux. De se « repatrier », selon le terme en usage chez les anglo-saxons. S’il n’existe pas de statistiques fiables, un mouvement se dessine en Afrique où une timide « migration de retour » composée de scientifiques et d’experts vient contrecarrer une fuite des cerveaux continue depuis quarante ans. Un phénomène encouragé par l’Organisation internationale pour les migrations, rattachée aux Nations Unies.
Le cas de la Guinée est particulièrement emblématique. Cette nation démocratique d’Afrique de l’ouest se range au 192ème rang pour l’Indice de développement humain sur… 197 pays. En 2018, ses ressortissants étaient les plus nombreux à traverser la Méditerranée, devant les Syriens, selon le Haut commissariat pour les réfugiés. Et pourtant, au lendemain de l’épidémie d’Ebola la plus meurtrière de l’Histoire, la Guinée voit aussi des chercheurs et des médecins ayant fait le voyage dans l’autre sens s’investir pour qu’une telle catastrophe ne se reproduise pas.
Sans Ebola, Alpha n’aurait pas laissé derrière lui une carrière débutée dans une unité prestigieuse, celle du Pr Didier Raoult à l’université d’Aix-Marseille. Sans Ebola, toutefois, Alpha connaîtrait sans doute le statut précaire de la plupart des jeunes chercheurs en France. Et il n’aurait pas, comme aujourd’hui, son bureau à l’étage d’une nouvelle institution guinéenne, où ceux qui tapent à sa porte peuvent lire : « Directeur du laboratoire ».
Le Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (Cerfig) est sorti de terre en 2017. On y accueille les « guéris » d’Ebola. Ce virus responsable de fièvre et d’hémorragies a tué 2 544 personnes - dans un pays comptant cinq fois moins d’habitants que la France, en seulement deux ans. Mais à la fin de l’épidémie en 2016, 1 270 autres avaient survécu. Une majorité est suivie ici gratuitement, pour quelques mois encore, dans le cadre du programme de recherche monté par un professeur de médecine de Montpellier, Eric Delaporte. Chercheur historique sur un autre virus, celui du sida, il s’est mobilisé dans le combat contre ce pathogène émergent, réunissant trois institutions françaises, l’IRD, l’Inserm et l’université de Montpellier, pour financer à Conakry la construction d’une structure dédiée.
En cette matinée, à l’entrée du centre, ils sont deux à regarder tomber la pluie. A côté d’Alpha, un homme s’est allongé sur le banc en bois, son sac à dos en guise d’oreiller. L’allure d’un adolescent, avec son survêtement du Paris-Saint-Germain et sa casquette Nike, il attend pour sa consultation. On apprendra par le médiateur qui parle sa langue, le soussou, que ce cultivateur arrive d’un village à une centaine de kilomètres de là, après deux jours d’un périple harassant en taxi collectif sur la route défoncée venant de la frontière avec la Sierra-Leone.
Dans le cabinet climatisé du médecin, l’homme extrait de son sac plusieurs plaquettes vides de leurs médicaments. Ce sont les antalgiques qu’il a avalés tout au long du voyage, pour tenir. A 40 ans, Issa est dit « guéri », le terme en usage dans le pays pour signifier que la personne n’est plus contagieuse - et éviter une discrimination tenace dans la société guinéenne. Mais il souffre de douleurs dans les muscles et les articulations, l’une des séquelles fréquentes d’Ebola, si bien qu’il a dû renoncer à travailler la terre. Ses trois femmes – la polygamie, interdite en Guinée, est cependant courante dans la majorité musulmane – ont pris le relais pour semer des piments et planter du manioc, tandis qu’il s’essaie au petit commerce. « C’est Dieu qui a décidé d’Ebola, alors il va m’aider, affirme Issa avant de passer dans la pièce voisine pour les analyses. Si je retrouve la santé, ca va aller ».
Sang, salive, sperme (pour les femmes, sécrétions vaginales) : les prélèvements réalisés ce jour là chez les survivants seront ensuite « inactivés » dans le laboratoire sécurisé placé sous la responsabilité d’Alpha, afin de rendre inoffensif le virus – s’il est présent. Un tel équipement, sophistiqué, n’existait pas en Guinée avant l’épidémie, comme le souligne l’Agence de coopération internationale japonaise (Jica) dans son rapport de 2017 sur le système de santé. Les recherches menées par l’équipe ont permis de découvrir, entre autres choses, que le virus peut persister dans le sperme jusqu’à 15 mois après l’infection.
Il faut partager avec Alpha un copieux « riz sauce feuille » (cuisiné avec des feuilles de patate douce, proches des épinards) au restaurant d’à côté, pour comprendre comment il s’est retrouvé là. 2015, l’épidémie est hors de contrôle, la Guinée voit débarquer des urgentistes de la planète entière. C’est d’ailleurs l’année où Issa le cultivateur sort, faible mais vivant, du centre local de traitement pour Ebola, après avoir perdu son père, ses deux belles-mères et un jeune frère. Fort de sa thèse en infectiologie soutenue à Marseille, Alpha veut en être. Le biologiste et spécialiste de pathogènes parmi les plus exotiques se porte volontaire, depuis la France, pour prêter main forte contre ce virus qu’il n’a encore jamais approché.
L’Eprus, l’Etablissement de préparation aux urgences sanitaires (aujourd'hui intégré à l'agence nationale de santé publique) commence par refuser sa candidature, car Alpha n’a pas la nationalité française. Mais Ebola effraie et les postulants capables de tenir un laboratoire sensible sont rares. Il est finalement envoyé pour six semaines dans la zone la moins accessible de la Guinée, la forêt tropicale où est survenu le tout premier cas.
Rude atterrissage sur la piste en latérite de Nzérékoré dans l’avion d’une agence des Nations Unies, transfert par une route ravinée jusqu’à Macenta… Voilà le docteur ès sciences débarqué dans un village de tentes planté sur le terre-plein de la gare routière, réquisitionné par les autorités. A l’intérieur, la température atteint facilement 40°. Alpha enfile pour la première fois la combinaison de protection intégrale, cette tenue de cosmonaute devenue aux yeux du monde le symbole d’Ebola. « A cet instant seulement, je prends la mesure du danger, raconte-t-il en écartant son assiette vide pour mieux se pencher vers nous. J’ai vu les malades qui ne tiennent pas debout, je sais ce que je risque si je m’éclabousse avec un tube de sang. Cette expérience marque pour moi la fin de l’insouciance. Je devrais plutôt dire… de l’inconscience ». Ce séjour décide, du même coup, de son destin : « C’est en Guinée que mes compétences allaient être les plus utiles ».
Il est un autre chercheur guinéen qui partage cette conviction. Un « repatrié » de la même génération, de la même ethnie – malinké – et de la même trempe. Abdoulaye Touré a lui aussi son bureau à l’étage du Cerfig ; il en est le directeur général. L'après-midi est bien avancé quand les deux collègues se rejoignent dans une petite salle de réunion, au bout du couloir. Depuis leur rencontre au Cerfig, ils se sont jurés d’aller plus haut encore et de tirer avec eux le système de soins du pays. Enseignants à l’université, ils visent le titre de professeur agrégé, un concours ouvert aujourd’hui à l’échelle de l’Afrique francophone (au sud du Sahara) et plus seulement de la Guinée. Ces bosseurs s’entraînent ensemble pour leur grand oral, avec un troisième comparse. Abdoulaye se met en place, campé sur ses pieds, commande du vidéoprojecteur en main. Alpha endosse le rôle de président du jury :
« - Monsieur Touré, vous avez la parole.
- Merci, monsieur le président. »
Silhouette élancée, dans son costume cintré bleu électrique, Abdoulaye en impose par la sobriété de son ton et l’économie de ses gestes. A l’entendre égrener ses diplômes et publications scientifiques, on pourrait croire qu’il les a empilés avec facilité. La réalité est un peu différente, comme il nous le racontera bientôt. L’exercice s’achève sur les félicitations du « jury », si bien qu’Abdoulaye, plus détendu, tire une chaise pour s’asseoir avec nous. Le centre s’est vidé. C’est l’heure où les gamins du quartier posent leurs cages de foot au beau milieu de la rue - les cris des joueurs nous parviennent par les fenêtres.
On sait, donc, qu’Abdoulaye, brillant bachelier, se classe « premier de la République » - l’équivalent de lauréat du concours général, en France – et décroche ensuite une thèse en pharmacie. On apprend, maintenant que la glace est brisée, qu’à 28 ans il gagne très bien sa vie dans une clinique privée de Conakry. Et que rien ni personne ne le pousse à partir. Seulement, Abdoulaye vient d’un milieu modeste - ses parents ne savent ni lire ni écrire faute d’avoir été à l’école - et ne se satisfait pas d’un système de santé qui, en l’absence de Sécurité sociale, laisse de côté la plupart de ses compatriotes. Il décide d’aller chercher ailleurs des qualifications qu’il ne peut acquérir en Guinée. Pas de bourse ? Aucun contact hors du pays ? Il se rend dans un cybercafé, tape « formation » et « santé publique ». C’est ainsi qu’après de nombreuses péripéties, il débarque à l’université de Lyon.
Pour vivre et payer ses frais de scolarité, l’étudiant étranger prend les petits boulots qui se présentent. « Je me lève à 4 heures du matin pour remplir les rayons dans un supermarché et à 9 heures, je suis en cours. Je travaille, aussi, comme agent de sécurité ». Abdoulaye grimace au souvenir de cette période où d’un seul coup, il dégringole en bas de l’échelle sociale. Il veut retenir seulement la suite, la reconnaissance qui arrive avec son mi-temps de chercheur au CHU de Lyon, sa thèse en santé publique et l’estime de ses « patrons ».
Comme Alpha à Marseille, Abdoulaye voit s’ouvrir à Lyon le champ de tous les possibles. Aussi ses amis guinéens tombent-ils des nues quand il annonce son retour prochain à Conakry. Du côté des « diaspos » (le diminutif de « diaspora » désignant les Africains de l'étranger) les avertissements fusent : Tu penses à quoi, le niveau des salaires est trop bas en Guinée ! Il faut rester en Europe pour réussir, sinon tu ne pourras pas aider la famille… Oui mais voilà, Abdoulaye a déjà passé trop de temps loin des siens, huit années. On le comprend à la lumière qui s’allume dans ses yeux au moment de clore son récit : « J’ai soutenu ma thèse et le lendemain, j’étais de retour chez moi ».
L’année suivante, Ebola frappe la Guinée, propulsant aux premiers rangs l’une des rares pointures du pays en gestion des épidémies. Abdoulaye dirige maintenant, en plus du Cerfig, l’Institut national de santé publique, l’organisme d’Etat chargé de donner l’alerte devant un cas suspect d’Ebola. A 42 ans, depuis ce poste clé, il espère réussir à former suffisamment de techniciens de laboratoire au diagnostic d’Ebola pour que le jour où le virus réapparaitra dans un village de Guinée, le malade soit immédiatement repéré. Et la contagion, stoppée à ses débuts. Un dessein qu’il poursuit avec un autre quadra « repatrié », Mamadou Saliou Sow. Médecin et chercheur, le Pr Sow a exercé trois ans dans un hôpital public parisien, avec le statut semi-étudiant de « faisant fonction d’interne » inventé pour les praticiens à diplôme étranger. Rentré à Conakry, il vient de passer chef d’un service des maladies infectieuses logé sous des tentes – en attendant la fin du chantier du CHU lancé dans la précipitation en pleine épidémie d’Ebola.
Huit heures du matin, au Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (Cerfig). Garé dans la cour, le pick-up vient d’être bâché. Dans la cargaison, des tentes, des bottes, des lampes frontales et des masques de laboratoire. Alpha Keita tend au chauffeur, prêt à démarrer, l’enveloppe contenant les ordres de mission pour les quatre hommes du projet « Réservoir ».
Le programme scientifique, ambitieux, vise à identifier l’animal servant de réservoir à Ebola. Ce virus hautement contagieux provoque régulièrement des flambées de fièvres hémorragiques en Afrique, avant de s’évanouir dans la nature. Actuellement, il sévit en République démocratique du Congo. Mais où se cache-t-il, entre deux épidémies meurtrières ? Quelle espèce peut bien lui servir d’hôte, sans y succomber ? Pour les scientifiques, la chauves-souris est le suspect numéro un. « On ne fait pas de pause sur la route, le préfet de Mamou nous attend », décrète Alpha, avant de se hisser dans le véhicule suiveur, un gros 4x4.
La nationale 1 monte vers le massif du Fouta Djalon et la ville de Mamou, à 800 mètres d’altitude. Derrière les vitres, défile un paysage de savane verdoyante, plantée de grands arbres. Expérimentés, les chauffeurs slaloment entre les trous béants dans la chaussée ; évitent les poids lourds en panne et ceux accidentés ; klaxonnent à l’entrée des villages mêlant cases en terre et maisons aux toits de tôle.
Le trajet de 300 kilomètres prendra six heures, même si la route reste... l’une des moins mauvaises du pays. Jamais aussi à l’aise qu’en tongs et survêtement, Alpha grimpe au pas de course le perron monumental de la préfecture de Mamou, ses acolytes sur les talons. Le scientifique se passerait bien de visites protocolaires ; mais se signaler aux autorités locales, dans leur cas, n’est pas une option : il en va de leur sécurité.
Car enquêter sur les origines d’Ebola, dans une nation encore hantée par les images des corps sous plastique et des maisons investies par des hommes habillés en cosmonaute actionnant des pulvérisateurs, constitue une activité à risque. Dans les régions où l’épidémie a sévi entre 2014 et 2016, les habitants restent méfiants. « Pas plus tard qu’en mai, nous avons manqué nous faire lyncher après avoir capturé des chauves-souris », glisse tout bas le plus jeune de l’équipe, Souana Goumou, tandis qu’un fonctionnaire tamponne un à un leurs ordres de mission. Il refuse d’en dire plus, comme si raconter ce jour funeste pouvait attirer à nouveau le mauvais sort.
Au deuxième jour, un homme âgé embarque à l’avant du pick-up. Calot brodé sur la tête et courte barbe blanche, il guide les véhicules sur un chemin de terre descendant vers la rivière. Et les arrête devant un taillis masquant l’entrée d’une grotte, repaire de chauves-souris connu des locaux. Cet autochtone, indemnisé pour son aide, cautionne aussi - par sa simple présence - les bonnes intentions de l’équipe. Très vite, un attroupement se forme. Qui sont ces inconnus en bleu de travail ? A quoi sert le cadre de métal géant tendu de fils transparents qu’ils viennent de déballer ? Alors Souana explique le principe du piège « harpe », indétectable pour les chauves-souris. Comment les mammifères vont le heurter en plein vol à la sortie de la caverne. Glisser le long de ses « cordes ». Et chuter dans le berceau de plastique, en dessous, sans se blesser.
Soudain, un bruit de moto couvre ses paroles. Un garçon en maillot de foot descend du deux-roues, retire les écouteurs de ses oreilles et serre les mains à la ronde. Recruté dans le village voisin, il est le deuxième « guide » de la mission. « Un jeune, un vieux, pour faire le lien avec toutes les générations, explique Alpha. C’est notre assurance vie, davantage que les tampons du préfet ».
A la nuit tombée, le spectacle devient surréaliste. Assis autour d’une table de camping dans une clairière, les agents du projet « Réservoir » s’éclairent à la frontale. Tels des cyclopes masqués et gantés, ils « échantillonnent » l’une après l’autre la quinzaine de rousettus aegyptiacus - ou roussettes d’Egypte - capturées au crépuscule. L’un des vétérinaires maintient le spécimen, ailes dépliées ; Souana le biologiste le pique avec une aiguille au niveau du coude pour faire perler quelques gouttes de sang ; il aspire le liquide rouge dans une pipette puis le dépose sur un papier buvard. Enfin le vétérinaire, d’un geste rapide des bras évoquant une incantation, lance la chauve-souris vers le ciel. Les badauds, médusés, la regardent s’envoler et disparaître dans l’obscurité.
Cette collecte méticuleuse d’échantillons sanguins, débutée en 2015, se déroule simultanément en Guinée, au Cameroun et en République démocratique du Congo. 4022 de ces papiers buvards ont déjà pu être analysés. Un tout petit nombre a révélé la présence d’anticorps dirigés contre des protéines du virus Ebola. Trois espèces de chauves-souris, dont la roussette d’Egypte, sont concernées, selon l’article paru en décembre 2018 dans la revue Emerging infectious diseases. L’un des auteurs, la virologue Martine Peeters, pointure de la recherche mondiale sur le VIH/Sida, use prudemment du conditionnel : « Les résultats positifs pourraient être le signe que ces chauves-souris ont été infectées par le virus Ebola dans le passé ».
Les curieux sont repartis et Souana plie la dernière chaise, soulagé que personne ne les ait pris à parti. Il est disposé, maintenant, à raconter la mission qui avait si mal tourné. « Nous étions à l’autre bout du pays, dans un coin de Guinée Forestière, commence-t-il. A cet endroit, Ebola avait fait une cinquantaine de morts et de nombreux orphelins… » Par précaution, l’équipe avait convié le sous-préfet en personne. Assis autour de la table, Souana et les autres prélevaient le sang de leur 13ème spécimen quand des femmes accompagnées d’enfants les ont encerclés. La rumeur circulait selon laquelle ils injectaient Ebola aux chauves-souris pour qu’elles répandent le virus chez les « Forestiers » - le nom donné aux habitants de la région.
Le sous-préfet a pris la parole. Mais il n’a pas été compris, ou cru. Bientôt, quelque 200 personnes vociféraient : « Vous êtes venus pour infecter Ebola dans notre village ! Quittez ! » Alors le représentant de l’Etat a ordonné de ranger le matériel et de partir. « Nous savions tous que l’étape d’après, ce serait les bâtons et les machettes », conclut Souana, avant de grimper dans le pick-up.
Le 4x4 démarre à sa suite. Assis à l’avant, Alpha Keita suit la danse des feux arrière de la camionnette qui attaque la colline crevassée par les ruissellements. « Avec ses chercheurs répartis entre l’Afrique et la France, notre équipe pourrait bien découvrir les origines d’Ebola, rêve tout haut le spécialiste des microbes émergents. Quand on saura où s’abrite le virus, alors il devrait être possible d’empêcher sa transmission à l’homme ». Et d’éviter la répétition du scénario catastrophe survenu en Afrique de l’Ouest, où la contamination d’une seule personne dans un village de Guinée Forestière a entraîné plus de 11 000 morts. Les scientifiques qui, comme Alpha, ont choisi la « repatriation » font ainsi le lien entre deux mondes : le Nord, pour lequel Ebola reste un sujet d’étude scientifique, et le Sud, confronté directement à sa menace.
NB : Estelle Saget et Alain Tendero ont bénéficié pour ce reportage d’une bourse du Centre européen du journalisme (ECJ) sur la santé globale.
Doctorant
5 ansVoilà le parcours des élites qui sans un accompagnement de la part de l'état verrons leurs travails prendre du retard
Chargé de cours d'hématologie clinique chez CPSI
5 ansMagnifique article et courage à nos valeureux chercheurs.
Médecin de santé publique, option santé internationale
5 ansJe connais bien les capacités scientifiques du Dr Alpha Keita qui fut mon aîné de deux anà la faculté. Nous avions animé le Réseau des Étudiants enédecine d'Afrique de l'Ouest (REMAO) où nous avions gagné plusieurs prix de communication scientifique. Je suis persuadé de la réussite de la mission.
Mandataire immobilier indépendant
5 ansquel superbe article, excellent, a lire et relire, passionnant , bravo .
Journaliste - Responsable Editorial à Psycom - Auparavant à The Conversation et L'Express
5 ansCristelle Duos Anne Claire Jucobin IRD Catherine d'Astier Riviere Priscille Inserm Anne Delestre Université de Montpellier Daina Rechner Valérie Rotival Muriel TAPIAU