Etre maire, métier à risque pour la santé mentale ?
Focus sur le sujet phare de l'actualité en santé mentale de ces dernières semaines. Cette revue de presse est proposée par Psycom, organisme public d'information sur la santé mentale.
[REVUE DE PRESSE] En France, les maires sont fatigués, et certains proches du burn-out. Ce sont les premiers résultats d’une enquête rendue publique le 15 novembre, réalisée pour l’Association des maires de France (AMF) dont le congrès se tenait du 19 au 21 novembre à Paris.
“Les maires estiment, de manière massive (83 %), que leur mandat est usant pour la santé, ce qui n’est pas étonnant au regard des engagements consentis et des débordements du mandat [sur leur vie personnelle et familiale], écrivent les chercheurs. Cette usure se traduit par la déclaration de troubles du sommeil, de coups de fatigue ou de moments de lassitude, auxquels très peu de maires échappent, et qui sont des états permanents pour un quart à un tiers des maires”.
L’enquête EluSan sur les élus et leur santé a été pilotée par deux sociologues du Centre de sociologie des organisations (Sciences Po et CNRS), à partir de 3042 questionnaires remplis en ligne par des maires en mai et juin 2024.
“À la fatigue physique s’ajoute une charge mentale alimentée par des sources variées, poursuivent les chercheurs. Il est plus difficile de trouver des réponses et des parades à cette charge mentale car […] elle apparait comme un tabou, comme si elle pouvait mettre en cause la légitimité du maire ou ternir sa capacité à bien exercer son mandat”.
Etre maire serait-il un métier à risque pour la santé mentale ? “L’exercice du mandat de maire expose à des mécanismes générateurs de charge mentale ou de stress : être sous pression, devoir penser à trop de choses à la fois, avoir une action pas efficace, ne pas réussir à résoudre certains problèmes, devoir cacher ses émotions, indiquent les chercheurs. Ces expériences, vécues par la quasi totalité des maires, sont typiques de conditions de travail comportant des risques psychosociaux”, c’est à dire des risques d’épuisement ou de souffrance au travail.
Ainsi Nadine Wantz, maire de Rioz, petite ville de Haute-Saône, devrait rénover l’école pour la mettre aux normes mais les moyens financiers ne le permettent pas. “On nous demande de rendre le meilleur service public possible et en face, les recettes s’amenuisent, donc c’est compliqué“, confie-t-elle à la journaliste de France 3 Sophie Courageot.
Les maires des petites villes et communes rurales sont particulièrement exposés aux risques d’épuisement. Rachel Bournier, maire de Sauviat, commune de 500 habitants dans le Puy-de-Dôme, affirme à la journaliste de France 3 Manale Makhchoun : “J’ai trouvé un équilibre en cloisonnant ma vie privée et ma vie professionnelle. C’est important de se fixer des règles, comme limiter les réunions après 18 heures”, conseille-t-elle, soulignant que beaucoup d’élus préfèrent cacher leur fatigue et leurs doutes, de peur d’être perçus comme faibles.
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Par ailleurs, les maires reçoivent davantage d’insultes et subissent davantage de violences que par le passé. Michel Lebouc, maire de Magnanville (Yvelines), agressé par un administré il y a un an et demi, témoigne sur BFM TV. Sur Ouest-France, le dessinateur de presse Chaunu a représenté un homme équipé façon CRS, avec casque et bouclier. “C’est les nouveaux équipements des policiers municipaux ?” demande une femme en tailleur, dubitative. “Non ! Des maires !” répond son acolyte.
Le coup de projecteur sur la santé des élus est à replacer, aussi, dans le contexte d’un rapport de force que l’AMF tente d’instaurer, au moment où des coupes sont annoncées dans les budgets des régions, départements et communes. “5 000 d’entre eux ont posé [le 19 novembre] pour une photo commune impressionnante, arborant une écharpe noire par-dessus leur écharpe tricolore pour protester contre le coup de rabot de cinq milliards d’euros réclamé aux collectivités locales prévu dans le prochain projet de loi de finances”, rapporte le journaliste du Point Clément Pétreault. Et d’ajouter : “Les élus devraient en effet obtenir une grosse ristourne sur le montant de l’effort demandé”.
Malgré tout, le métier continue à motiver, et des maires ont raconté dans les médias ce qu’ils font pour préserver leur santé mentale. Aymeric Pépion, maire de Trainou (Loiret), s’appuie sur la solidarité entre maires. “Dès qu’un maire a un problème, on est tous là pour se serrer les coudes et s’entraider, affirme-t-il au journaliste de France Bleu Orléans Antoine Vandendrische. Si un collègue maire m’appelle la nuit, c’est qu’il y a un problème et là je n’hésite pas, j’enfile mon pantalon, on se passe des coups de fil et tout le monde répond à tout le monde”.
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