Impérative, la réforme des retraites ne suffira pourtant pas
La France va t’elle de nouveau passer à côté d’une vraie réforme des retraites? L’abandon sans faire de vague de la retraite universelle par points, pourtant juste et lisible, le suggère. Exit aussi la suggestion de stabiliser les finances du régime des retraites en indexant les pensions sur le niveau des salaires, qui conditionne déjà les cotisations. Aujourd’hui le débat se cristallise autour de la « réforme paramétrique » : augmenter le nombre d’années de cotisation ou l’âge minimum de départ à la retraite ?
Le fait que les Francais partent tôt à la retraite et plus généralement aient un taux d’activité entre 55 et 64 ans beaucoup plus faible que leurs homologues européens (56 % contre 77% en Suède) indique des marges de manœuvre. A condition de ne pas oublier l’équité, et de faire en sorte que ceux qui commencent tôt dans la vie active ne soient pas mis beaucoup plus à contribution que ceux qui, poursuivant leurs études, entrent tard sur le marché du travail. Donc augmenter la durée de cotisation et pas seulement l’âge de la retraite de façon indiscriminée.
Le rapport sur les grands défis économiques[1] insistait sur la nécessité d’adopter une approche holistique : pour les retraites comme pour les autres grands défis, une seule mesure ne suffira pas. En l’occurrence, il faudra aussi :
1. améliorer encore la formation continue, traditionnellement très peu efficace en France- la formation continue permettra aux salariés de progresser et d’adapter leur travail au changement technologique et leur offrira de nouveaux défis rompant la monotonie de tâches maintes fois accomplies;
2. encourager les entreprises à réduire les maladies chroniques en privilégiant la prévention et l’utilisation de solutions technologiques. En veillant bien à responsabiliser les entreprises concernées, qui doivent payer des cotisations de sécurité sociale plus élevées pour ouvrir à leurs salariés en emplois pénibles des droits mérités à une retraite anticipée. Autre raison d’éviter la mutualisation : la pénibilité est élusive pour quiconque n’est pas sur le terrain, alors que l’employeur et les syndicats ont l’information sur sa réalité et sur la façon de la réduire.
3. augmenter les incitations financières à retarder le départ en retraite et conserver un emploi, pour ceux qui en ont le goût et l’aptitude ;
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4. maintenir les seniors dans l’emploi. Difficile de dissocier réforme des retraites et celle du marché du travail. Malheureusement, les questions touchant au marché du travail sont inflammables, comme le montre l’exemple de la proposition de bon sens d’ajuster la générosité des allocations en fonction du marché du travail (s’il n’y a pas d’offres, les chômeurs ne peuvent pas trouver d’emploi). Une telle assurance contracyclique, moins généreuse quand le taux de chômage dans le secteur est plus faible, existe pourtant déjà dans d’autres pays.
En témoigne aussi la lente introduction du bonus-malus, qui incite, en échange de flexibilité, les entreprises à garder leurs employés plus longtemps et à les former. Appliqué en juillet 2021, le bonus-malus ne touche pour l’instant que quelques secteurs ; de plus la variation des cotisations (entre -1% et +1%) est encore faible. Espérons qu’il sera élargi à toute l’économie et sera rendu plus incitatif. Plus graves sont les abus du mécanisme de la rupture conventionnelle ou de l’intermittence et des CDD.
Enfin, il faut déboulonner un certain nombre de mythes empêchant un vrai débat sur le travail. Non, les départs à la retraite ne créent pas d’emplois pour les jeunes ; sinon la France aurait sans doute moins de chômage que les autres pays développés. Car le nombre d’emplois dans une économie n’a jamais été fixe (qui avancerait que rétablir le service militaire ou allonger la durée des études absorberait durablement le chômage?) ; d’ailleurs l’on ne voit pas très bien comment un retraité apporterait plus de richesse au pays, et donc aux jeunes actifs, qu’un salarié fournissant main d’œuvre et cotisations sociales. Non, le problème de la sécurité sociale, dont il faut rappeler que les cotisations ne couvrent que 64% des dépenses, ne se résoudra pas de lui-même et sans coup férir, simplement par la croissance de la productivité. Non enfin, un monde sans incitations n’est malheureusement pas une option; le succès de la réforme de l’apprentissage ou le fait que le taux de sortie du chômage est plus élevé à l’approche de la fin de droits (surtout pour les salaires élevés) sont deux des nombreuses preuves du contraire.
Article publié par "Challenges" dans le cadre du collectif "Economistes du Bien Commun".
[1] Un ouvrage éponyme résumant les travaux de la commission internationale vient d’être publié en septembre par Olivier Blanchard et Jean Tirole aux PUF.
Project & business developer | Entrepreneur | Fr, An, Es, It
2 ansLa re-quoi ?
Professeur au Ministère de l'Éducation nationale | Management, Marketing, Gestion et de Digitalisation et relation client à distance.
2 ansUne source divergente pour se faire une idée éclairée: https://www.lacledesondes.fr/article/retraites-une-reforme-inutile-et-injuste
Independent Non Executive Director / ILA certified
2 ansMerci pour cette analyse. Oui une approche holistique fait cruellement défaut. Le sujet est sur la table depuis au moins 1991 et il n’a toujours pas été traité comme il le conviendrait avec responsabilité et transparence. La tournure prise par le débat en ce moment laisse craindre le pire. Procrastiner ne sera jamais la meilleure manière de traiter les “problèmes”… Le temps ne joue pas en notre faveur!