Incendie de Notre Dame, Covid-19 : quelques pistes pour dépasser les impossibles opérationnels en entreprise
L’incendie de Notre-Dame l’année dernière comme la crise sanitaire actuelle sont des situations d’ « impossible opérationnel »*, caractérisées par un rapport des forces très défavorable pour une des parties, autant matériellement qu’humainement. Ces situations inédites et extrêmes nous invitent à explorer les leviers permettant de rééquilibrer la situation.
Faire confiance au collectif
Inutile de minimiser la brutalité de la crise du COVID-19, qui comme l’incendie de Notre-Dame, nous renvoie à notre finitude : Notre-Dame pourrait bien s’effondrer après mille ans, notre modèle de développement pourrait bien être arrivé à un point de rupture.
La peur informe du danger mais n’empêche pas d’agir, si l’on s’appuie sur ses points de force. Parmi ceux-ci, la confiance dans le collectif. L’engagement des autres permet celui de chacun : c’est parce qu’un pompier a confiance en ses équipiers qu’il peut aller au feu, de même pour le médecin en une équipe soignante. L’entreprise est elle aussi un collectif, au sein duquel les collaborateurs s’engagent parce qu’ils ont confiance, dans leurs pairs, leurs managers et la structure. Une confiance qui se construit au long cours.
Laisser le champ à l’innovation
Le combat impossible invite à expérimenter des solutions et agit donc comme un accélérateur d’innovation. Robots et drones dans l’incendie de Notre-Dame, diverses recherches médicales en cours pour le COVID : l’innovation résulte notamment de l’acceptation de raisonner en ‘et’ plutôt que ‘ou’ : et les lances à incendie et les robots et les hommes pour Notre-Dame, et les médicaments et le dépistage et la prévention et la recherche pour le COVID-19.
L’innovation est une culture de l’expérimentation, parfois considérée comme coûteuse ou comme un graal, mais qui pourtant se cultive au quotidien. En temps de crise, elle devient une improvisation maîtrisée et forcée, avec l’avantage d’un retour rapide sur les tentatives. L’innovation retrouve sa juste place et fonction, répondre aux besoins des parties prenantes, même dans une certaine frugalité lorsque les moyens manquent (masques de plongée détournés en masques pour soignants et malades ; bio tech ou start up qui présentent une molécule ou innovation comme le ver marin).
Décider au juste niveau
Les impossibles opérationnels se caractérisent pour les décideurs par un difficile accès à l’information. Une des solutions est alors de déléguer la décision, afin qu’elle soit prise plus près du terrain, là où se trouvent précisément les informations. Contrairement à une intuition que les décisions devraient être centralisées pour tenir le cap, certaines recherches indiquent que les entreprises qui surmontent le mieux les crises sont celles dans lesquelles la décision est permise à des niveaux plus bas dans l’organisation, au moins le temps de la crise. Ainsi, l’impossible opérationnel invite à plus d’agilité décisionnelle au sein des structures. Cette agilité se prépare elle-aussi sur le long terme.
Les impossibles opérationnels accentuent la crise, au sens latin du terme. Crisis indique le paroxysme d’une maladie, son point de bascule. Ils nous entraînent dans une crise, au sens grec, Krisis, qui renvoie à la décision, à une action collective pouvant permettre un passage vers un nouvel état du monde. Pour que l’impossible opérationnel laisse place à un possible, il faut à la fois l’engagement collectif dans la mission, la solidarité, l’innovation et l’agilité décisionnelle. En entreprise, ces leviers sont des ressorts d’action puissants, qui doivent se travailler au long cours pour faciliter leur mobilisation en cas de crise.
Marine Balansard et Marine de Cherisey, facilitatrices en intelligence décisionnelle (cabinet Ariseal) et auteurs du livre "Décider ça se travaille" aux éditions Eyrolles
* Terme utilisé par le général Jean-Claude Gallet, en charge des opérations contre le feu à la cathédrale Notre-Dame le 15 avril 2019
Directrice Corporate Finance - AXA France
4 ansToujours aussi juste, merci Marine!