INDIVISION/SUCCESSION: SURSIS A PARTAGE ET LICITATION ORDONNÉE

Aucun texte alternatif pour cette image

En application des dispositions de l’article 815 du code civil :

« Nul n’est tenu de rester en indivision, le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ». 

Cet article est le fondement juridique des actions en demande d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage dans le règlement d’une succession.

1. Cadre processuel du partage judiciaire

Les articles 1359 et suivants du code de procédure civile fixent le cadre du processus du partage judiciaire, en trois phases classiques.

1.1. Première phase : assignation en partage judiciaire

L’un des héritiers doit assigner en partage judiciaire ses co-héritiers devant le Tribunal de grande du lieu de décès du parent décédé.

Les demandes portent alors sur :

- l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision,

- la désignation d'un Notaire pour y procéder,

- la désignation éventuel d'un expert pour procéder à des évaluations des biens (meubles ou immeubles) dépendants de la masse successorale,

- des points de droit (rapport, recel, réduction, …) ou de calculs de la succession.

1.2. Deuxième phase opération devant le Notaire et expertise

Ensuite, les opérations se déroulent devant le Notaire désigné.

Il appartient au dit Notaire d'établir un projet d'état liquidatif comporteront trois étapes :

- les comptes : énumération de la masse successorale, des créances et dettes de chacun, éventuelles indemnités de réduction, …

- la liquidation : détermination des droits de chacun sur le base de l’actif net successoral,

- le partage : proposition d'attributions des lots.

C’est alors que deux options se dessinent :

  - option 1 : soit les parties parviennent à signer le projet d’acte de partage, 

  - option 2 : soit au contraire des désaccords persistent.

1.3. Troisième phase: nouvelle saisine du juge liquidateur pour statuer sur les points de désaccord persistants

Dans le cas où des points de désaccord sont persistants, il appartient à l'un des indivisaires (peu importe lequel) en application des dispositions des articles 1373 et 1374 du code de procédure, de saisir le juge, sur la base d’un procès-verbal de dires et difficulté du Notaire, pour qu'il statue sur ces points de désaccord.

Le juge peut alors :

- procéder lui-même au partage : homologation projet acte de partage du notaire, ou ordonner la licitation des biens immobiliers, …

- trancher les points de désaccords et renvoyer les parties devant le Notaire qui devra établir son projet d’acte sur cette base.

1.4. Sursis à partage

Les affaires sont les affaires et le code civil en tient compte.

En effet, malgré le droit consacré au partage, le législateur a prévu un mécanisme de sursis (pendant une durée maximum de deux ans) si sa réalisation risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis.

C’est ainsi que l’article 820 du Code civil dispose que :

A la demande d'un indivisaire, le tribunal peut surseoir au partage pour deux années au plus si sa réalisation immédiate risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis ou si l'un des indivisaires ne peut reprendre l'entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dépendant de la succession qu'à l'expiration de ce délai. Ce sursis peut s'appliquer à l'ensemble des biens indivis ou à certains d'entre eux seulement.

S'il y a lieu, la demande de sursis au partage peut porter sur des droits sociaux.

La procédure peut donc s’allonger encore plus.

Toutefois, cet article du code civil n’est pas applicable dès lors qu’un partage a été ordonné, c’est l’enseignement récent de la Cour de cassation dans son arrêt du 3 octobre 2019 (RG n°18/21200).

2. Faits de l’espèce 

Une personne décède et laisse pour lui succèder ses deux enfants. La masse successorale est composée de deux biens immobiliers. Des difficultés apparaissent entre les héritiers à propos du règlement de la succession.

Le frère assigne sa sœur en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage.

Un jugement du 12 mars 2008, confirmé par arrêt du 27 octobre 2009 ordonne le partage de la succession et désigne un notaire pour y procéder.

Les héritiers ne parviennent pas à trouver un accord sur le projet d’acte de partage du Notaire.

Le frère assigne sa sœur et sollicite la licitation des biens immobiliers.

Un jugement du 26 juin 2013, confirmé par arrêt du 27 janvier 2015 ordonne la licitation des biens immobiliers.

Par jugement du 3 aout 2017, le juge de l’exécution a constaté la carence d’enchères pour chacun des biens.

Le frère assigne de nouveau sa sœur afin de voir ordonner une nouvelle vente sur licitation sur des mises à prix d’un montant inférieur aux précédentes.

Dans le cours de la procédure, la sœur sollicite le sursis à partage sur le fondement des dispositions de l’article 820 du Code civil.

La sœur est déboutée en première instance et en appel.

Elle se pourvoit en cassation.

Par arrêt du 3 octobre 2019, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi selon la motivation suivante :

Mais attendu que, selon l’article 820, alinéa 1er, du code civil, à la demande d’un indivisaire, le tribunal peut surseoir au partage pour deux années au plus, notamment si sa réalisation immédiate risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis ; que, lorsque le partage résulte d’une décision de justice irrévocable, il ne peut plus être sursis à la licitation, laquelle constitue une modalité du partage ; 

Et attendu qu’ayant constaté que le partage de l’indivision avait été ordonné par une décision de justice irrévocable, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande de sursis à la licitation formée par Mme Y... sur le fondement de l’article 820 du code civil ne pouvait être accueillie ; que le moyen n’est pas fondé ;

La cour de cassation considère que le jugement et l’arrêt d’appel ordonnant la licitation vaut partage irrévocable.

La cour de cassation donne ainsi un nouvel éclairage sur le champ d’application du mécanisme du sursis à partage : il ne peut y avoir sursis à partage si le partage a d’ores et déjà été ordonné.

La solution inverse aurait été inquiétante.

Par Nicolas Graftieaux et Marie Laguian

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Nicolas Graftieaux - Canopy Avocats

Autres pages consultées

Explorer les sujets