Inopposabilité à la société de la cession de parts sociales d’une SNC en cas de défaut d’agrément - Cass. com. 16 mai 2018, pourvoi n° 16-16.498, FS-P

La solution posée par la Cour de cassation est importante car, pour la première fois, elle se prononce expressément sur la sanction du défaut d'agrément d'une cession de parts sociales de société en nom collectif à l'unanimité des associés, que prévoit l'article L. 221-13 du Code de commerce, sans autre précision.

En l’espèce, une SCI a cédé à la société Farner et Cie les quarante parts sociales qu'elle détenait dans le capital d’une SNC avant d’être dissoute par décision déposée au RCS le 4 novembre 1996, son gérant ayant été désigné liquidateur. La SNC et ses associés ont assigné le cessionnaire des parts sociales ainsi que son ayant droit en annulation de la cession faute pour ces derniers d’avoir été agréés. Les cessionnaires successifs ont demandé reconventionnellement l'annulation de l'assemblée générale du 10 août 2009 d'approbation des comptes sociaux de 2002 à 2008 de la SNC ainsi que des assemblées suivantes, faute d'y avoir été convoqués.

La Cour d’appel a considéré que la demande de la SNC et des associés était irrecevable au motif qu’ils étaient tiers à la cession et qu’ils ne pouvaient donc en demander l’annulation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel et considère « le défaut d'agrément unanime des associés à la cession des parts sociales d'une société en nom collectif n'entraîne pas la nullité de la cession, laquelle est seulement inopposable à la société et aux associés ».

Jusqu’à présent, la chambre commerciale n’avait jamais explicitement pris position sur la nature de la sanction du défaut d’agrément. La question n'avait été abordée que marginalement, dans un arrêt de 2009 dans lequel la Cour s’était contentée de limiter à la société et aux associés le droit de se prévaloir du défaut d'agrément, à l'exclusion du cessionnaire (Com. 24 nov. 2009, n° 08-17.708).

Mais elle n’avait pas évoqué le moyen juridique par lequel la société et les associés pouvaient effectivement se prévaloir du défaut d’agrément. S'agissait-il d'une nullité ou d'une inopposabilité ? En indiquant que la sanction est l’inopposabilité, la Cour de cassation met fin à un débat doctrinal né de l’absence de toute précision dans la loi sur le sujet lorsqu’il est question de cession de parts sociales alors que cette sanction est explicitement prévue lorsqu’il est question de la cession d’actions puisque l’art. L. 228-23 C. com. prévoit que : « toute cession effectuée en violation d'une clause d'agrément figurant dans les statuts est nulle ».

Le choix de l’inopposabilité est judicieux dans la mesure où il évite à la société la lourdeur d’un procès pour faire disparaître la cession litigieuse. Il lui appartient seulement de faire comme si cette cession n’avait jamais eu lieu, ce qui doit la conduire à considérer le cédant comme étant toujours associé.

Parallèlement, le défaut d'agrément ne prive pas la cession de sa validité entre le cédant et le cessionnaire, ce qui signifie donc que ce dernier ne peut demander la restitution du prix qu'il aurait déjà payé qu’en démontrant l’existence d’un vice du consentement. Toutefois, l’acquéreur dispose également de moyens d’action sur le fondement du droit spécial de la vente. Il peut mettre en œuvre la garantie d’éviction ou encore espérer obtenir gain de cause sur le terrain de la délivrance conforme.

C’est dire que l’inopposabilité est une sanction plus respectueuse des différents intérêts en présence que la nullité. Dès lors que la nullité ne protège pas une partie à l’acte, mais un tiers, elle s’avère inadaptée à l’objectif poursuivi par le législateur puisqu’elle enjoint le tiers à prendre l’initiative d’un procès pour faire valoir ses droits ou plus exactement le fait que l’une des parties à la cession n’a acquis à son égard aucun droit. C’est la raison pour laquelle, le législateur pourrait utilement s’inspirer de cette décision pour réformer la sanction du défaut d’agrément dans les sociétés par actions en remplaçant la nullité par l’inopposabilité…

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