La clause de non concurrence
Introduction
La gestion des intérêts commerciaux implique fréquemment l’usage de clauses spécifiques, telle que la clause de non-concurrence. Cette dernière, cruciale lors d’une cession de parts sociales ou d’actions, vise à éviter que le cédant ne concurrence la société qu’il quitte, surtout s’il détient des informations stratégiques. Son importance s’étend également au bail commercial, où son inclusion peut sécuriser l’activité du locataire en limitant les actions du bailleur. Ces clauses, bien que stratégiques, requièrent une attention particulière pour respecter les critères légaux et garantir une protection optimale des intérêts commerciaux.
I. La mise en place d’une clause de non-concurrence dans le cadre d’une cession de parts sociales et d’actions
Une clause de non-concurrence, intégrée dans le cadre d’une cession de parts sociales ou d’actions, a pour objectif d’empêcher le cédant de concurrencer la société qu’il choisit de quitter. L’inclusion de cette clause revêt une importance cruciale pour la société, car elle vise à prévenir toute menace potentielle sur son activité. En effet, elle évite que le cédant ne rejoigne une entreprise concurrente exerçant dans le même domaine d’activité que l’entreprise qu’il quitte, ce qui pourrait compromettre les intérêts de cette dernière. Cette menace est encore plus présente lorsque le cédant occupe un poste important au sein de la société, détient un portefeuille de client conséquent et connait de nombreuses informations confidentielles liées à l’activité. A titre illustratif, il a été jugé comme licite une clause de non-concurrence appliquée à la cession de parts d’un ancien dirigeant par laquelle ce dernier renonçait à s’intéresser directement ou indirectement à la clientèle dont il avait eu la responsabilité au sein de la SAS dont il était responsable et ce pour une durée de trois ans. Cette décision a été rendue par la Cour d’appel de Nancy (CA, Nancy, 2e chambre commerciale, 28 novembre 2007, n°04/03391). La clause de non-concurrence, en restreignant d’une certaine manière la liberté d’entreprendre et, de manière plus générale, la liberté du travail, doit être limitée temporellement et spatialement de manière cumulative tout en étant proportionnée aux intérêts légitimes à protéger. Par exemple, une clause de non-concurrence mentionnant que le cédant s’interdit de faire concurrence sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement à l’activité de la société est nulle et ce même si la clause est limitée dans le temps, le cumul des conditions de validité n’étant pas présent (Cass, com, 12 février 2013 n°12-13.726, F-D).
Cependant, se matérialise la mise en place de cette clause dans le cadre d’une cession de parts ou d’actions ?
Une clause de non-concurrence peut être statutaire c’est-à-dire insérée directement dans les statuts, insérée dans l’acte de cession ou bien insérée dans les deux cumulativement. L’avantage d’une clause statutaire réside dans son application à l’ensemble des associés de la société. Toutefois, en cas de litige, la société est la seule entité habilitée à invoquer la clause, et tout bénéfice d’indemnisation résultant du non-respect de celle-ci sera versé directement à la société, en tant que bénéficiaire exclusif. Dans le cadre d’une modification statutaire, lorsque la clause est insérée en cours de vie sociale, les associés doivent voter unanimement en faveur de cette modification car cette insertion constitue une augmentation de leurs engagements du fait de l’attente qu’elle porte à la liberté du commerce et de l’industrie. Cette décision provient d’un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, Cass. Com, 26-03-1996, n°93-21.250. Lorsque cette clause est en revanche insérée dans l’acte de cession, le cessionnaire pourra l’invoquer.
Il peut être également intéressant de mettre en place une clause de non-concurrence couplée d’une clause d’exclusivité dans le cadre d’un bail commercial.
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II. L’existence de la clause non-concurrence couplée d’une clause d’exclusivité dans le cadre du bail commercial
Le bail commercial constitue un contrat de grande importance pour le locataire, étant le socle juridique qui autorise l’exploitation d’un fonds de commerce dans des locaux mis à disposition par le bailleur. Il est tout d’abord important de rappeler l’obligation de jouissance paisible du locataire incombant au bailleur selon l’article 1719 du Code civil. « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ». On peut alors s’interroger sur ce qu’est une jouissance paisible. Le bail commercial en lui-même ne contient aucun engagement d’exclusivité ni aucune clause de non-concurrence le bailleur garantissant au preneur seulement la jouissance de la chose louée (Cass, civ, 3, 04-12-1991, n°90-11.569). De plus, l’obligation de jouissance paisible des lieux loués ne signifie pas non plus dans le silence du bail commercial le bénéfice d’une exclusivité dans l’immeuble (Cass, civ 3, 16-10-1985, n°84-14105). Cependant, il est intéressant de noter que lorsque le bailleur s’engage à « garantir la cohérence et l’harmonie de l’aménagement et la destination des différents locaux« , il peut être responsable du non-respect par certains locataires de la destination exclusive de leur bail (Cass. civ. 3, 10-04-2002, n° 00-20.133).
Ainsi, il peut être judicieux pour le locataire de demander dans un premier temps, l’insertion d’une clause de non-concurrence permettant notamment l’interdiction pour le bailleur de louer le même immeuble pour l’exploitation d’un commerce identique à celui du preneur (Cass, civ.3, 07-04-1993, n°91-14503). A défaut, le bailleur pourra très bien louer à un second preneur un local dans le même immeuble et ce pour l’exercice d’une activité identique (Cass. civ. 3, 14-05-1997, n° 94-22.146). Si le bail commercial se renouvelle tacitement, le locataire pourra toujours demander le respect d’une clause de non-concurrence qui se serait maintenue du fait du renouvellement et ce, même si ce dernier ne s’était pas opposé à l’activité concurrente deux ans plus tôt mais seulement après le renouvellement (Cass. civ. 3, 04-07-2001, n° 00-11.563). Le non-respect de cette clause n’engagera que le bailleur car le locataire respectant la destination contractuelle des lieux ne pourra voir sa responsabilité engagée (Cass. civ. 3, 04-07-2001, n° 00-11.563). A l’inverse, le bailleur ne peut être automatiquement tenu responsable. En effet, La responsabilité du bailleur envers le bénéficiaire de la clause de non-concurrence ne peut être engagée du fait de l’exercice d’une activité concurrente par un colocataire, à moins que le bailleur ait tardé à prendre des mesures pour mettre fin à cette situation.
Dans un second temps, il peut également être judicieux pour le preneur d’insérer dans le bail commercial une clause d’exclusivité en plus d’une clause de non-concurrence, cette clause devant être interprétée de manière restrictive (Cass, civ, 3, 25-10-1972, n°71-11.563, publié, n°547). Si le bailleur viole cette clause, ceci caractérise un trouble manifestement illicite et ce dernier s’expose à une condamnation en référé, sous astreinte, à faire cesser l’activité du locataire contraire à la clause d’exclusivité (Cass. civ. 3, 11-10-2018, n° 17-23.902, F-D). Cette clause d’exclusivité au bénéfice du preneur est utile car bien que le bailleur ait l’obligation de garantir la jouissance de la chose louée, il n’a pas l’obligation de garantir la jouissance du commerce exercé dans les lieux loués sauf engagement d’exclusivité au bénéfice du preneur (Cass, civ 3, 28-02-1973 n°72-10524 ; Cass. civ. 3, 16-03-1976, n° 74-10593).
En somme, la clause de non-concurrence visant à prévenir la concurrence déloyale trouve une place stratégique dans la protection des activités commerciales. Toutefois, son efficacité dépend de sa mise en œuvre respectant rigoureusement les critères légaux, notamment temporels, spatiaux, et proportionnels aux enjeux légitimes à protéger. Que ce soit dans les statuts, l’acte de cession, ou le bail commercial, son intégration nécessite une attention particulière. En particulier, dans le bail commercial, l’ajout d’une clause d’exclusivité renforce la protection du locataire, obligeant le bailleur à garantir non seulement la jouissance des lieux mais également la spécificité de l’activité commerciale.
Expert-Comptable & Commissaire aux comptes
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