L'Intelligence Émotionnelle: Connaitre, Créer, Collaborer

L'Intelligence Émotionnelle: Connaitre, Créer, Collaborer

Le Petit Prince nous a dit un jour : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ». Le Cœur comme organe de connaissance principal et donc meilleur allié de l'évolution individuelle et collective… ? Les neurosciences ont confirmé l’intuition du Petit Prince : notre cœur, notre système entérique, l’ensemble de notre corps produisent des neuropeptides, cellules particulières transportant l’information de notre corps vers le cerveau. Notre cœur en particulier génère des champs électrique et électromagnétique d’amplitude prodigieusement plus élevée que notre cerveau (60 fois pour le champ électrique et 5000 fois pour le champ électromagnétique), nous autorisant à penser qu’il est un organe de connaissance, de communication (et donc de développement) essentiel.

Que dire alors de nos efforts inaltérables à tout comprendre avec notre tête? Ne confondrait-on pas rationalité et réalité ? Réalité manifestée (donc ‘visible’ d’une façon ou d’une autre) et réalité-tout-court ? Et si on osait l’espace d’un instant considérer l’immensité des champs d’expression du non-rationnel (=en dehors de la logique rationnelle) et étendre le réel au domaine invisible (ou non encore visible)?

 La physique quantique pose aujourd’hui clairement la question de l’existence même de la matière que le paradoxe de la dualité onde-corpuscule a durablement ébranlé: ni complètement onde, ni entièrement corpuscule, mais alors… ? L'épigénétique revisite le déterminisme génétique et subordonne l'expression de nos gênes à nos modes d’interaction avec ce qui nous entoure : notre relation au monde peut transformer jusqu’à notre programmation génétique… La psychologie n'est pas en reste et se heurte à des questions métaphysiques concernant les rapports subtils qu’entretiennent énergie psychique et matière (on peut par exemple citer les travaux de Jung et W.Pauli). Finalement, les recherches scientifiques, qu’elles soient orientées matière, biologie ou psychisme, finissent par évoquer étrangement la quête de leur ancêtre, l’alchimie, beaucoup moins préoccupée de rationalité… Elles offrent, aujourd’hui, l’opportunité (l’autorisation.. ?) de s'ouvrir généreusement à autre chose que la logique cartésienne.

 Mais revenons à nos moutons (ce qui devrait plaire au Petit Prince…). Comme tout élément du vivant, nos chers moutons appartiennent à une réalité qui n’a pas les deux pieds (ou leurs 4 pattes…) dans la rationalité. C’est bien dommage car la rationalité a pour elle l’avantage de la simplicité: principes immuables, articulés par une logique déterministe, causalité rassurante, nombre restreint de variables –qui plus est… connues ! On se sent vite à son aise. La logique est profondément sécurisante pour notre mental peu enclin à l’incertitude et à l’aventure. Et ce n’est pas un hasard si l’on s’efforce de rationaliser nos choix et nos actions à tout bout de champ, même si l’on sait depuis longtemps que ce n’est qu’une illusion de surface habillant des choix actés sur des critères largement non rationnels – et souvent inconscients.

 Quand on y réfléchit quelques minutes, on voit à quel point l’histoire de notre humanité témoigne avant tout d’actions qui bafouent les fondements de la rationalité : croisades sanglantes au nom d’une religion relayant pourtant le message d’amour christique, sort réservé aux femmes, Holocauste au nom de la soi-disant supériorité d’une race, dictatures communistes massacrant et généralisant la misère et l’arriération au nom de l’égalité entre hommes, la liste est chaque jour un peu plus longue… tellement longue. Où est la rationalité dans tout ça ?

 Ne devrait-on pas prendre un peu de recul avec la raison, la rationalité, la logique… C’est efficace quand il s’agit de technologie, de mathématiques, de comptabilité mais limité quand l’objet est le Vivant. Et nous sommes des êtres vivants avant d’être des êtres pensants… Damasio dirait que nous sommes des êtres ‘sentants’ avant d’être des êtres pensants. Tellement d’accord….

 S’enfermer dans le tout-rationnel finit par nous emmener très loin de la réalité vivante et changeante de notre nature première, sur les sentiers dangereux de l’illusion mentale. Jung rappelait souvent qu'il est délétère pour l'équilibre psychique de s'enfoncer dans l'unilatéralité. Toute réalité doit rencontrer une expression contradictoire qui engendre mouvement et évolution. La Raison (qualité du LOGOS jungien), a besoin du Cœur, autrement dit de la capacité à connaitre par le lien sensible ce qui est (qualité de l’Eros Jungien), pour concrétiser les potentiels de réalisation individuel et collectif. L’immense déséquilibre de notre ère vers la dimension intellectuelle et cartésienne ne nous fait-il pas perdre de vue l’essentiel, inévitablement… ?

 Ces quelques lignes auront peut-être encouragé certains d’entre vous à quitter leur tête et à s’intéresser à d’autres formes d’intelligence clairement situées au-delà de toute exigence rationnelle. Nous avons besoin de notre cœur et de ses satellites pour accueillir l’infinie complexité du monde vivant auquel nous appartenons, appréhender ses délicates intrications et faux-semblants, et emprunter un chemin qui fasse finalement Sens. Le Sens n’est pas accessible par le seul exercice de la Raison. Le Cœur est le maître du Sens. Et il parle un langage coloré, imagé, animé et sensible dont la finesse et la clairvoyance va bien au-delà des limites de la rationalité.

 Aucune école ne prépare à écouter, comprendre et parler ce langage. Et c’est surement mieux comme cela car le Vivant est mouvant et s’accommode mal des tendances dogmatiques et statiques des systèmes d’enseignements. On ne peut enfermer la Vie dans des théories. C’est finalement nos propres expériences, notre capacité à accueillir et intégrer le message des ressentis, à écouter nos intuitions qui nous ouvre la voie privilégiée du cœur. Et, pour reprendre les termes du Petit Prince, nous permet de voir enfin l’essentiel.

 Le Sensible (Sens-ible…) est indispensable au développement des êtres sensibles. L’évolution de la conscience individuelle n’est pas une affaire de réflexion… mais d’intégration de l’expérience par le corps (physique+émotionnel+mental). En activant des formes d’intelligences différentes, en leur faisant une place à côté de l’intellect rationnel, l'individu accède à une dimension intégrative autant que créative. Il résonne pleinement avec ce qui l’entoure et peut l’utiliser pour croitre.

 Concrètement, l'essentiel est de pouvoir faire une transition du mental vers notre partie sensible afin d'accéder à des réserves d'énergie et de créativité. L'écoute, l'observation, la présence (awareness de la Gestalt), le développement de l’intelligence émotionnelle et intuitive sont au cœur de ce processus d'apprentissage qui parle avant tout de relation avec ce qui nous entoure, de lien au vivant (lien à soi d'abord, puis lien à ce qui est autre). 

 Au fond, ce qui est expérimenté, c'est le lien comme ressource pour connaitre, partager, collaborer, créer.


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