Interview croisée Fevad - Wishibam - KPMG
Pour la 4ème année consécutive, KPMG et la Fevad sont partenaires pour l’étude des enjeux du e-commerce et lancent l’édition 2020 du challenge Start me Up ! L’opportunité unique d’être classé et référencé parmi les start-ups les plus prometteuses du secteur du e-commerce. À cette occasion, nous vous livrons une interview croisée de Charlotte Journo-Baur, Marc Lolivier et Sébastien Durand.
Charlotte Journo-Baur est la fondatrice et CEO de Wishibam, une startup qui a pour ambition de réconcilier le commerce physique et le commerce en ligne, classée 2ème lors de l’édition 2019 du challenge Start me Up ! Marc Lolivier est le délégué général de la Fevad qui travaille sur l’accompagnement et le développement du e-commerce en France. Sébastien Durand est expert e-commerce et directeur des équipes Customer & Omni Business chez KPMG France.
Charlotte, dans quelles mesures le challenge Start me Up ! a contribué à l’évolution de Wishibam ? Quel type de visibilité le challenge vous a-t-il apporté ? Etes-vous restée en contact avec des participants, jurys ou partenaires du challenge ?
CJB : Grâce au double tampon FEVAD et KPMG, le challenge Start me Up ! apporte une visibilité et une légitimité qui permettent de rassurer les clients sur la fiabilité de l’entreprise. Pendant le challenge, j’ai rencontré plusieurs personnes comme Sébastien Durand avec qui nous avons depuis mis en place notre partenariat avec KPMG pour la construction d’une offre commune destinée à la revitalisation des centres-villes, ou encore la directrice générale de Paypal avec qui nous avons beaucoup échangé. Par la suite, j’ai obtenu plusieurs interviews, qui ont également apporté beaucoup de visibilité à Wishibam.
Sébastien, pouvez-vous nous dire quelques mots de ce partenariat que vous avez initié avec Wishibam ?
SD : Nous sommes partis du constat que les centres-villes souffrent de plus en plus des difficultés du commerce physique. Suite à la crise du covid-19 nous avons décidé de construire une offre d’aide à la redynamisation des centres-villes, des centres commerciaux et des territoires urbains, en harmonie avec le digital. L’édition 2019 du challenge Start me Up ! nous a en effet permis de nous rendre compte que l’offre technologique de Wishibam pouvait parfaitement se combiner avec notre approche conseil.
En 4 ans, Start me Up ! a forcément évolué, Marc, quelles sont pour vous les grandes transformations que vous avez pu observer au fur et à mesure des éditions de ce challenge ?
ML : Le point de départ du challenge était de promouvoir l’innovation au service du commerce, de la relation client, de la compétitivité et de la performance des entreprises. Nous sommes convaincus que les startups peuvent aider le e-commerce à s’améliorer et nous souhaitions créer ce moment de rencontre entre ces différents acteurs. Nous remarquons aujourd’hui un mouvement qui dépasse la dimension « tendance » associée à l’univers startups. Celles-ci s’intègrent désormais beaucoup plus naturellement dans la stratégie des entreprises. D’un côté, les acteurs du e-commerce trouvent dans ces collaborations l’opportunité de progresser et de s’améliorer et leur approche a gagné en maturité. Les startups quant à elles, ont gagné en professionnalisme et en compréhension des attentes. Nous sommes ainsi passés d’un antagonisme entre des personnes très innovantes du monde des startups et d’autres opérationnelles venant du e-commerce à une interconnexion plus naturelle. En outre, nous observons un glissement des enjeux adressés : des problématiques de compétitivité il y a 4 ans, à des enjeux de proximité et de RSE aujourd’hui. De plus en plus, les startups sont au service du lien social et de l’amélioration de la société.
Chez KPMG, vos équipes Sébastien sont considérées comme un observatoire de tendances. C’est vous qui recensez et analysez les transformations dans les secteurs du retail et du e-commerce. Comment captez-vous les signaux faibles des tendances émergentes, et quelles sont-elles aujourd’hui ?
SD : Plusieurs leviers permettent de capter les signaux faibles sur le e-commerce, et plus globalement sur la transformation digitale et l’omnicanal. Le premier est naturellement la coopération avec la Fevad. Chaque année nous réfléchissons à un thème pertinent par rapport au contexte sociétal, un exercice qui nous permet d’analyser en profondeur les signaux détectés. Puis grâce au challenge, nous suivons les startups actives sur le marché, nous analysons leur proposition de valeur et identifions les nouvelles offres et futures tendances génératrices de valeur pour les acteurs du e-commerce. Deuxièmement nous gardons une oreille attentive auprès de nos clients et prospects. Nous échangeons avec notre écosystème, sondons les besoins et tentons d’imaginer le futur du commerce en ligne.
Actuellement on entend beaucoup parler de machine learning, intelligence artificielle, en particulier dans le secteur du e-commerce qui est extrêmement lié à ces technologies. Charlotte, comment utilisez-vous ces technologies chez Wishibam ? Voyez-vous des évolutions majeures dans les prochains mois ?
CJB : Chez Wishibam, nous utilisons principalement du Machine Learning. Nous avons un espace « hub », une market place qui nous permet de digitaliser les espaces de vente physique dans lequel nous utilisons le machine learning pour intégrer les flux plus rapidement. Ensuite sur la partie CRM, cette technologie nous permet de réconcilier la donnée physique et en ligne pour envoyer des messages marketings plus ciblés. En revanche, il faut faire attention à l’utilisation du terme IA. Les seules entreprises qui la maitrisent vraiment sont des mastodontes, comme Amazon, Facebook ou Google… En ce sens, le challenge Start me Up ! est pertinent car il ne suffit pas d’aligner une liste de mots clés pour gagner.
Au regard de l’essence de l’activité de Whishibam, comment selon vous le commerce physique et en ligne seront-ils imbriqués demain ?
SD : Lorsque j’ai démarré ma carrière de consultant, il y avait une opposition nette entre commerce physique et commerce digital. Le cap a déjà été dépassé côté BtoC, et c’est en cours pour le BtoB. Le commerce digital, même si il y a encore du travail à faire pour démontrer ses bénéfices, est beaucoup plus perçu comme un canal additionnel que concurrent. Dans le futur, il sera de plus en plus imbriqué au commerce physique, même pour les petites boutiques qui devront occuper l’espace en ligne si elles ne veulent pas que d’autres acteurs plus globaux, qui maîtrisent l’intelligence artificielle par exemple et qui sont plus éloignés du territoire, prennent la place. Le commerce physique et le commerce en ligne, c’est une histoire commune désormais, c’est de la valeur à créer sur l’ensemble des canaux.
CJB : Forcément je partage l’avis de Sébastien. Intégrer le e-commerce dans la proposition de valeur du commerce physique est source de revenus complémentaires, il y a une vraie complémentarité entre ces deux canaux. Ce n’est pas la fin du commerce physique, bien au contraire, il doit se réinventer et intégrer des solutions digitales pour évoluer vers l’omnicanalité. Il faut équiper les petits commerçants, les enseignes, les franchisés pour leur apporter un avantage concurrentiel face aux pure player web. D’autant plus qu’un réseau physique développé permet de livrer des produits achetés en ligne directement en magasin, un bénéfice pour le client mais aussi pour l’enseigne. Au regard de la crise que nous venons de traverser, toutes les grosses enseignes qui ont fait un dépôt de bilan avaient un point commun : la difficulté de s’adapter au web. Nous devons apprendre de ces erreurs et faire de la période que nous venons de vivre un tremplin vers le renouveau.
ML : Je pense également que c’est une absurdité de vouloir opposer le commerce physique et le e-commerce. Ils sont entièrement complémentaires et c’est ce que désirent les clients. D’autant plus que l’avantage de cette révolution du e-commerce, contrairement à d’autres, est qu’elle touche tous les secteurs. C’est un phénomène que nous avons observé à la Fevad : les grandes enseignes de distribution ayant lancé des stratégies de e-commerce offensives font aujourd’hui partie du top 15. Maintenant nous devons nous atteler à la transition numérique des PME. Pendant longtemps nous avons fait croire aux commerces de proximité que nous allions les protéger d’internet, or il s’agit d’un relais de croissance et de développement nécessaire. Nous devons les accompagner dans la transformation digitale et c’est là que des produits comme Wishibam sont intéressants. Nous devons faire rimer modernité et proximité, c’est l’un des grands défis pour les années à venir.
Depuis l’édition 2019 de Start me Up ! et sa place de finaliste, Wishibam a beaucoup grandi. Charlotte, pouvez-vous nous parler de l‘actualité de Wishibam ? Est-ce qu’il y a eu des transformations suite à la crise ?
CJB : Pendant la crise nous avons eu une accélération de notre business pour plusieurs raisons. D’abord car de grosses foncières qui utilisaient le digital à des visées uniquement marketing, se sont rendues compte de la nécessité de se mettre au e-commerce. Les centres que nous avons équipés étaient en effet les seuls en France à continuer à faire du chiffre d’affaires malgré leur fermeture. Ensuite car nous avons lancé deux projets « ville » : Angers et Nice, et nous travaillons avec KPMG sur d’autres appels d’offre. Nous faisons également partie des solutions retenues par la région Île-de- France. Enfin, parallèlement, nous avons créé une relation très forte avec des grosses enseignes que nous aidons sur des projets omnicanaux.
Marc, quelles sont les tendances que vous avez vu naître ou s’accélérer pendant la crise ? Dans quelles mesures la Fevad soutient les startups e-commerce qui se sont retrouvées en difficulté durant la crise ?
ML : Face aux incertitudes liées à cette crise, nous avons tenté d’accompagner au mieux les acteurs du secteur à travers l’analyse de situation et le relais d’informations. Cette crise a été à la fois un révélateur et un accélérateur. Révélateur tout d’abord car elle a montré le rôle d’utilité sociale joué par le commerce qui a permis à l’économie de perdurer, grâce à la consommation. Accélérateur ensuite par le digital qui a permis d’amortir le choc. Les petites structures, les commerces de proximité n’ont en effet pas eu d’autre choix que de se transformer. En ce sens il y a eu un déclic. Alors que nous avons pendant longtemps pensé que les startups étaient l’apanage des entreprises aux projets très technologiques, des solutions comme Wishibam se sont avérées jouer un rôle important au profit des magasins et du commerce de proximité. Cette crise et celle des gilets jaunes ainsi que les grèves ont paradoxalement eu l’effet positif de mettre en avant Internet comme relais du magasin.
CJB : Concernant la transition numérique des petits commerces, c’est vrai qu’une grosse entreprise, contrairement aux startups, ne prend pas forcément le temps d’accompagner ces acteurs. Les villes, quant à elles, n’ont pas non plus les budgets nécessaires pour se le permettre.
Est-ce que véritablement un jour nous nous passerons complètement du commerce physique ?
CJB : C’est un vrai sujet. La fermeture des magasins serait un drame économique qui entrainerait une perte de lien social évidente mais engendrerait également un problème d’un point de vue sécuritaire. Effectivement, plus il y a de magasins, plus il y a du trafic et de la vie et donc moins de quartiers désertés. C’est la raison pour laquelle les collectivités locales doivent investir et c’est le rôle des politiques de prendre les choses en main.
Est-ce que vous auriez un conseil à donner aujourd’hui à quelqu’un qui lance sa start-up ? Notamment pour tous ceux qui se portent candidats au challenge de cette année.
CJB : Mon vrai conseil c’est de savoir pourquoi on lance son entreprise. C’est un projet qui voit succéder à des périodes euphoriques des bas qui sont extrêmement difficiles à traverser. Il faut alors être capable de se rappeler les raisons pour lesquelles on le fait pour surmonter ces épreuves.
Pour terminer, avez-vous un enseignement plus personnel des mois que nous venons de vivre ?
SD : J’aurais tendance à dire la capacité, grâce au digital, à mener nos projets grâce aux outils collaboratifs en ligne. Le digital nous a permis, à nous également, en plus des commerçants et des boutiques, de continuer à travailler et à faire nos métiers.
CJB : D’un point de vue personnel je pense que cette crise nous a beaucoup appris sur nous-même, sur notre résilience et les personnes sur lesquelles nous pouvons compter. Dans cette ère du numérique et des réseaux sociaux, cela nous rappelle l’importance du lien social que l’on tend parfois à oublier.
ML : Le magasin doit se réinventer et le digital aide à cela. Je rejoins Charlotte sur la nécessité du lien social, et Internet peut être mis au service de cette relation.