Investir dans le capital humain : un cas de réussite
Appel d’une très sympathique DRH à l’accent chantant : « besoin d’une formation de 2 jours à la gestion du stress pour un groupe de 10 salariés, tous porteurs de handicaps physiques et mentaux ».
Elle me confie que l’activité est fluctuante sur cette succursale de 30 salariés et que les équipes sont très difficilement mobilisables. « Plusieurs directeurs et managers ont déjà abandonné » (2 directeurs et 5 managers en 5 ans pour être précis).
« 2 managers ont nouvellement pris leurs fonctions et déjà rapportent de nombreuses difficultés, des résistances et des manipulations malsaines au sein de l’équipe ».
« C’est vrai que l’on a toujours eu des problèmes avec cette succursale. Ce sont les mêmes salariés depuis toujours et depuis toujours, ils ont du mal à suivre le rythme ».
« Le groupe que vous verriez est constitué des plus résistants. Individuellement, ils ne sont pas méchants, mais ensemble c’est une autre histoire ».
Diagnostic (dans ma tête) :
- Succession répétée d’encadrants + handicaps = grand besoin de sécurité pour partie des équipes.
- Activités « fluctuantes » : possible fatigue ou sentiment d’inutilité ou d’insécurité.
- « 2 nouveaux managers » / « Les mêmes salariés depuis toujours » : possible décalage de visions et/ou erreurs de positionnement initial.
- « Depuis toujours » : possible dévaluation de cette antenne face au siège = possible rupture de dialogue.
…
Moi : « Dans un monde idéal, quel objectif souhaitez-vous atteindre avec cette formation ? »
DRH : « Qu’ils soient un peu moins sensibles. Un peu moins dans leurs problèmes pour pouvoir se mettre un peu plus au boulot ».
Moi : « Au vue du contexte malheureusement, il est possible que ce que vous me demandez génère plus de problèmes que ça n’en règle ».
DRH : « Comment cela ? »
Moi : « D’une part et si je comprends bien la situation, les 10 salariés que je vais voir sont les « éléments difficiles » de l’équipe. Si c’est de cette façon qu’ils sont perçus et que la communication est coupée depuis quelques temps, il est possible que la formation soit accueillie comme un prétexte pour faire passer un message du type : « Vous seuls avez des problèmes, réglez-les et mettez-vous au boulot ».
Silence de la dame.
« D’autre part et si tout se passe bien, au sortir de la formation, ils vont bouger. Ils vont se remettre en question, mieux comprendre certaines situations passées et surtout mieux communiquer entre eux.
Si nous ne traitons pas les causes des conflits actuels, cela risque d’accentuer le décalage entre eux et les autres salariés. La direction comprise ».
Re silence de la dame.
« Si effectivement vous souhaitez remettre tout ce petit monde en marche dans la même direction, je vous conseille que tous les salariés et managers entendent le même son de cloche dans un espace de temps assez court.
Ainsi tout le monde pourra se mettre à parler la même langue et à appliquer des règles communes de fonctionnement. »
DRH : « ok. Et bien voyons déjà ce que ça donnera avec ce premier groupe et nous verrons ensuite ».
Moi : Deal !!
Condensé du processus réalisé en 3 mois :
1 - Comme prévu, tous les « comment ça marche » du premier jour de formation (stress, communication, conflit et personnalités difficiles), ouvrent un riche échange sur la vision que portent les salariés sur l’entreprise, leurs parcours personnels, les incohérences managériales passées et surtout permet de définir précisément leurs besoins :
Être reconnus et utilisés au plein de leurs compétences. Mis à part les handicaps et autres pathologies, la plupart ont acquis de solides expériences dans d’autres secteurs d’activité qui ne sont absolument pas sollicités pour le moment.
2 - Une semaine après le premier jour de formation, un premier point d’étape et deux
constats. Le premier : effectivement ça bouge !! Ils se parlent et sollicitent différemment qu’à leur habitude.
Deuxième : Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud, mais il faudrait effectivement étayer les managers pour qu’ils puissent s’en saisir.
3 - Je vois donc les 20 autres professionnels soit 2 groupes et 4 jours de formation avec la même approche :
Qui je suis, ce que je fais et pourquoi je suis là (mes intentions) ?
Quelles sont les préoccupations de la direction ?
Comment pourrait-on faire autrement ?
Pourquoi c’est le moment que des propositions émanent de la part des opérationnels ?
4 – Un bilan final à huit-clos se déroule en présence des managers, de la DRH et du directeur nouvellement promu. Je leur propose d’organiser une restitution finale devant l’ensemble des salariés de la succursale alliant 3 objectifs :
- Formuler de façon synthétique les grandes lignes de ce qui s’est dit pendant les temps de formation : « ce qui s’est passé, ce que l’on ne veut plus, ce dont on a besoin maintenant ».
- Indiquer ce qui me semblent être les causes profondes de ces difficultés et comment les remanier.
- Construire une « charte des règles communes de comportement » en vue de faciliter la réinstauration de temps de réunion pour réaliser la nécessaire clarification des procédures internes.
5 – Conclusions et perspectives :
Depuis 3 ans et pour des raisons d’organisation, de clarté de directives et de litiges internes, ces 30 salariés ne se réunissaient plus, n’échangeaient plus, ne faisaient plus corps.
Depuis ce temps, cette succursale tournait à 30% de moins de ce qu’elle devait, soit une perte annuelle approximative d’1 million d’euros.
L’investissement initial pour cette intervention était de 3.000€, pour des résultats sans doute approximatifs.
Après 7 jours d’intervention (49h) pour un coût total de 11.550€ :
- Expression collective des difficultés rencontrées,
- Identification précise des problématiques de fonctionnement (concertation, information, organisation),
- Création d’une charte commune du « faire ensemble » co-signée par chacun,
- Organisation d’un agenda thématique de rencontres trimestrielles,
- Initialisation d’un dispositif de « formation par les pairs » visant à faire monter en compétence les salariés par la formation directe sur poste,
- Réflexion d’une stratégie de développement et de communication autonome à la succursale.
Résultats observés à chaud :
Sentiment partagé d’avoir été entendu, compris et reconnu : « Qu’il est bon de pouvoir enfin se voir et se dire les choses ensemble » (un salarié).
Prise de conscience du potentiel inexploité : « je me rends compte à quel point la vision du siège était en décalage avec la qualité des échanges et des personnes que je rencontre ici » (Le directeur).
Confiance et espoir retrouvé dans le « nous » : « je ne pensais pas possible que l’on puisse nous dire tout ça. Je viendrai demain avec envie et optimisme » (un manager).
Résultats prévisionnels 2021 :
- Stabilisation de l’ensemble des collaborateurs : - 10% de turn over.
- Augmentation de la qualité générale des services et des produits fournis.
- Augmentation de 15% du CA de cette succursale (150.000 €).
Investir dans l’humain est souvent considéré comme risqué car autant on peut facilement poser la rentabilité d’une machine, autant la complexité des relations humaines revêt souvent une part d’inconnue.
Un écueil toutefois : la machine n’ira jamais au-delà de ce qu’elle a été initialement programmée pour produire.
L’avantage d’investir dans la qualité des relations humaines, c’est être sans cesse surpris par la capacité des groupes à évoluer, proposer et développer toujours plus de solutions innovantes et opérantes.
3 services | Formation & Coaching PREMIUM pour manager @FormeXperience | LEARNING & DEVELOPMENT Architect @Thinking Intra | Conseil en EXPERIENCE COLLABORATEUR @SQwadra |
3 ansTon regard extérieur a permis à cette d'entreprise de retrouver une croissance et certainement une pérennité, Bravo !
Coach & formateur en bien-être numérique 🧠📵🍀
3 ansSuper récit et retour d'expérience ! Je ne peux que vous souhaiter pleins de belles histoires pour cette nouvelle année :)
Cofondatrice de Troisième Hémisphère. Résolution de conflit et cohésion d'équipe par la formation, la médiation et le conseil.
3 ansExcellent article ! Merci pour le partage.
Chargée de Projet
3 ansEffectivement, regarder autrement et prendre le temps de se parler, se comprendre sont bien des clefs essentielles à la réussite collective! Merci à vous pour ce récit d expérience.