Javier Milei : changement de cap radical pour l’Argentine ?

Qui est Javier Milei, le nouveau président de l’Argentine ?

L’Argentine a élu en ce 19 novembre Javier Milei comme président. Sa première mission est de stabiliser l’inflation dans le pays, qui s’élève aujourd’hui à un niveau record de 143%. Javier Milei est un ultralibéral, qui prône des valeurs capitalistes et conservatrices. Les mesures phares de sa campagne sont la dollarisation, l’interdiction de l’avortement, la privatisation des entreprises publiques, la réduction des dépenses publiques. Ce nouveau président a réussi à canaliser le mécontentement des Argentins et leur besoin urgent de changement pour survivre dans une économie catastrophique.

 

Contexte économique et social en Argentine : inflation, corruption

L’élection du nouveau président a eu lieu dans un contexte d’inflation record atteignant 143%, avec une inflation mensuelle pouvant atteindre 12%. L’inflation n’est pas un phénomène nouveau en Argentine, avec une hausse des prix importante d’une année à l’autre (environ 50%), mais la situation ne devient plus tenable pour les Argentins, dont le pouvoir d’achat est quasi nul. Il faut donc trouver une solution de toute urgence pour limiter la pauvreté en Argentine. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’Argentine est le pays d’Amérique latine où l’insécurité alimentaire a le plus augmenté entre 2014 et 2020.

Pour autant, c’était déjà le défi que l’ex-président Mauricio Macri s’était donné sur son mandat de 2015 à 2019. Aujourd’hui, le nouveau président a également le challenge de faire face au Fond monétaire international (FMI), étant le numéro un sur la liste des débiteurs du FMI, avec 44 milliards de dollars US. L’Argentine a en effet reçu le plus gros prêt du FMI de l'histoire en 2018. Les économistes s’inquiètent que la crise d'aujourd'hui puisse bien se transformer en une autre demain et que la seule option soit le défaut de paiement. Cela nuirait fortement à la réputation du FMI, qui n’a donc aucun intérêt à voir l’Argentine sombrer bien qu’il ait adopté une politique beaucoup moins souple envers le pays cette année.

 

La très controversée idée de dollarisation de l’Argentine

Durant sa campagne, Javier Milei a annoncé vouloir dollariser l’Argentine, c’est-à-dire passer du peso au dollar, cela sur le modèle du Panama, du Salvador et de l'Equateur. Le dollar deviendrait alors l’instrument de paiement, de valorisation et de réserve de valeur. De nombreux économistes se sont penchés sur la question et notamment sur deux problématiques : est-ce possible et est-ce que cela améliorera significativement la situation économique du pays ?

D’abord, remplacer le peso par le dollar est un défi. Il faudrait d’abord changer la Constitution de l’Argentine, qui dans la forme actuelle l’interdit. Ensuite, le pays devrait racheter les pesos du secteur privé, estimés à environ vingt milliards de dollars. Cela semble compliqué lorsque l’on sait que les réserves de changes du pays sont vides. Entre autres, l’annonce de la dollarisation entraîne une dévalorisation du peso due à l’afflux des offres de vente.

Bien sûr une dollarisation présente des avantages tels qu’une stabilité monétaire, qui permet de contenir l’inflation et de faire baisser les taux d’intérêt. C’est aussi un moyen de favoriser les investissements étrangers.

Cette solution miracle a cependant des inconvénients. La dollarisation rend la monnaie utilisée par les Argentins dépendante de la politique monétaire de la Réserve fédérale des Etats-Unis. En outre, la perte de souveraineté économique est souvent déconseillée à une économie fortement exportatrice de matières premières, comme l'Argentine. La dollarisation amplifie le cycle économique, du fait de la corrélation généralement négative entre le niveau du dollar américain et les prix des matières premières. Autrement dit, lorsque la valeur du dollar augmente, les prix des matières premières ont tendance à diminuer. Lorsque le pays est maître de sa monnaie, comme aujourd’hui avec le peso, quand le prix des matières premières diminue, la hausse du dollar par rapport au peso limite l’impact sur le pouvoir d’achat des Argentins. Donc l’économie pourrait être plus vulnérable aux fluctuations des prix des matières premières, principales sources de revenus du pays. De plus, la dollarisation peut présenter des désavantages en termes d’endettement et de croissance.

Pourtant, Javier Milei semble être revenu sur la dollarisation, au moins jusqu’à 2025. Il veut d’abord stabiliser l’inflation dans le pays. Sa nouvelle alliance avec l’ancien président de centre droit Mauricio Macri et la nomination de Luis Caputo en tant que ministre de l’Economie pourraient également expliquer ce revirement. Emilio Ocampo était jusque-là pressenti pour le poste. Il est un fervent défenseur de la dollarisation et proche du nouveau président. Cette nouvelle a rassuré de nombreux économistes, mais ne permet pas de contrer l’inflation et ne donne aucune information sur la politique que va suivre Javier Milei.

 

Quelles sont les répercussions de l’arrivée de Milei sur le plan international ?

Dimanche 19 novembre, 20h, à l’annonce de la victoire du populiste Javier Milei, lorsque le camp péroniste a reconnu sa défaite, l’Argentine a basculé dans une nouvelle ère et s’est subitement retrouvée au cœur de l’actualité internationale. Des félicitations appuyées exprimées par les anciens présidents brésilien et américain, Jair Bolsonaro et Donald Trump à la tristesse du président colombien Gustavo Petro, les réactions n’ont pas tardé à affluer sur les réseaux sociaux. Car si Javier Milei s’était déjà illustré pendant la campagne en étrennant ses idées « anti-système » et ultralibérales, son accession au pouvoir pourrait amener des bouleversements bien au-delà des frontières de l’Argentine. A l’échelle régionale d’abord : Milei a fait de la dérégulation des échanges économiques une priorité de sa campagne et s’est souvent montré critique envers le Mercosur, qualifiant le marché commun entre le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay d’ « union douanière défectueuse ». Or alors qu’un accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur était attendu très prochainement, l’Argentine a annoncé qu’elle ne s’engagerait pas avant l’investiture du nouveau président. L’arrivée de Milei soulève ainsi de nombreuses questions et suscite l’incertitude quant aux futures positions de l’ultralibéral. Opposant farouche aux gouvernements de gauche, Milei a affirmé vouloir couper les liens avec les “communistes”, le premier pays visé étant le Brésil. Qualifié de “communiste corrompu” par Milei, Lula consacrait beaucoup d’efforts depuis son élection à instaurer une nouvelle dynamique de coopération entre les deux premières économies du continent, mais les relations risquent désormais d’être froides. Pour le moment, Lula et la plupart des dirigeants de gauche se sont montrés pragmatiques et sobres en se contentant de saluer la victoire de Javier Milei, mais le président brésilien a d’ores et déjà annoncé, qu’il ne se déplacerait pas à l’investiture de son homologue argentin le 10 décembre prochain. Au contraire, Bolsonaro, lui, exulte et perçoit même à travers l’élection de Milei un “espoir” et le début d’une vague conservatrice en Amérique du Sud.

En témoigne sa position sur le Mercosur, Milei n’apprécie guère le multilatéralisme et a déjà choisi ses alliés sur le plan international. Proche d’Israël et des Etats-Unis, le président argentin élu s’est déjà entretenu avec le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et a effectué une tournée éclair sur le sol américain pour rencontrer des responsables de l’administration Biden. Même si la visite a surtout été ponctuée par un passage au FMI, Javier Milei a confirmé son alignement géopolitique avec l’Occident dans le contexte des conflits entre Israël et Hamas d’une part et entre l’Ukraine et la Russie d’autre part. « Il s’agit de réunions d’introduction à un niveau technique afin de générer des synergies communes et de comprendre comment nous pourrions travailler ensemble à l’avenir » a déclaré l’ambassadeur des Etats-Unis en Argentine au sujet de la visite. Ouvertement climatosceptique, Javier Milei ne devrait néanmoins pas se déplacer aux sommets internationaux dédiés à la lutte contre le dérèglement climatique. Jusqu’ici, les déclarations outrancières, les prises de position fermes et le programme placent Javier Milei comme la nouvelle figure radicale, susceptible de bousculer la scène internationale. Reste à savoir s’il conservera ses positions une fois au pouvoir le 10 décembre.



Javier Milei: radical change of direction for Argentina?

Who is Javier Milei, Argentina's new president?

On November 19, Argentina elected Javier Milei as its new president. His first task is to stabilize the country's inflation rate, which now stands at a record 143%. Javier Milei is an ultra-liberal, advocating capitalist and conservative values. His campaign's flagship measures include dollarization, a ban on abortion, privatization of state-owned enterprises and cuts in public spending. This new president has succeeded in channelling Argentines' discontent and their urgent need for change to survive in a catastrophic economy. 

 

Economic and social context in Argentina: inflation, corruption

The election of the new president took place against a backdrop of record inflation reaching 143%, with monthly inflation running as high as 12%. Inflation is not a new phenomenon in Argentina, with prices rising sharply from one year to the next (by around 50%), but the situation is becoming untenable for Argentines, whose purchasing power is virtually nil. A solution must therefore be found urgently to limit poverty in Argentina. According to the Food and Agriculture Organization of the United Nations, Argentina is the Latin American country where food insecurity has increased the most between 2014 and 2020. 

However, this was already the challenge that former president Mauricio Macri set himself during his term of office from 2015 to 2019. Today, the new president also has the challenge of facing up to the International Monetary Fund (IMF), being number one on the IMF's list of debtors, with 44 billion US dollars. Indeed, Argentina received the largest IMF loan in history in 2018. Economists worry that today's crisis could well turn into another tomorrow, and that the only option is the default of payment. This would severely damage the reputation of the IMF, which has no interest in seeing Argentina collapse, even though it has adopted a much less flexible policy towards the country this year. 

 

The controversial idea of dollarizing Argentina

During his campaign, Javier Milei announced his intention to dollarize Argentina, i.e. to switch from the peso to the dollar, following the model of Panama, El Salvador and Ecuador. The dollar would then become the instrument of payment, valuation and reserve of value. Numerous economists have examined this question, focusing on two issues in particular: is it possible, and will it significantly improve the country's economic situation?

Primarily, replacing the peso with the dollar is a challenge. First, it would require a change to Argentina's constitution, which in its current form forbids it. Secondly, the country would have to buy back pesos from the private sector, estimated at around twenty billion dollars. This sounds complicated when you consider that the country's foreign exchange reserves are empty. Among other things, the announcement of dollarization will lead to a devaluation of the peso due to the influx of offers to sell. 

Of course, dollarization has its advantages, such as monetary stability, which keeps inflation in check and lowers interest rates. It's also a way of encouraging foreign investment.  This miracle solution does have its drawbacks, however. Dollarization makes the currency used by Argentines dependent on the monetary policy of the US Federal Reserve. What's more, the loss of economic sovereignty is often inadvisable for an economy such as Argentina's, which is heavily dependent on the export of raw materials. Dollarization amplifies the economic cycle, due to the generally negative correlation between the level of the US dollar and commodity prices. In other words, when the value of the dollar rises, commodity prices tend to fall. When the country controls its currency, as it does today with the peso, when commodity prices fall, the rise in the dollar against the peso limits the impact on Argentines' purchasing power. The economy could therefore be more vulnerable to fluctuations in the price of raw materials, the country's main source of income. In addition, dollarization may have disadvantages in terms of indebtedness and growth. 

However, Javier Milei seems to have gone back on dollarization, at least until 2025. His first priority is to stabilize inflation in the country. His new alliance with former centre-right president Mauricio Macri and the appointment of Luis Caputo as Economy Minister could also explain this about-turn. Emilio Ocampo had previously been considered for the post. He is a fervent advocate of dollarization and a close friend of the new president. This news has reassured many economists, but does not help to counter inflation, nor does it provide any information on the policies that Javier Milei will follow. 

 

What are the international repercussions of Milei's arrival?

At 8pm on Sunday November 19, when the Peronist camp conceded defeat and announced the victory of populist Javier Milei, Argentina entered a new era and suddenly found itself at the heart of international news. From the heartfelt congratulations expressed by former Brazilian and American presidents, Jair Bolsonaro and Donald Trump, to the sadness of Colombian president Gustavo Petro, it didn't take long for reactions to pour in on social networks. For while Javier Milei had already made a name for himself during the campaign with his "antisystem" and ultraliberal ideas, his accession to power could bring upheavals far beyond Argentina's borders. Firstly, on a regional scale: Milei has made the deregulation of trade a priority of his campaign, and has often been critical of Mercosur, calling the common market between Brazil, Argentina, Paraguay and Uruguay a "defective customs union". However, while a trade agreement between the European Union and Mercosur was expected very soon, Argentina announced that it would not commit itself before the inauguration of the new president. Milei's arrival thus raises many questions and uncertainty as to the ultraliberal's future positions. A fierce opponent of left-wing governments, Milei has stated that he wants to cut ties with "communists", the first country to be targeted being Brazil. Described by Milei as a "corrupt communist", Lula has worked hard since his election to establish a new dynamic of cooperation between the continent's two leading economies, but relations are now likely to be cold. For the time being, Lula and most left-wing leaders have been pragmatic and sober, contenting themselves with welcoming Javier Milei's victory. However, the Brazilian president has already announced that he will not be attending his Argentine counterpart's inauguration on December 10. Bolsonaro, on the other hand, is exultant and even sees Milei's election as "hope" and the beginning of a conservative wave in South America.

As evidenced by his stance on Mercosur, Milei is no fan of multilateralism and has already chosen his allies on the international stage. Close to Israel and the United States, the Argentine president-elect has already held talks with Israeli Prime Minister Benyamin Netanyahu and made a whirlwind tour of the USA to meet Biden administration officials. Although the visit was mainly punctuated by a visit to the IMF, Javier Milei confirmed his geopolitical alignment with the West in the context of the conflicts between Israel and Hamas on the one hand, and between Ukraine and Russia on the other. "These are introductory meetings at a technical level to generate common synergies and understand how we can work together in the future," said the US ambassador to Argentina about the visit. An outspoken climate sceptic, Javier Milei is not expected to attend international summits dedicated to the fight against climate change. So far, Javier Milei's outrageous declarations, firm stances and program have established him as the new radical figure likely to shake up the international scene. It remains to be seen whether he will maintain these positions once in power on December 10.


François Forquet

Compliance Trainee - service Business Ethics & Compliance - Dassault Systèmes ; Etudiant en césure à GEM (Grenoble Ecole de Management) parcours grande école

1 ans

Toutes mes félicitations pour votre travail de qualité !

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