Je vends, donc je suis ... Vendeur !

Je vends, donc je suis ... Vendeur !

(temps de lecture: 19,99 minutes)

Je vous l’avoue, quelque chose m’agace prodigieusement depuis pas mal de temps. Avez-vous remarqué combien le message “Arrêtez de vendre” ou “Vendez sans vendre”, pullule partout sur la toile et les réseaux sociaux ? Vendre sans vendre. Sérieusement, vous y croyez ?

Je veux aujourd’hui battre en brèche cette idée à la fois bien intentionnée et parfaitement stupide qui, non seulement, entretient une image totalement faussée de la vente mais s’avère particulièrement dangereuse à cultiver dans la période de crise que nous traversons pour le moment.

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Vive la Vente Zéro Calorie !

Le concept de Vendre sans vendre est aussi réaliste que le “Faire du muscle sans Effort” ou “Manger tout ce que vous voulez sans prendre de poids”. Comme toutes les annonces fracassantes et alléchantes, ces communications foisonnent ça et là, génèrent énormément de buzz, suscitent des espoirs fous et... des déceptions terribles. 

Et quoi de plus normal, en fin de compte; notre cerveau est un “hacker-né” ! Il cherche à tout prix à réduire au maximum la consommation d’énergie, la dépense, l’effort, la pénibilité, pour maximiser les effets, les récompenses, les ressources gagnées. 

Cette propension est tellement forte qu’on devrait lui consacrer un nouveau biais cognitif : le Biais du Hack. Je suis certain que notre système de récompense s’allume et nous shoote une dose de dopamine à chaque fois que nous pensons être sur le point de découvrir un spectaculaire raccourci, ce qui rend nos esprits particulièrement excitables à la possibilité de découvrir un fameux truc, une énorme astuce. 

Et forcément, si ça nous excite, il s’ouvre une brèche formidable pour nous vendre des “gadgets” (séminaires, coachings, bouquins, applis, méthodes) qui, une fois la première petite jubilation passée, vont aller s’entasser dans le fatras d'indispensables machins inutiles que nous cumulons dans nos caves, dans nos garages ou dans les méandres sinueux de nos mémoires encombrées.

Je ne me rends évidemment pas très populaire en écrivant ces quelques mots, mais, croyez moi, en Vente, il n’y a pas de baguette magique, il n’y a pas d’astuce miracle, pas de truc infaillible et peu coûteux. Si vous voulez vendre, vendre vraiment, il y aura du travail et des moments d’inconfort, comme au sport, comme en écriture, comme dans un couple, comme dans l’éducation d’un enfant. Mais les résultats sont sans appel, et la fierté qu’ils génèrent est sans commune mesure, parce qu’elle appartiendra toujours à l’auteur des efforts qui ont permis de les générer.

Attention, il y a bien sur des trucs et des astuces, en réalité il y en a plein ! Il y en a même tellement qu’une vie entière ne suffirait pas à tous les cataloguer, à les apprendre et à les maîtriser. Mais c’est justement ça, la grosse partie du travail : l’apprentissage est long et toujours difficile parce qu’il consiste en l’appropriation progressive de techniques dont seuls l’usage, l’exercice, la répétition permettent la maîtrise réelle. 

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Mais revenons au coeur du sujet : Vendre sans Vendre. Qu’en est il ? 

Lorsque je lis plus attentivement le fond de ce qu’on nous offre pour étayer cette belle idée, je me trouve souvent confronté à une définition restrictive de la vente comme étant la somme de toutes les parties “pénibles” de l’exercice commercial, comme par exemple prospecter, prendre contact, démarcher, appeler dans le dur, ou argumenter, faire la déballe, ou encore gérer des objections et surtout, surtout, “closer”, pousser à l’achat, verrouiller le client, obtenir une conclusion, un accord. 

La plupart de ces méthodes et de ces stratégies se targuent d’éviter tout ou partie de ces écueils, de ces moments délicats, avec un principe général simple :

"on ne pousse pas, on attire, on ne démarche pas, on offre des informations de qualité qui permettent au client de mieux comprendre ses problèmes, on ne découvre pas, on engage une conversation, un échange, on n’argumente pas, on crée une valeur forte pour son client, on ne conclut pas ; on laisse le client s’engager de lui même dans sa solution. On ne vend pas, on sollicite l’envie d’acheter."

Bienvenus au rayon de la confiture sans sucre et de la crème épaisse allégée. On garde le meilleur et on prétend jeter ce qui est mauvais, nocif… Même les cigarettes ont essayé leur version “light” avant de s’en faire interdire l’usage du nom, pour publicité mensongère.

Donc en synthèse, suivant cette philosophie, la Vente, regroupe, selon les sources, tous les éléments jugés “négatifs” et/ou difficiles de l’acte commercial, ceux précisément qui confrontent le vendeur à deux réalités potentiellement douloureuses : l’existence d’un vrai travail demandant des efforts constants d’une part et de l’autre la peur permanente du rejet, du refus et de l’échec. 

Ne me prêtez pas ici de mauvaises intentions. Je suis évidemment POUR une vente conversationnelle, focalisée sur l'écoute profonde, les besoins réels, la valeur créée, l’offre de solutions et la relation avant tout. Et j’ai en sainte horreur, tous mes stagiaires le savent, le questionnement purement transactionnel, l’argumentation auto-centrée et les techniques de closing à la limite du viol mental.

Mais je m’insurge contre l’illusion que la “Vente sans Vendre” peut faire naître dans l’esprit de bon nombre de commerciaux ou d’entrepreneurs. Ce n’est pas parce que la vente est ouverte et focalisée sur l’autre qu’elle devient pour autant facile et qu’elle évite la confrontation, le travail et tous les risques afférents au métier, que du contraire !

Cette idée d’une “Vente Propre” qui ne s'appellerait pas “Vente” n’est pourtant pas neuve. Elle est cultivée depuis près de trois décennies dans nos esprits, nos comités de directions et nos manuels de vente. Mais c’est probablement aujourd’hui qu’elle s'apprête à nous faire le plus de mal !

La disparition des Vendeurs

Nous pouvons explorer une autre facette du même problème en observant le subtil escamotage de tout le vocabulaire lié à la Vente dans les descriptions de fonction des employés chargés de vendre les produits ou les services de leur entreprise.

Au milieu de l’été j'ai testé, en sondage, une question qui me préoccupe depuis longtemps. Depuis ma première carte de visite en fin de compte !

Vendeur moi-même, J'ai exercé pendant longtemps ce métier qui tait son nom. On aime à en maquiller largement l'impudeur, avec un art consommé du verbe et parfois un goût certain pour les anglicismes prétentieux.

J’ai été tour à tour, Représentant, Chargé d’affaire, Sales Executive, Responsables de Comptes, Business Development Manager, Consultant Commercial ou Key Account Manager, j’en passe des plus gratinés encore. 

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J’ai donc voulu solliciter l'avis de ma communauté (car les personnes qui me suivent sur Linkedin, de par leur orientation professionnelle et leur intérêt général pour la chose commerciale ne sont pas un échantillon vraiment représentatif de la population) sur son ressenti par rapport au titre de Vendeur. 

Au total, 66% (bravo à mon réseau de passionnés !) plaident pour sa conservation contre 34% qui semblent vouloir remplacer cette dénomination par une autre. 19% vont lui préférer “Commercial”, viennent ensuite “Conseiller” (à associer avec “client” ou un nom de service ou de produit), “Responsable de..” (à marier avec “marché”, “développement”, etc) “Consultant”, “Partenaire” ou “Représentant”. 

Dans les commentaires, comme un peu partout sur internet, je retrouve régulièrement les mêmes mots clés que ceux utilisés plus haut par les champions de la Vente sans Vente ;

“Oh, vous savez moi, je ne vends rien, je conseille, j’aide, je guide, je propose. Je ne suis pas un Vendeur, mais plutôt un conseiller, un consultant…” 
Bla, bla, bla.

Regardons-nous honnêtement deux minutes : Nous avons ceci en particulier avec les éboueurs et les prostitué(e)s que nos appellations tentent d’anoblir quelque chose qui apparaîtrait sale au commun des mortels. 

Le titre ronflant qui évite de dire “vendeur”, équivaut à porter une sorte de grotesque cache-sexe, d’autant plus ridicule qu’il ne couvre que l’essentiel, une sorte de pudeur mal placée sur notre petit égo, rien d’autre. Parce qu’aucun client ou prospect n’est dupe. Quel que soit le degré de sophistication du titre dont vous, ou votre direction, avez décidé de vous affubler, tout le monde sait très bien que vous êtes là pour vendre et que donc, en tout état de cause, vous êtes un vendeur !

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Comment prétendre anoblir une profession, un métier alors même que nous ne sommes même pas prêts à en porter le nom ? Comment prétendre à l'authenticité, à la transparence, à la sincérité de nos intentions, alors que même le premier mot qui nous désigne est un mensonge, une mascarade ?

Même le terme "Commercial", devenu pourtant si commun, est un tour de passe-passe pour motif de pudeur excessive. “Commercial” est à l’origine le raccourci linguistique de "employé attaché au service commercial", bref une classification administrative du métier de ...Vendeur. Certaines entreprises s'en sont fait un usage interne puis externe, trouvant déjà le terme plus "noble" que ce bon vieux "vendeur". 

Les plus tatillons ergoteront surement en épinglant que, la coutume étant née dans les entreprises possédant un "service commercial", il désignait déjà des "vendeurs améliorés" à l'approche plus corporate, plus professionnelle. Ils trouveront dans cette dérive historique la première fendille qui conduira plus tard au “grand schisme” entre les Vendeurs d'une part et les Commerciaux de l'autre.

Soit. Si ca peut leur faire plaisir, je leur laisse la joie de ce subtil distinguo, dont il n’existe d’ailleurs pas deux définitions identiques, ni dans la littérature commerciale, ni dans les dires ou les écrits de ceux qui s'échinent a vouloir m'expliquer la différence !

Néanmoins quelques soient les distinctions et les nomenclatures, remettons toutes ces appellations au pied du même mur; Ce qu'on demande à chacune de ces fonctions est de vendre

Gargarisons-nous autant que possible, mais un Commercial qui ne provoque aucune vente, c'est un chômeur en puissance. Un Conseiller qui n'est pas Vendeur, ca rime vite avec "ailleurs". 

Que la vente soit “One Shot”, ou “complexe”, qu'elle soit B2C, B2B, B2B2C, ou même C2C quand on vend quelque chose à quelqu'un, au terme du droit comme au terme de l'économie, on est vendeur. Point-barre.

Bien sur mes salles de formations sont peuplées de Chargés de Relation Client, de Commerciaux, de Conseillers Clients, de Responsables de Compte ou de BizDevs. Pourtant, ce que je leur propose ne contient AUCUN de ces termes. Je donne des cours et des formations de VENTE

J’imagine d’ailleurs que si je mettais sur le marché une formation en “techniques de Conseil”, en “Commercial Complexe” ou en “Consulter Efficacement” j’aurai beaucoup moins d’inscrits que pour les intitulés “Techniques de Vente”, “Ventes Complexes” ou “Vendre plus Efficacement”.

Outre le fait que cet escamotage agaçant de mots essaye de masquer une “mauvaise réputation” des métiers de la vente - sujet déjà débattu précédemment* - il nous conduit au même point que celui du début de cet article. Nous revenons, en effet, par ces deux voies différentes, au même problème : la croyance qu’on peut vendre sans vendre, qu’on peut exercer une activité commerciale sans prendre en charge ses aspects désagréables et énergivores.

Les causes historiques 

Entendons-nous, je suis moi-même tombé il y a longtemps dans le panneau du “Conseiller Commercial”. C’est une illusion ! Oh, elle est particulièrement jolie et très confortable sur le moment. Mais le changement radical de paradigme économique entre les années 90, durant lesquelles cette appellation à pris son essor, et les années 2020, rendent cette approche tragiquement désuète et dangereusement inefficace !

Remontons le temps. Années 60, 70 et 80, l’ère des Vendeurs avec un grand V. L’industrie, relancée à l’aube des années 50 grâce aux connaissances et aux compétences héritées de la seconde guerre mondiale, inonde les marchés de produits prêts à être achetés, et d’armées de vendeurs-soldats, managés par d’anciens officiers qui appliquent des logiques de conquête, de guerre économique, de compétition, de virilisation de l’acte de Vente comme une forme d’idéal de Force.  

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Du porte à porte au démarchage téléphonique, on leur a enseigné toutes les techniques du « push ». On leur a appris à tordre délicatement le poignet du client, à dire « appuyez bien fort, il y a un carbone » puis à passer directement au client suivant. Abattage de masse avec des produits ou des services pas toujours très qualitatifs. Mais qui s’en plaint ? Après tout, un client n’est qu’un individu isolé, avec peu ou pas de pouvoir de nuisance pour une marque. Le Serial Seller est né.

Alors on fourgue. On fourgue tout ce qu’on peut fourguer. C’est le règne du FFF ; Find, Fuck and Forget. Mes grands parents me parlaient de la fameuse "Qualité d'avant-guerre", expression qui prend tout son sens au regard de cette petite analyse historique.

Au sommet des pyramides hiérarchiques et des tours de verre et d’acier, les capitaines de ces industries devenus Empires s’enrichissent pendant quarante années, donnant ainsi des visages, des patronymes et des modèles à l’incarnat de la Réussite. 

Pendant ce temps, lassés et irrités par trois décennies d’abus, tabassés par une publicité de plus en plus omniprésente, les acheteurs, quant à eux, se blindent, deviennent autrement plus résistants au baratin et aux clés de bras commerciales. Ce sont les Boomers à présent qui constituent la majorité de la population active, apportant peu à peu d’autres idéaux humanistes (amour, fraternité, respect) sur les marchés et ouvrant la voie à une génération X, qu’on dit choyée, blasée et perdue et qui finira par entrer elle-même sur le marché du travail dans les années 90.

Alors la vente évolue et le « Consultative Selling » fleurit. On enterre en toute discrétion le “Hard Selling” dans l'arrière cour de l’entreprise. L’idée n’est plus de pousser un produit ou un service vers un client mais plutôt de diagnostiquer son souci, son problème, d’approfondir l’exploration de ses besoins, de faire envisager la valeur à moyen et à long terme des solutions que nous apportons. La mode est aux psys et à la connaissance de soi, même dans la vente. 

Depuis le SPIN Selling de Neil Rackam, qui vise à faire réaliser toute l’ampleur des « douleurs » et des « risques » du client pour mieux y apporter des solutions, jusqu'à l’Insight Selling de « Challenger Sales » qui a pour vocation de provoquer une réelle prise de conscience forte chez un client apparemment sans demande ou besoin, en lui proposant un recadrage (reframing) de sa situation, le principe du « Vendeur-Consultant » vit ses deux décennies de gloire entre 1990 et 2010. 

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Comme pour soutenir cette tendance de fond, nous assistons entre 95 et 2005 à l’émergence et la généralisation fulgurante d’un internet 1.0 à 1.99 qui permet un accès instantané, toujours plus large et plus riche, à l’information. Ce nouveau support offre aussi et surtout aux clients l’opportunité d’exprimer instantanément et durablement leurs insatisfactions. Dans un monde devenu soudain hyper communicant, avec accès à une mémoire infinie et virtuellement ineffaçable, l'arnaque « one shot » devient de plus en plus difficile à ériger en système. On ne peut désormais plus mentir 1.000 fois à 1.000 personnes (prenez un chewing-gum Emile). Les escroqueries laissent désormais des traces indélébiles. 

Et voilà que prolifèrent alors tous ces titres merveilleux et toutes ces idées formidables. Plus besoin de “Vendre”, plus besoin d'être “pushy”, on va oublier la prospection à froid, tout miser sur l’apport de Valeur, la prise de conscience. Les vendeurs sont devenus des “docteurs du business”, des Consultants d’affaire, des Experts, des Stratèges ! Et surtout, ils sont devenus si gentils, si prévenants... Jamais ils ne pressent, ne poussent ou n’insistent. Ils Conseillent et attendent sagement, la bouche en coeur, que les clients s’engagent.

Mais entre temps, Internet à lui-même muté. L’innovation, à fait rapidement place au business. Dr Jeckill est devenu Mr Hyde ! De 2000 à 2010, il aura fallu 10 longues années pour convaincre la majorité des utilisateurs que mettre en ligne son numéro de carte de crédit était un acte relativement anodin, et 10 ans de plus pour banaliser l’achat en ligne et le faire rentrer dans les comportements courants et ordinaires. (Et encore, tout cela sont des constats pré-covid !)

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En d’autres termes, internet qui jusque 2010 était surtout un « Conseilleur » en ligne, un outil d’accès à l’information, est devenu un en 10 ans le plus grand Vendeur de notre société, une vitrine immense, ouverte 24h sur 24, 7 jours sur 7. Internet est passé du statut de plus grande “bibliothèque” du monde à celui de plus grand supermarché de l’univers connu ! Non seulement internet vous conseille objectivement depuis 20 ans, mais aujourd’hui il vous permet d’acheter sans la moindre contrainte, en un seul clic, tout ce qui vous fait envie. 

Et pendant ce temps, que font les Vendeurs ? Et bien… ils ne vendent pas, tu comprends, ils conseillent encore… Ils conseillent et ils s’étonnent de voir leurs clients disparaître dans le vaste brouillard du digital. 

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Les petites boutiques ferment, les unes après les autres. Les centres-villes se vident de leurs commerces au profits des shopping-malls. Eux même se voient soustraire leur clientèle par une Machine à Vendre de plus en plus omniprésente, multicanale, capable de vous relancer en douce, à coup de cookies, pendant des semaines et des mois, jusqu'à provoquer l’achat, toute les contraintes financières et logistiques ayant été levées. Même en B2B, on renseigne ses offres sur des plateformes sans âme, on participe à des enchères inversées... sans plus échanger avec personne. 

Et enfin, lorsqu'on a le privilège de recevoir quelqu’un, dans un magasin, dans une salle de réunion, dans un bureau, lorsqu’on a enfin la joie de serrer une main (ou de se checker, crise sanitaire oblige) et de se parler au fond des yeux, vous prétendez que l’heure est au conseil et pas à la vente ? 

Les Conseilleurs ne sont pas les Payeurs

Combien de commerçants se plaignent aujourd'hui du comportement opportuniste des clients qui viennent se faire conseiller, essayent, touchent et goûtent la marchandise en magasin pour repartir ensuite, les mains vide, et se fournir directement sur internet ? Combien d’entreprises pleurent sur l’absence de retour de leurs clients potentiels une fois qu’ils ont reçus les conseils et qu’on leur a envoyé l’offre de prix ? Comprenez vous que dans tous ces cas, il n’y a PAS eu vente ? 

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Si vous "conseillez" mais que vous envoyez un prix par mail, sans le défendre, sans le faire passer, sans le corréler à une valeur et surtout sans obtenir un accord, ne fut-ce que de principe, au moment où l’interaction humaine a lieu (face à face, visio, téléphone, peu importe), vous êtes en grave défaut de vente !

Et que pensez-vous qu’il se passera, pour votre client potentiel ? Vous croyez qu’il signera avec une autre boite qui est objectivement meilleure que vous ou tout simplement plus courageuse parce qu’elle aura été suffisamment persistante et dynamique pour transformer l’essai du conseil en Vente, donc en chiffre d’affaire sonnant et trébuchant ?

Vous êtes un Conseiller ? et c'est votre conseil qui fait votre valeur ? Bien. Alors de grâce, dites moi que vous le vendez. Parce que si vous le ne vendez pas, si en fin de compte vous offrez votre conseil, sans provoquer d'une façon ou d'une autre une opportunité de vente, de quoi vivez-vous ? De quoi votre entreprise tire-t elle sa subsistance ? 

La valeur intrinsèque du conseil est nulle si elle ne profite QUE à celui qui le reçoit.

Avez-vous constaté, au passage, qu'il y a un rapport entre le prix que vous payez pour un conseil et son efficacité ? A votre avis, si je donne 3 fois le même conseil a 3 dirigeants de PME différents, au premier pour rien, au deuxième pour 50€ et au troisième pour 5.000€, dans lequel de ces trois cas de figure le conseil aura-t’il plus de chances d'être appliqué ? Ce qui est gratuit n'a pas de valeur. Nous avons donc tendance à choisir et à respecter ce qui est rare, difficilement accessible et onéreux et nous négligeons (hélas) ce qui est abondant et gratuit. 

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D'ailleurs de nombreux petits malins l'ont parfaitement compris et mettent en ligne des "formations" ou des "coachings" "high ticket" avec des prix faramineux pour des contenus généralement douteux. Et devinez comment ils procèdent ? Pensez-vous qu’ils distribuent généreusement leurs précieux conseils gratuitement ? Non, ils en saupoudrent ça et là, quelques miettes de façon à capter votre attention puis vous attirent dans des tunnels de… de… ? de VENTE ! Avec des pages qui exploitent tous les trucs et toutes les astuces possibles et imaginables pour convertir votre envie en achat. 

Si il y a bien une chose qui est devenue abondante et gratuite, c'est le Conseil. Si vous avez besoin d'un Conseil, quelque soit le sujet, la matière, qu'il s'agisse de finance, de santé, de travaux manuels ou de choix de matériel informatique, il vous suffit de quelques secondes sur Google, sur YouTube et sur vos réseaux favoris pour être littéralement submergés de conseils, des plus amateurs jusqu'aux plus professionnels. 

Vous êtes un conseiller et vous ne vendez rien ? Démarrez votre chaîne YouTube dès à présent et tentez d'obtenir rapidement plus de 100.000 abonnés, ou 100.000 followers sur Instagram. C'est à priori la seule façon dont vous pourriez vivre de votre conseil si vous ne le vendez pas, si vous n'en transformez pas la valeur intrinsèque en argent. 

Amazon, seul, investi plus de 13 milliards de dollars en recherche et développement par an, pour mieux vendre, pour mieux "closer" les envies des internautes en commandes définitives.

Amazon ne fournit pas de conseil, il est donné GRATUITEMENT justement par les clients, les utilisateurs, les fans, les experts blogeurs-vlogeurs-influenceurs, qui se chargent de tester, de coter, de comparer plus vite, plus fort, plus précisément que n’importe quel “conseiller client” en magasin, précisément parce que pour eux c’est une passion, un hobby !

 Et vous, combien investissez vous sur vos vendeurs, oh pardon, vos commerciaux et vos conseillers clients pour qu'ils convertissent vos prospects en clients, et leurs fameux conseils en achats et en chiffre d'affaire ? 

Bas les masques (non pas les ffp2). Si vous voulez vivre et survivre aux nombreuses secousses qui nous attendent à la rentrée, il va falloir vendre. 

No Pain, No Gain ! 

Vendre sans vendre est aussi mensonger et stupide que de vous promettre des abdos en acier sans efforts, ou une rentabilité à 15% sans risque. Oh, bien sur je ne doute pas que nous serons encore nombreux à tomber dans ce panneau, dans cette énième étape perverse d’une procrastination qui se pare des meilleures intentions du monde. 

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Il y a un moment ou vous devrez accepter une réalité ; il y aura toujours un moment d’inconfort dans la vente. Il y aura toujours, non pas une douleur, mais la peur d’une douleur. 

Vendre, c’est oser. C’est oser faire le pas en plus vers l’autre. Oser aborder, oser prendre contact, frontalement, parfois à froid, oser essuyer, un, dix, cent, mille refus, oser argumenter en affirmant avec confiance et courage, oser subir les objections et les tentatives de négociations, oser proposer de conclure, la, maintenant, tout de suite, oser promettre que tout ira bien, oser relancer, passer le coup de fil en plus, trouver un nouvel angle pour revenir vers un client potentiel, oser ne rien lâcher, en visant le moyen et le long terme, en conservant en en entretenant la Relation derrière l'opportunité du jour.

Et au moment même où vous envisagez toutes ces actions fortes qui fondent la Vente vous ressentirez forcément une peur. Même microscopique. Mais une peur indéniable, viscérale, ancrée en vous depuis la nuit des temps. Oser fait peur. Et chaque vraie vente vous confronte à la terreur ancestrale du Rejet. 

Oh ne croyez pas que cela réveille seulement des souvenirs refoulés de cour de récrés ou de rouge au front lors de vos premières tentatives de flirt, non, c’est bien plus profond. A travers vous, c’est toute l’expérience de notre espèce qui tremble à l’idée de perdre sa tribu, son groupe protecteur, de devoir se retrouver seul, livré aux menaces du monde sauvage, sans subsistance et sans réels moyens de défense, ni griffe, ni crocs, ni muscles surpuissants. Homo Sapiens a survécu grâce à son agilité sociale, avant tout. 

Votre cerveau en a parfaitement conscience depuis 300.000 ans et fait tout, TOUT pour vous éviter une situation de rejet. A un tel point d’ailleurs que le fait d’éprouver un rejet allumerait dans votre encéphale les mêmes zones que la perception de la douleur réelle. Ce qui signifie que le rejet fait réellement mal. Et que la peur du rejet est forcément aussi intense que l’anticipation d’une douleur physique. Si on vous disait que vendre était aussi agréable qu’un passage chez le dentiste pour soigner une carie avec abcès, je doute que vous sauteriez de joie à l’idée de rencontrer votre prochain client. Et pourtant, il y a un peu de cela, dans l’anticipation, la peur que nous nous faisons de l’acte de vendre, le vrai, pas celui de simplement se réfugier dans le confort douillet du “conseil”.

A une différence près ; en vente, dans la majorité des cas, il y a beaucoup plus de peur que de mal. Mais c’est votre capacité à Oser, à prendre sur vous de dépasser ce stade de la peur du rejet, qui fera de vous de vrais vendeurs. 

Peur contre Peur !

Car, au même instant, bien que vous l’ayez totalement perdu de vue, submergé par vos propres émotions et les pulsations de votre petit égo, votre client, lui aussi, a peur ! Une autre peur, tout aussi terrible, tout aussi ancienne. Il a peur de perdre. Il a peur de se tromper. Il a peur de lui-même, Il a peur de mal investir ses ressources, qui sont des acquis tangibles, réels, contre quelque chose d'hypothétique, et si ca se trouve, de mauvais, et au dessus de tout cela, il a peur de vous !

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Oui, au moment même où il envisage l’achat, le client est sous l’effet cumulé de trois biais cognitifs : L’aversion pour la perte, la perception schizophrénique et le biais de négativité qui méritent une explications succincte :

  • L’Aversion pour la perte et pour le risque : dans l’esprit d’un client, un achat est d’abord une perte certaine d’argent contre un gain ultérieur incertain. Notre cerveau de Sapiens privilégie ce qu’il possède qu’il tend à vouloir conserver. Au niveau de l’intensité émotionnelle, perdre un euro vous fera toujours plus de “mal” que le “bien” que vous ressentirez à gagner un euro. C’est pour cela que nous hésitons 100 fois pour un achat quand les prix nous semblent une peu élevés, même si nous désirons, même si parfois nous sommes convaincus de son utilité. Ce réflexe nous a permis a notre espèce de faire des choix majoritairement conservateurs ce qui nous a majoritairement évité de nous dépouiller de nos ressources a une époque ou chaque épi de blé était vital. Il demeure pourtant, avec pourtant moins d’utilité rationnelle dans un monde où nous risquons plus probablement des problèmes de santé à consommer des artefacts industriels de mauvaise qualité mais peu onéreux au lieu d'investir dans la qualité ou dans la durabilité. Néanmoins, votre client envisagera toujours la perte avant le gain et la peur de perdre bloquera toujours ses décisions.
  • La Perception Schizophrénique : Ce biais nous fait généralement considérer l’autre, l’inconnu, comme un ennemi potentiel à priori. Encore une fois une logique évolutionniste explique clairement le fait qu’une catégorie de Sapiens qui aurait eu la fâcheuse manie d'accueillir a bras ouverts tous les autres hominidés de l’époque aurait fini par s'éteindre. Ce biais a probablement sauvé nombre de nos aïeux de mauvaises rencontres avec certains de leurs congénères mal intentionnés. Nous sommes les descendants d’animaux paranoïaques. Et c’est aujourd’hui ce réflexe qui explique pourquoi les clients regardent toujours avec méfiance le vendeur qu’ils soupçonnent d’abord de servir ses intérêts propres en premier.
  • Le Biais de Négativité : Notre cerveau a une préférence maladive pour les informations négatives, dont il semble récompenser et l’écoute et la transmission par une émission ciblée de dopamine. Formidable utilité sociale : l’information concernant une menace ou un risque pouvant affecter les autres membres du groupe circulant très rapidement, la tribu est mieux préparée à survivre aux risques du monde sauvage. Risques qui, après 280.000 an d'âpres difficultés pour survivre se sont considérablement amenuisés dans les 10.000 (invention et généralisation de l’agriculture), 5.000 (écriture), 100 dernières années (industrialisation de masse, progrès sanitaires, médicaux et éducationnels). Néanmoins notre modèle de cerveau n'a pas drastiquement évolué depuis, et celui de notre client a évidemment beaucoup mieux retenu les rares fois ou il a mal acheté, ainsi que toutes les histoires négatives sur les vendeurs, en oblitérant toutes les fois ou ses achats se sont parfaitement bien déroulés. Le biais de négativité fonctionne aussi sur l’anticipation : votre client va prioritairement envisager tout ce qui pourrait mal se passer, se faire des fantasmes et des peurs qui ne reposent sur aucun fondement. 

C’est le cumul de ces trois émotions parasites puissantes qui le font hésiter, procrastiner, remettre à plus tard sa décision, la lier à un deuxième ou un troisième avis, qui lui font perdre de vue ce qu’il désire réaliser plus tard, plongé dans l'abîme angoissante de la peur de l’immédiat. 

Nous pourrions écrire des livres entiers sur ce sujet, qui se résume en un constat simple : au moment ou vous avez peur de conclure, le client lui-même a peur de franchir le pas, pour de bien meilleures raisons que vous ! Car il vous est toujours possible de rater une vente, sans beaucoup de conséquences, mais quand un client se trompe et rate son achat, cela peut être bien plus grave, bien plus problématique ! 

Vendre, c’est s’Engager !

Et c’est ici que j’enfonce ce clou, pour qu’enfin on comprenne ce qu’est la véritable essence de la vente et ce qui la sépare radicalement et définitivement du Conseil ou de la Consultance ; Vendre c’est s’engager. C’est engager sa responsabilité, personnelle, comme juridique dans l’échange de valeur. La vente, c’est la promesse d’un résultat, ce que n’est pas le Conseil. Je n’ai jamais d’ailleurs entendu parler d’un service après-conseil, alors que nous comptons tous sur un service après-vente.

La vente c’est précisément cet engagement, cet acte courageux qui vous permet de sortir de votre propre crainte pour gagner la confiance de votre client, fort de votre certitude, et l'emmener avec vous vers la réalisation de ce qu’il souhaite en traversant et en pulvérisant ses peurs ensemble ! Et aucune machine au monde n’est meilleur que l’homme pour l’aider à cet instant précis ! Aucune machine au monde ne vous remplace, vous, au moment idéal, pour canaliser ses émotions et l’aider à acheter !

Tant que vous n’avez pas fait ÇA, tant que vous n’avez pas senti votre coeur battre la chamade, en prenant le lead sur la vente, en rassurant votre client, en vous engageant moralement à lui obtenir ce qu’il veut et en l’accompagnant à franchir le cap, à marquer l’essai et à se diriger enfin vers ce qu’il souhaite vraiment obtenir, tant que vous n’avez pas compris que votre rôle est de sortir de votre propre zone de confort pour vous engager à aider vos clients à sortir de la leur et de s’en féliciter au bout du compte, vous n’avez pas compris, et surtout pas vécu ce qui fait toute l’essence et toute la merveille de votre métier.

Vous n’avez pas vendu. Vous vous êtes contenté de conseiller, sans oser aller plus loin. Et pourtant, c’est justement dans ce plus loin que résident tous les possibles. 

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Un journaliste demanda un jour à Mohamed Ali combien de pompes et d’abdos il faisait par jour pour conserver un tel physique. Et il aurait eu cette réponse édifiante ; “Je ne sais pas vraiment, je ne commence à compter que quand ca fait mal.”


Comprenez ceci, l’inconfort est la Porte. Oser est la Clé ! Cette peur d’Oser, cette peur de s’Engager valablement à fournir un résultat correspondant ou même dépassant les attentes de son client est précisément ce point de douleur qui signe le progrès ! Le succès est juste derrière, qui vous attend, les bras ouverts. Vous ne pouvez vous améliorer en restant en confort. Vous devez amener une vente jusqu’à votre propre point d’inconfort, d’angoisse, d’inquiétude, pour vous permettre d’engager le client à dépasser ses craintes personnelles, en vous engageant vous même pleinement à lui permettre d’obtenir ce qu’il souhaite.

Oui, en définitive,
Vendre, c’est avoir du courage pour deux !

Vous ne pouvez donc pas “Vendre sans Vendre”. Vous ne pouvez pas éviter ce sentiment de difficulté, cette peur que votre esprit cherche à fuir, à rejeter, à déléguer. C’est en cela que consiste le métier, car c’est à ce moment précis que l’envie finit par l’emporter sur la crainte, que le désir, le souhait, le projet, devient un achat, une réalité, grâce à votre action, à votre engagement et à toute la confiance qu’il génère chez votre client ! le reste n’a que peu de valeur en regard de ce moment là. 

C’est ca Vendre, c’est aider l’autre a prendre la bonne décision et l’accompagner dans la réalisation de son souhait. Alors de grâce, cessez de fuir, prenez cette mission, ce métier, à bras le corps. Engagez vous, trouvez la force d’avoir du courage pour deux et soyez fiers de vous appeler Vendeur.

“Mal nommer les choses”, disait Albert Camus, “c’est ajouter au malheur du monde”

Celui-ci a assez souffert. Et il a besoin que de véritables Vendeurs s’engagent envers leurs clients à le faire changer.


 

William Tadeu

Ajudo coaches, consultores, mentores e pequenos empresários. Juntos, criamos sistemas de vendas inteligentes. Diariamente, geramos potenciais clientes qualificados. Tudo isso com menos esforço e mais previsibilidade.

2 ans

Great, Laurent :)

Frédéric DUPLESSY

💎 Psychanalyste du dirigeant & de l'expatrié ♾ « La guerre la plus difficile pour l’être humain est la guerre avec soi-même." Montaigne

4 ans

merci, c'est effectivement cet engagement qui crée la magie du moment

_Frédéric_ Bascuñana

Analyste stratégique et conseil en stratégie, #GoToMarket #BusinessAnalyse. Entrepreneur de la tech, conférencier, auteur, éditeur de médias digitaux.

4 ans

Laurent- la valeur que tu crées dans ce travail-somme est juste colossale, et il est habité par une magnifique conviction, ce qu'il faut d'émotion indignée et d'arguments salvateurs. Tu as même le trio Ethos-Pathos-Logos qui en fait le discours idéal pour une conférence qui déménage.

Eric Nenin

Responsable développement commercial Bi-Com.

4 ans

Salut Laurent. Je prendrai le temps de lire l'article à tête reposée cependant, la lecture rapide que je viens d'effectuer me permet de te rejoindre car je partage à fond ton point de vue. Je suis vendeur et je le reste (aurait pu chanter Claude Barzotti)! Bien dit copain!

🎬Evelyne Platnic Cohen

Co fondatrice The Artist Academy // Conférencière sur les sujets commerciaux // Coach de croissance //fondatrice Mental Wellness Academy// fondatrice Booster Academy// 100 femmes de culture//CODIR Croissance Plus

4 ans

@bravo! Belle tribune que nous pourrions tous signer.

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