Kinshasa: la ville sans Spa.
En amoureuse et en professionnelle du Spa (et je mets une majuscule à dessein), analyser le cas de Kinshasa est un défi excitant. Défi parce qu’observer avec objectivité (et en très peu de temps) sa ‘ville de cœur’ n’est jamais aisé. Excitant parce que Kinshasa est une mégapole bouillonnante et contrastée où l’élégance est érigée en art de vivre …malgré les ‘orages’.
Au pays des sapeurs : le culte de l’apparence.
Quand on observe les Kinoises, il est frappant (et parfois comme un coup de poing dans l’œil) de constater à quel point elles sont apprêtées : coiffure, ongles, maquillage et bien sûr vêtements et accessoires. Au pays des Sapeurs (Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes), l’apparence soignée et le recours aux marques de luxe françaises sont érigées en art de vivre, en science, en religion ;-)
Plus spécifiquement, pour leurs routines de soin, les Kinoises se font tresser / tisser par des proches, dans des salons de quartier ou dans des instituts plus huppés. Idem pour les manucures, où les tarifs vont de l’équivalent de 1$ auprès des manucures ambulants (qu’on repère aisément au cliquetis de leurs bouteilles) à 25$ dans les nail bars ou plus de 50$ dans les instituts de la Gombe.
Le maquillage est très utilisé, surtout le fond de teint pour matifier, uniformiser le et camoufler les zones d’hyperpigmentation, les taches et les cicatrices dues aux produits éclaircissant ou les boutons causés parfois par le maquillage lui-même.
D’autres pratiques comme les épilations sont courantes et les cosmétiques quigalbent les fesses se vendent en masse. Bref, il faut que cela se voie !
Le massage : entre tradition perdue, manque de nécessité et image sulfureuse.
Les instituts de beauté et les salons de coiffure sont donc légion. Par contre, les soins du visage sont déjà beaucoup moins proposés. Et rares sont les espaces où la notion de bien-être et les massages sont mis en avant.
Parce que la pratique du massage corporel renvoi à la nudité, à l’intimité voire à la sexualité, le massage n’est pas une évidence à Kinshasa. Il est vrai que sous l’appellation de « centre de massages » se cachent (ou ne se cachent même pas, d’ailleurs) des pratiques relevant davantage de la prostitution.
Pourtant, en parlant avec des « vieux » (et ce terme n’a rien de péjoratif en RDC), on se rend compte qu’en dehors de Kinshasa, dans les zones agricoles, le massage est une pratique quotidienne. Au retour des champs, les enfants massent les pieds et le dos de leurs parents, pour les soulager et par respect.
Plusieurs hôtels et instituts de beauté ont placé des massages à leur menu de soins, avant, parfois, de se rétracter. Les raisons varient :
- mauvaise insonorisation de l’espace qui rend la relaxation impossible.
- plaintes pour « happy ending massage » (que ce soient de la part de clients trop insistants ou parfois des thérapeutes elles-mêmes, à l’insu de leur manager),
- manque de demande des clients nationaux, rendant l’espace non rentable et le voyant se transformer en une autre pièce « beauté ». « Le massage, c’est pour les expats, nous, les Congolais, on n’est pas stressés ! On a le temps, pas de factures qui s’entassent, on est bien, on a pas besoin de tout ça ! Et puis, le prix, c’est exagéré ! ».
- manque de demande des expatriés qui se plaignent de la pauvreté des techniques proposées (les tellement éculés californiens, suédois et drainant) ou de la qualité du soin lui-même : ‘main’ de la masseuse, produits, hygiène, confort, non-respect des heures de rendez-vous…
Ce constat d’échec rend les investisseurs très prudents et on notera qu’aucun des nombreux grands hôtels (installés ou à venir) n’intègre ce service : l’Hotel du Fleuve (Kempinski), le Pullman Grand Hotel (Accor), le Stanley (DoubleTree by Hilton), le Memling, l’hôtel Béatrice…
Orchid Spa : une fleur dans le désert.
Malgré un titre quelque peu provocateur, je ne voudrais pas laisser penser qu’il n’y a aucun spa à Kinshasa. Il y en a un. …pour 10 millions d’habitants!
Par définition, un Spa est un endroit destiné à la régénération et au repos. Il est caractérisé par une démarche holistique qui envisage l’être humain dans sa globalité. Au cœur du concept, l’eau et ses vertus curatives : bains, boues, hydro-jets, hammam… Ensuite, viennent toutes les autres approches qui contribuent au bien-être : massages, soins de beauté, exercices physiques, méditation, nutrition… Il ne s’agit donc pas uniquement de disposer d’un hammam pour se proclamer spa, il s’agit d’un concept global, d’une philosophie.
Dans le quartier des ambassades, la Villa Orchid Spa propose une carte ultra complète de soins (massages, soins visage, beauté des mains et des pieds, épilations), des soins à base d’eau (hammam, hydrothérapie, piscine), un salon de coiffure, une boutique, une salle de sport et de yoga ou encore un jardin avec pool house.
Une équipe multilingue (français, anglais, lingala) et super accueillante (malgré mon retard…) composée de Congolaises et de Philippines y travaillent avec la marque française Matis, experte de la beauté et particulièrement innovante. Un bel endroit, notamment la suite duo au ciel étoilé. Du linge de qualité. Une oasis de silence, un vrai luxe au cœur de la capitale.
Certains bémols toutefois : des prix qui restent relativement élevés (min. 165$ le soin visage quand même !) et ces ‘détails à la kinoise’ difficilement acceptables au regard des standards occidentaux : trous béants dans les murs, une praticienne qui consulte son Gsm ou le staff qui entre dans la cabine durant le soin, dépôts dans la douche, porte d’armoire défoncée, désordre… Une expérience toutefois globalement satisfaisante avec l’espoir que la qualité d’ensemble ne chutera pas après le départ tout récent de la fondatrice vers d’autres aventures.
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Professeur & Dir. projets : Recherche - Coop. Développement # Tourisme/Pédagogie du tourisme #Gestion de projets internationaux
8 ansIntéressant. Merci pour l'analyse, 😃je retrouve des points communs avec ce que j'ai vu en Égypte