L'âme de la création
Je fabrique de la matière graphique. Ne pas oublier ça. Ma préoccupation n’est pas de raconter une histoire ni d’écrire un roman ou je ne sais quoi d’autre. Cela étant dit, je poursuis. Je dis ce qui vient. Je ne dis parfois rien du tout. Ne rien dire, c’est déjà dire quelque chose. On ne peut pas se clouer le bec en écrivant. Je suis même devenu un spécialiste de ça. Je ne sais pas comment l’appeler. Plein de mots pourraient correspondre. Faut pouvoir s’en foutre. Je dis ça, mais ça n’est pas vrai. On ne doit pas écrire sous la contrainte. Ça ne marche pas comme ça. Je me fiche clairement de ce que vous allez en penser. Vous en penserez ce que vous voulez. Certaines personnes ne pensent absolument rien de ce que je fabrique. Je n’attire pas non plus des foules. J’écris pour voir. Ça serait comme marcher. Je me promène. Je croise des regards et des murs. Je regarde mes pieds, mes mains, les pieds des autres, les mains des autres, des vitrines aussi. Ne pas omettre les vitrines qui en ville longent les allées. Les vitrines sont des miroirs. Autrefois, je réalisais des autoportraits furtifs de qui j’étais à ce moment-là. J’ai à la fois changé de ville et de vie. J’ai été contraint de changer beaucoup de choses. Foncièrement, je n’ai évidemment pas changé, mais en surface, quelque chose s’est modifié. Une certaine manière d’aller. Une manière d’être. La façade ou l’enseigne s’est écroulée. Ici personne ne demande qui je suis. Je voyage incognito. C’est ridicule, je sais, mais je l’écris. J’ai toujours été plus ou moins dans l’apparence. On ne savait jamais vraiment qui j’étais. J’ignorais mon identité. Le principe qui gouverne a toujours été l’écriture. Je suis ridicule de dire ça. Je n’ai plus d’image. Je me fiche d’être devenu transparent. Un peu comme si je n’avais pas d’histoire. Je suis devenu sans histoire. Je pars de rien. Je suis rien. Pour écrire, ça n’est pas mal non plus. Je n’ai pas besoin de raconter maman papa comme font certains. Je me suis libéré de cette emprise. J’avance dans la nuit pieds et mains déliés. Je n’ai pas de boulets à transporter dans un livre. Vous ne verrez pas d’un côté maman ni de l’autre papa. Ça fait des années que ces appellations ont disparu. Ce qui m’intéresse n’est pas ce que j’ai vécu mais ce que je découvre à mesure. Je me sers de l’encre pour ne pas couler. Je dessine des motifs de cette manière. Concrètement, je ne vois rien d’étonnant à me servir de l’écriture. Je me sers aussi des objets pour alimenter la machine à mouliner l’autre. Art concret. Art abstrait. Faites vos jeux, rien ne va plus.
Chaque chapitre ou tableau correspond à un mois d’écriture. J’ai fini par me mensualiser. Le texte d’un mois deviendra la texture d’un tableau posthume dans l’oeuvre globale. Je publie certains textes pour voir ce que ça donne. Des personnes lisent et certaines laissent un commentaire sous le texte. Je regarde. Je vois. La plupart du temps, je suis devant ma page à inscrire ce que vous lisez. Le manuscrit avance dans la direction donnée. Je témoigne d’une construction de l’oeuvre presque à mon insu. PN, on ne sait pas qui c’est. On se demande s’il ne s’agit pas d’une plaisanterie. Programme de Noël. Père Noël. Ça ne peut pas être écrivain, créateur ou artiste. Quelqu’un qui écrit. Quelqu’un qui rédige des lettres pour recevoir des cadeaux. Un hologramme qui annonce de bonnes et mauvaises nouvelles. Un rédacteur de nouvelles. Je raconte vraiment n’importe quoi. Pourvu que ça mousse et pousse. Ça y est, j’ai trouvé. Un gnouf-gnouf de première souche. Un bête à quatre pattes et deux oreilles qui vise à entendre les conneries que le monde entier déblatère. Le centre du monde. Le centre de la terre. Une vapeur d’eau. Un hic dans le potage. Un flic qui fait la circulation en remontant le boulevard du Bourricot. Une ombre. Un mauvais rêve dès fois très bon. Juteux quand la trempette sexuelle vire orgie. Du genre, je te pourlèche le visage et on finit à quatre pattes en train de faire gnouf-gnouf. Une prostituée qui drague sur le trottoir le passant pour lui mendier le sou. Un proxénète de la pire espèce. Une toupie. Une putassière. Une drôle de bestiole. Une furtive pensée. Je ne sais quoi. J’arrête. Je reviens à mes moutons. Y’avait du monde. Sur le trottoir. Beaucoup. Je marche. Je vois du monde. Du monde se pavane au soleil. On est au coeur de l’hiver et il fait chaud. Réchauffement climatique… Aubaine en rapport des carences énergétiques que nous aurions pu avoir s’il avait fait froid voire très froid cet hiver, mais ça n’est pas terminé. Pour l’instant, on s’en sort plus qu’honorablement. Je regarde les pages des uns et des autres. Beaucoup de copiés collés et beaucoup de j’aime et de j’adore. Sur la mienne, peu de copié collé et les j’aime et les j’adore se comptent sur les doigts d’une voire de deux mains dans les meilleurs cas. Je publie des écrits reliés à des tableaux qui se trouvent sur ma boutique de vente en ligne. On ne sait pas d’où ça arrive, ni où ça va. Ça s’appelle l’amour. Tout part de là. Tout s’arrête ici. On aurait envie de dire puis lire autre chose. Autre chose c’est ça. Je t’aime. Je te veux. Je te veux là. Yeux dans les yeux. Où la terreur règne. Où le corps s’enflamme. Où un plus un égale un. Plus aucune règle n’existe. On n’en revient pas forcément. ©PN
P23.19 Patrick Nicolas composition photographique tableau nature morte 120X120 https://www.ebay.fr/itm/334691540544