L'économie britannique s'enfonce dangereusement
Un véritable coup de massue vient de s’abattre sur le pouvoir d’achat des Britanniques : le 1er avril dernier, la facture de gaz et d’électricité, encadré par le régulateur, a fait un bond en avant de 54%. Et comme si cela ne suffisait pas, le même jour, les cotisations sociales prélevées à la source sur les salaires sont passées de 12 à 13,25%. Deux claques qui s’inscrivent de surcroît dans le contexte du choc d’inflation héritée des conséquences de la crise de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine qui avaient déjà propulsé la hausse des prix à la consommation à un pic depuis près de 30 ans.
Le potentiel de croissance du pays se réduit
Les rémunérations, bien évidemment, ne suivent pas ou de très loin. Des mesures d’urgence ont bien été mises en place comme une réduction de 10 pence par litre des taxes sur le carburant pendant un an (l’équivalent de 12 centimes d’euros environ), le déblocage d’un budget de 500 millions de livres sterling pour aider les foyers les plus pauvres, l’instauration d’une TVA à 0% pour les matériaux améliorant la performance énergétique des logements, mais face au choc subi, c’est un coup d’épée dans l’eau.
De faibles en 2021, les gains de pouvoir d’achat vont virer au rouge vif cette année. Selon les estimations officielles, il devrait reculer de 2,3% sur l’année fiscale 2022-2023. Cela sera certainement plus. Compte tenu d’une inflation qui pourrait bien culminer à près de 10% en cours d’année, la baisse sera vraisemblablement plus proche de 3% sur l’année civile, l’équivalent de 650 livres par habitant en moins. C’est du jamais vu depuis 1955, date du début de la mesure.
De quoi briser la consommation même si, comme leurs homologues européens, les Britanniques ont accumulé des réserves d’épargne hors normes durant les périodes de restrictions sanitaires qui les empêchaient de consommer normalement. À la fin du 3e trimestre 2021, le surplus d’épargne accumulé par les ménages depuis début 2020 était estimé à 230 milliards de livre sterling dont 185 dormaient sur des placements à vue, l’équivalent de 13% de la consommation. De quoi éviter son naufrage, mais pas son dévissage.
Un rude coup au moment où les premières fissures du Brexit commencent à apparaître, même si cela reste difficile à appréhender dans un environnement encore chahuté par la pandémie. Le Royaume-Uni n’est d’abord plus considéré comme l’Eldorado, ni par les travailleurs européens ni par les investisseurs. Si confinements et déconfinements successifs ont désorganisé le marché du travail, la sortie du Royaume-Uni de l’UE a accentué le problème. Et l’immigration nette en provenance des pays européens a chuté de 58% depuis le referendum de 2016. Les ressortissants des pays de l’Est (notamment) sont ainsi depuis 2019 plus nombreux à quitter le pays qu’à y entrer. Pour les pays de l’UE 14 (France, Allemagne, Italie, Espagne principalement), la baisse est certes moins importante, mais les flux se sont considérablement taris.
Ces évolutions pèsent mécaniquement sur l’évolution de la population des 20-64 ans, c’est-à-dire la force de travail mobilisable pour créer de la richesse. C’est donc bien le potentiel de croissance du pays qui se réduit.
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L’économie britannique a perdu en efficacité
Visiblement, le pays est aussi devenu moins intéressant pour les investisseurs depuis qu’il s’est coupé de ses partenaires européens. C’est le sens qu’il faut donner à la baisse des flux des capitaux entrants nets. Depuis 2016 (date du referendum sur le Brexit), ils sont en baisse. Même si l’année de référence est un peu trompeuse, car liée en partie à un petit nombre de mégadeals, le mouvement est à la réduction.
Autre marqueur des difficultés, l’évolution des cours boursiers jusqu’en décembre dernier. Le rapport entre le « footsie » l’étalon britannique et l’Euro Stoxx 50, l’indice synthétique des places européennes depuis juin 2016 dévoile bien une sous-performance de la City, avec en arrière-plan une profitabilité plus faible des entreprises britanniques.
Enfin, le rêve du « Global Britain », ce reploiement des exports, notamment en direction du « Commonwealth », demeure encore au stade du slogan. Face à la demande qui leur est adressée, les entreprises britanniques continuent de perdre des parts de marché et aucune substitution des exports britanniques de l’UE vers le grand large ne se dessine, ou pas encore. Finalement, le déficit extérieur demeure abyssal et représente plus de 7% du PIB.
Bref, l’économie britannique a perdu en efficacité. Mesurée par le rapport entre PIB et la population en âge de travailler, la performance de l’économie britannique décroche par rapport à la zone euro alors qu’elle faisait jeu égal avant 2016. Pris au piège de l’isolement, face à une conjoncture qui se dégrade, le Royaume-Uni est sur le fil du rasoir voire en voie d’appauvrissement.
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