L'écume d’une déclaration XIV.

L'écume d’une déclaration XIV.

Peut-être ne cherchait-elle pas ce dont elle avait besoin, elle cherchait peut-être une apparence, un objet, être enfermé dans une représentation, elle cherchait peut-être une présence ou le reflet de se sentir comprise dans un monde insensé, alors peignant les désirs en noir et blanc pareil au gout d’une larme salée venu effleurer le coin des lèvres, elle cherchait à savoir ce qu’elle désirait, mais éprise d’une certaine envie de chaleur parce que la chaleur humaine pareille à un feu de bois dans la cheminée a cette intensité qui donne à la vie le confort d’aimer comme quand on croque dans un fruit, un fruit révélant les gouts exquis, dont même en parler et écrire des pages et des pages ne suffirait à faire le tour, elle semblait préférer tout de même la compagnie à la triste solitude parce que la négativité était une réalité qu’il ne fallait pas trop rappeler, elle avait peut-être envie d’un peu de folie mais son visage était fermé, elle semblait déçue comme si avant qu’une histoire ne commence, l’histoire était condamnée, alors désillusionné parce que peut-être était-elle trop éponge devant l’anxiété d’un monde livré aux sombres actualités, oubien que peut-être avait-elle l’expérience des échecs, elle croyait sans trop d’intérêts à une histoire sans trop y croire, alors à la merci de ce jeu dont elle tirait les ficelles parce qu’elle battait les cartes, j’attendais une suite, un carré, une quinte flusch, ou même plus, mais sans beaucoup d’espoirs elle faisait preuve d’attention, elle riait et souriait, des amis arrivaient et les impressions tissées orchestraient le motif véritable qui n’empêchait pas de revenir sur des sujets ennuyeux, alors assis autour de la table, les humeurs s’enflammaient et sous les couleurs jaune et verte des faisceaux lumineux, la conversation était le mot valise ou on y rangeait plein de choses comme par exemple la recherche d’un logement, le planning du week-end, les connaissances à présenter, le temps qu’il fera demain ou le droit d’envoyer chier l’autre, alors dans ce brassage ou chacun racontait ce qu’il lui passait par la tête, le thé était servi, la serveuse discrète semblait lire nos âmes pour rappeler de garder une certaine retenue et les échanges consommés, soudain tout le monde disparaissait, alors lorsque tout le monde quitta les lieux nous étions à nouveau tous les deux assis sur la banquette à regarder le spectacle de la vie, les gens commandaient à la caisse des cigarettes, d’autres des jeux de loteries, et les piliers de comptoirs debout au bar s’exclamaient de surprise quand un client arrivait et leur remettaient une bouteille de champagne dans la main, l’objet de désir réveillait l’appétit de toutes les convoitises, alors elle me pressait la main avec douceur et je me perdais dans ces yeux, et sans doute nous figurions nous des choses sans même avoir l’idée de les réaliser.

Le brouhaha couvrait le silence et noyé au milieu de tout ce beau monde, nous semblions être l’île déserte isolée au milieu de l’océan ou la solitude nous emportait comme un désir demande à germer pour que le rêve se concrétise, nous nous imaginions ce qu’il serait incroyable de faire par amour, mais aussitôt d’autres pensées nous distrayaient, il m’était insupportable de devoir la quitter, d’être seul éloigné d’elle, de penser ne pas être à la hauteur de ses attentes, de rester sans présence loin de ses rires, de ne pas la comprendre, et plus encore qu’elle soit là et de la voir avec un autre, ou de ne pas la voir autrement que dans un miroir, j’attendais d’être heureux en découvrant quelques-uns de ses secrets, j’éprouvais les remords des péchés qui lorsque passant à côté d’une occasion d’éclairer son visage, le regret me saisissait de ne pas ouvrir le passage, alors dans le tumulte des allées et venues, son coup d’œil me rassurait et les démons inquiets fuyaient devant les sarcasmes tranchants, mon cœur vibrait sous son aile et elle ouvrait les yeux, j’étais l’homme qui marchait grâce à elle.

Dehors le temps était splendide, le ciel bleu chassait les nuages et elle me tirait vers la sortie pour se balader dans la rue.

Devant le passé vertigineux ou nos âmes comptaient les mésaventures, le grand air nous libérait, la marche délivrait nos pensées et peut-être trahissions-nous l’idée d’un désir physique, et que pour y arriver on prenait le chemin de l’école et la confusion se mêlait aux doutes, et devant l’abîme qui semblait gigantesque, nous tentions des variations, peut-être était-ce de l’hypocrisie comme le mot love à l’envers se dit vélo, c’était peut-être deux sens qui figuraient que quoi qu’il arrive c’était galéré, alors à tenter des allocutions comme par exemple des phrases non dites qui voulaient dire beaucoup, des subjections qui ouvraient le champ de l’imaginaire, des sous-entendus nous rassemblant autour de codes communs, et malgré cela ne sachant pas piquer au vif le poisson dans la rivière pour le remonter dans les filets, ne sachant pas décrypter les messages dont elle-même peut-être ignorait, elle se résignait de croire que rien ne pouvait être changé, peut-être était-ce la répétition d’une répétition, ou un nouveau dessein avant que la nuit arrive, elle me demandait ce que je voulais faire en m’affirmant que je ne le savais pas et que je le comprendrais plus tard, de la fumée crachait de l’égout d’un trottoir, le cliché digne d’une photo new-yorkaise nous subjuguait, quelques voitures klaxonnaient devant les travaux qui bouchaient l’artère, le style de certains citadins était empreint de poésie, la rue animée était le spectacle d’une toile abstraite, et l’esprit baigné de béatitude, je rêvassais à me dire que les instants ne durent jamais dans le partage des plaisirs.

Le désordre venait tout chambouler quand elle me demanda le temps que j’avais mis pour la rejoindre au café, et dans un cas une demi-réponse aurait suffi, dans l’autre cas j’étais curieux que cette question l’intéresse, elle si clairvoyante qu’elle s’arrête sur un détail à la place de tendre la perche pour ouvrir l’horizon sur de nouveaux chemins, peut-être était-ce une fausse idée de vouloir orienter parce qu’il n’y pas de moment parfait, alors croire que le vice puisse la guider, la connaissant, je ne pouvais le concevoir.

La racine prenait terre, la plante grandissait, l’heure tournait et la paix semblait guérir nos douleurs, nous étions errants comme des brebis à tenter de démêler ce qui paraissait vain, par exemple un manque à combler parce que le vide prodigieux ne pouvait remplir tous nos désirs, ou vivre la vie comme une histoire et non comme un but à atteindre, elle me racontait avec passion ses joies et déceptions, et je trouvais étrange que devant le goût de la victoire de faire de plusieurs échecs une réussite, elle trouvait navrant d’avoir honte d’être une combattante, et que sûrement elle aurait mieux fait si elle rendait une nouvelle copie, je n’osais la contrarier, j’avais peur qu’elle s’ennuie mais c’est qu’elle n’avait pas beaucoup dormi.

Comment ne pas écouter la pluie tombée quand éloigné de ce qui nous rapprochait, la bataille se figurait démesurée en nombre et en moyens, et qu’à deux contre dix, malgré tout j’avais foi ! 

Je tentais de l’éclairer à lui dire que les vrais paradis sont ceux qu’on a perdu, que tout le spleen déversé pour tenter d’assouplir une amer réalité à dire des choses qui ne vont pas toujours dans le bon sens serait le pansement recouvrant les blessures d’une triste époque, que nous sommes gouvernés par des capitalistes, que le système est bancal, qu’il n’y a plus d’espoir et que tout finira mal, que le monde est immoral, que l’amour est illusion que c’est un mot qui ment à longueur de journée, c’étaient les motivations d’humains devant le spectacle de structures hiérarchiques, une bougie s’envolait au ciel, il ne servait à rien de s’alarmer car rien ne pouvait être considéré comme acquis, que les choix dépendaient d’elle et que lucide devant toutes les horreurs de ce monde le chemin serait moins pénible, et que si elle suivait le soleil même au bord du ravin devant les craintes des lendemains, c’était un peu plus de lumière dans la nuit, que les ombres sont les reflets d’un mal persistant comme l’insecte xylophage mange le bois de l’intérieur, et qu’ayant conscience des problèmes, le ciel resterait sans nuages.

La vie n’était peut-être qu’un long rêve, j’essayais de lui épeler cette bible mais rattrapé par la réalité, l’amour prenait la voie de l’indicible, c'est-à-dire quelque chose de ressenti sans pouvoir être touché, nos corps se parlaient mais nos esprits étaient ailleurs, il manquait le lien entre le corps et l’esprit, cette chose vers laquelle on tendait et qui nous échappait, une osmose, une aura, un feeling, des sourires, des caresses, des mots doux, des mots d’amour, nous donnions cette chose sans l’avoir espérant l’attraper, elle emplissait nos natures fauves mais le mystère restait insondable, nous cherchions à deviner l’énigme, la cascade coulait parmi une sauvage nature et devant les naufragés qui cherchaient le réconfort nous gardions les même attitudes, les obscurs abîmes recouvraient les nuages d’un ciel gris, on n’osait pas prendre le risque de respirer pleinement peut-être par courtoisie, par respect ou par humilité, mais les faits c’est que rongé par les instants qui courraient et fuyaient vers le gouffre plutôt que l’horizon, on se satisfaisait de ce goût salé sans bruit ni gloire, la barque cheminait sur une mer qu’on espérait voir sans avoir le courage de l’affronter, la passion nous emportait mais noyé dans les tentations superficielles d’un style marqué mais dont l’empreinte effrayait l’ampleur de nos désirs, les vents enflaient les voiles du navire, la houle soufflait et perdu dans les reflets de sa parure qui brillait de mille feux étirant les longues gouttes structurées de diamants, je restais les yeux ouverts perplexe devant les marasmes du monde et de nos amours chastes.      

                 

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