L'équation secrète de la motivation
Illustration par Agnès Payraudeau

L'équation secrète de la motivation

Oui, l'article de cet article est un peu "piège à clic" pour le dire sans vulgarité, car pour parler de motivation inutile d'avoir recours à des croyances ésotériques, s'appuyer sur la science suffit.

Comment définir la motivation ?

La motivation peut se définir comme le processus qui définit l’engagement qu’aura un être vivant à la réalisation d’une action ou activité précise.

Le processus de motivation va ainsi définir le déclenchement de l’action, mais aussi le niveau d’intensité qu’aura l’individu dans cette activité et son maintien jusqu’à son aboutissement ou son interruption.

Il existe de nombreuses théories économiques et managériales autours des mécanismes de motivation. Mais nous pouvons, schématiquement, distinguer chez l’Homo Sapiens, deux types de motivation : la motivation extrinsèque et la motivation intrinsèque.

Extrinsèque vs Intrinsèque

La motivation extrinsèque désigne le processus de réalisation d’une action provoquée par une circonstance extérieure à l’individu (récompense, punition, pression sociale...).

La motivation intrinsèque désigne elle le processus de réalisation d’une action fondée uniquement par l’intérêt et le plaisir que l’individu trouve à l’action, sans attente de récompense externe.

La science s’est intéressée ces dernières décennies à ces mécanismes de motivation et à la manière dont elles rendaient l’être humain plus ou moins performant selon les types de tâches réalisées.

Il en ressort ce résultat majeur dans une perspective managériale : la motivation extrinsèque est particulièrement performante lorsqu’il s’agit de faire faire à un être humain des tâches mécaniques qui nécessitent peu de fonctionnement cognitif. En revanche la motivation extrinsèque devient contre-productive lorsqu’il s’agit de conduire des tâches qui nécessitent un fonctionnement cognitif même rudimentaire.

Les mécanismes de la motivation extrinsèque se sont probablement façonnés car ils ont permis à l’Homo Sapiens d’être performant dans certaines tâches essentielles à sa survie, courir après une proie, monter à un arbre pour ramasser un fruit… Pour cela les mécanismes de la motivation extrinsèque semblent « couper » les fonctions cérébrales non essentielles, pour concentrer l’énergie du corps sur les fonctions mécaniques et motrices nécessaires à la réalisation performante de l’action en question.

Ce mécanisme devient cependant, assez logiquement, inefficace lorsqu’il s’agit de conduire des actions ou activités qui nécessitent justement de mobiliser des capacités cognitives. Ici, ce sont les mécanismes de la motivation intrinsèque qu’il va falloir actionner. La recherche ayant démontré que motivation extrinsèque et motivation intrinsèque ne peuvent se mobiliser en même temps.

L’équation de la motivation intrinsèque

La science s’est intéressée aux mécanismes d’émergence de la motivation intrinsèque. Le résultat de ces recherches peut se résumer de la manière suivante :

Motivation Intrinsèque = Signification + Maîtrise de l’impact + Autonomie

Ou comme l’expliquait Dan Pink en 2009 sur la scène de la célèbre conférence internationale TEDGlobal : la motivation intrinsèque « tourne autour de trois éléments : l'autonomie, la maîtrise et la signification. L'autonomie : le désir de diriger nos propres vies. La maîtrise : l'aspiration de se surpasser sur quelque chose qui compte. La signification : l'envie de faire ce que nous faisons au service de quelque chose qui nous dépasse. »

Aucun texte alternatif pour cette image

Les 3 leviers de la motivation intrinsèque peuvent se lire et se comprendre également au regard de l’évolution naturelle.

Autonomie : Les individus capables de coopérer tout en faisant preuve d’autonomie ont favorisé la survie de leur groupe et donc la transmission de leurs gènes. L’autonomie, dans une zone de maîtrise, est donc un axe de fonctionnement naturel pour l’être humain. La conséquence managériale est que pour développer la motivation intrinsèque il sera indispensable de développer la liberté d’action des collaborateurs. Liberté d’action qui développera les occasions d’apprentissage et de développement de l’individu et du collectif. D’un point de vue managérial il sera important de relier la notion d’autonomie et de responsabilisation. En parallèle on constate qu’un nombre important de réflexions autour du télétravail ou de la flexibilité organisationnelle (temps/espace/organisations variées) se sont articulées autour de cette idée. La recherche de développement de l’autonomie gagne à expérimenter des modèles en fonctions de l’organisation, de ses spécificités, de sa maturité, de ses collaborateurs, de son histoire.

Maîtrise de l’impact : Les individus capables de s’interroger régulièrement sur l’utilité des actions qu’ils réalisaient ont également favorisé leur survie et celle de leur groupe. Comprendre quel est l’intérêt et l’impact des actions que l’on conduit est également un axe essentiel pour développer la motivation intrinsèque des individus. Le manager doit s’interroger de la manière suivante : l’organisation du travail et la circulation de l’information au sein de l’équipe et de l’organisation, favorise-t-elle la valorisation de l’impact du travail des individus et du groupe ? C’est la raison pour laquelle le manager doit chercher à lutter contre le fractionnement du travail qui complexifie et limite la compréhension de son utilité. En effet, en cherchant à me surpasser sur quelque chose qui compte, je cherche également, en tant qu’Homo Sapiens, à être reconnu par les autres membres de mon groupe. La reconnaissance sociale étant une des sources de dopamine, et donc de plaisir, principale pour le cerveau. Le psychologue William James écrira d’ailleurs « Le principe le plus profond dans la nature humaine est l'envie d'être apprécié. »

Signification : ce qu’on appelle aussi le « sens » est le 3ème levier de la motivation intrinsèque. Ce levier s’appuie sur un fonctionnement cognitif propre à l’Homo Sapiens, les « réalités intersubjectives » qui se sont développées chez notre espèce car elles favorisent la coopération. En effet, l’intersubjectivité, c’est l’idée que les hommes sont des sujets pensants capables de prendre en considération la pensée d’autrui dans leur jugement propre. Dans leurs échanges et partages, les humains ont construit tout au long de leur histoire des réalités intersubjectives qui leur ont permis de se coordonner et de coopérer. Une pièce de monnaie en est un exemple. Lorsque j’échange avec un commerçant une pièce d’un euro contre un produit que je lui achète, cet échange ne fonctionne que parce que lui comme moi attribuons une valeur subjective à cette pièce qui dépasse le simple morceau de métal que l’on a devant nous. Le dollar et l’euro fonctionnent comme systèmes monétaires uniquement car nous sommes des milliards à croire en leur valeur. Il en va de même de la religion, des lois, des droits de l’homme, des organisations ou encore des nations. Cette capacité à créer des réalités intersubjectives n’est pas apparue par hasard dans l’histoire du développement humain, mais a été retenue par la sélection naturelle et la culture humaine car elle offre la capacité de collaborer en très grand nombre. C’est l’apparition de ces réalités intersubjectives dans l’histoire de la lignée humaine qui lui ont permis de devenir une espèce capable de coopérer à grande échelle. Tandis que nos cousins les chimpanzés ne peuvent former que des groupes de quelques dizaines d’individus, nous sommes capables de faire coopérer des milliers d’individus. Pourquoi ? Tout simplement car la coopération chez le chimpanzé se construit sur une connaissance intime de chaque individu du groupe, alors que la coopération humaine se fonde sur notre capacité à partager et nous référer à des histoires, des croyances et des mythes communs. Nous n’avons pas besoin de nous connaître intimement pour coopérer, il nous suffit de partager une vision commune et de nous référer aux mêmes valeurs ou aux mêmes règles pour donner du sens à nos actions et à nos pensées. Le corollaire managérial est que pour développer la motivation intrinsèque des individus au sein d’un groupe, un manager sera attentif à partager et valoriser régulièrement une vision cohérente de la direction et du sens du travail conduit ensemble. Les Homo Sapiens sont animés par cette recherche intérieure qui les pousse à vouloir se mettre au service de missions plus grandes qu’eux et à se réaliser personnellement en conduisant ces missions.

Toutes les références sur lesquelles s’appuient les paragraphes précédents sont à retrouver dans Manager Sapiens, De Boeck Supérieur, 2021

Gaëlle THEVENET

Marre de galérer à trouver des clients? Regarde la masterclass pour développer ta clientèle en un temps record! Clique juste ci-dessous 👇

2 ans

Merci Cyril de Sousa Cardoso pour cette synthèse passionnante! J'en déduis que vous êtes en accord avec cet auteur ?

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets