L'évolution du capitalisme
Même si des éléments spécifiques le distinguent clairement du féodalisme, le capitalisme n’en demeure pas moins polymorphe, car il n’y a pas un capitalisme mais des capitalismes dans la mesure où non seulement il diffère d’un pays à l’autre mais il diffère également dans sa composante au cours du temps.
D'abord...ce qui distingue le féodalisme du capitalisme...
Le capitalisme commercial de la Renaissance
A la fin du Moyen-Age jusqu’au 18e siècle, l’époque est caractérisée par de nouvelles idées, de grandes découvertes, des expéditions, la colonisation et l’exploitation des richesses des pays conquis.
Les négociants, les bourgeois commerçants, les marchands commencent à s’enrichir en faisant du négoce à travers le monde (Route de l’Amérique et de l’Inde). Des capitaux sont investis dans la transaction de marchandises exotiques. Cependant le négoce est soumis au contrôle des gouvernements nationaux qui cherchent à enrichir l’Etat, au nom de la doctrine mercantiliste.
Il s’agit dans un premier temps du capitalisme commercial. Parallèlement c’est la naissance de l’économie en tant que discipline autonome, la naissance de l’économie politique (vue dans le précédent chapitre). La Richesse est désormais justifiée et honorée et les questions éthiques ne sont plus la priorité…
Le capitalisme industriel du 18e siècle
Le courant du 18e siècle est marqué quant à lui, par le développement du progrès technique, par la première révolution industrielle. La machine à vapeur vient révolutionner les méthodes de production, l’organisation du travail et accroître la quantité produite ainsi que la productivité. Une nouvelle forme d’organisation économique apparaît autour de l’entreprise capitaliste et de l’entrepreneur. Le capitaliste, celui qui détient le capital, les moyens de production, est l’entrepreneur. Cette nouvelle classe investit non plus dans la marchandise mais désormais dans le capital (les machines) et dans le travail pour faire tourner l’entreprise, pour produire, créer de la richesse. C’est la naissance du capitalisme industriel et d’une autre nouvelle classe, les ouvriers industriels.
Au 19e siècle avec la seconde révolution industrielle, ce capitalisme va connaître une expansion non seulement européenne mais également internationale. Ce développement de l’activité économique a été encouragé par les thèses libérales de l’école classique en faveur du laisser-faire, de l’initiative individuelle et d’une restriction des interventions de l’Etat dans les affaires économiques.
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Le capitalisme moderne du 19e et 20e siècle
Au 19e et 20e siècle, le capitalisme change de visage avec le développement du commerce international et la seconde révolution industrielle, les capitaux affluent en Europe et aux Etats-Unis. Nous passons au capitalisme des grands groupes industriels et financiers, soit au capitalisme moderne. C’est le triomphe de la grande entreprise et le début du processus de mondialisation. La seconde révolution industrielle marquée par le progrès, contribue à l’accroissement des coûts des équipements des entreprises donc des montants investis par les entrepreneurs. Ceux-ci devront produire davantage pour rentabiliser ces investissements et de fait les tailles des entreprises vont augmenter. Le développement des industries métallurgiques, de la chimie, de l’exploitation pétrolière suppose des capitaux colossaux qu’un seul entrepreneur, propriétaire, ne peut mobiliser pour investir. Les entrepreneurs individuels font place aux actionnaires privés pour investir dans le capital des grandes entreprises capitalistes. La grande firme appartient à ses actionnaires. Le capitaliste devient l’actionnaire. Ces mouvements ont été encouragés par le courant néoclassique.
Le néo-capitalisme
Le capitalisme va connaître des périodes de crises (crise de 1929, période de l’entre-deux-guerres) remettant en question ses fondements libéraux, l’autorégulation par le marché. Les mécanismes de marché n’étant plus suffisants pour assurer la prospérité, l’intervention de l’Etat devient une aubaine pour sortir l’économie du marasme. Des politiques économiques vont se mettre en place pour relancer l’économie, la croissance, ainsi que des politiques sociales pour protéger les individus en cas de détérioration des conditions de vie (maladie, vieillesse, chômage) assurant ainsi une redistribution effaçant les effets inégalitaires du marché. C’est la naissance de l’Etat providence. Ces thèses seront théorisées par John Meynard Keynes, présenté dans le chapitre précédent. Le capitalisme prend une nouvelle forme, articulé à partir d’un système d’économie mixte, à la fois régulé par le marché et par l’Etat.
Le capitalisme ultralibéral
Cependant, ce mode de fonctionnement ne sera pas non plus sans faille, dans la mesure où malgré les interventions de l’Etat, le capitalisme connaîtra de nouvelles crises, permettant ainsi aux thèses libérales de resurgir dénonçant la responsabilité des différentes contraintes étatiques (la hausse des impôts, la fixation d’un salaire minimum augmentant le coût du travail…).
C’est à partir de la fin des années 1970 et au début des années 1980 que le capitalisme va revenir à ses fondamentaux, celui du laisser-faire, largement encouragé par les figures politiques du moment aux Etats-Unis avec Ronald Reagan et en Angleterre avec Margaret Thatcher.
Aujourd’hui il s’agit d’un capitalisme non seulement moderne mais également mondialisé, qui s’est accéléré depuis le début du 20e siècle sous l’effet des politiques de libéralisation, encouragées par les thèses néolibérales, menées dans la plupart des pays et orchestrés par les grandes organisations internationales (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International, Organisation mondiale du commerce). Ces politiques cherchent à réduire le rôle des politiques publiques, le rôle de l’Etat, afin d’accroître le rôle du marché et éliminer les obstacles à la libre circulation internationale des marchandises, des services et des capitaux. Il s’est déployé grâce à la finance internationale et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Pour l’économiste français Michel Aglietta, nous assistons au développement d’un « capitalisme patrimonial » appelé également « capitalisme actionnarial » ou « nouveau capitalisme », il est caractérisé par le primat du point de vue de l’actionnaire dans la gestion des entreprises, par l’imposition de normes de gestion et de résultats à court terme privilégiant la logique financière, par une transformation profonde de l’organisation de la production (flexibilité, externalisation, …) et de nouvelles relations salariales (individualisation de la relation au travail, recul de la négociation collective,…). Il tendrait à imposer sa logique dans l’ensemble des pays en raison de la globalisation financière en rendant l’économie plus instable et plus propice aux crises compte tenu des risques liés à la logique spéculative et court-termiste.
Cependant, cette logique conduit au fur et à mesure à une hypertrophie incontrôlée des marchés financiers lancés dans une recherche du profit alliant des prises de risques inconsidérées et une déconnexion des réalités économiques.