L'évolution du modele bancaire a l'ére du digital
L’évolution du modèle bancaire à l’ère du digital
La démocratisation d’internet et des terminaux mobiles au début des années 2000 a entraîné de nouveaux comportements et de nouvelles habitudes de consommation. L’impact sur les banques, actrices centrales de l’économie, a été considérable.
En un peu plus d’une décennie, c’est une véritable lame de fond qui s’est abattue sur les acteurs du secteur bancaire, les condamnant à s’adapter rapidement pour survivre et rester compétitifs.
Tour d’horizon sur les conséquences de la révolution digitale sur le secteur bancaire, le nouveau modèle mis en place par les établissements et les perspectives d’avenir.
Les banques et la révolution digitale
Lorsque le web est apparu à la fin des années 90, il était difficile d’imaginer à quel point internet allait bouleverser en profondeur l’écosystème des entreprises et les habitudes des consommateurs. En quelques années, les banques - comme d’autres industries - ont vu leur business model être fortement impacté.
De nouvelles menaces sont apparues pour les établissements financiers :
- L’évolution des comportements : ultra connectées, de plus en plus de personnes utilisent les services de canaux à distance mis à disposition par les banques pour effectuer certaines des opérations de base (consultation des comptes, virements, paiements…). Dans cette nouvelle relation, le conseiller perd de son importance face à son client.
- L’émergence d’une nouvelle concurrence : le digital a facilité l’apparition de nouveaux acteurs qui sont venus disrupter les établissements financiers traditionnels. Cette concurrence s’est accélérée avec la multiplication des appareils nomades. Leurs points forts : des tarifs attractifs et des plages horaires élargies 6/7 jours, parfois jusqu’à 22h00.
- Un meilleur accès à l’information : selon un sondage publié par le cabinet Deloitte, 32 % des Français considèrent en savoir davantage que leur conseiller en matière de gestion de budget.
- La perte de certains monopoles : dernière menace en date pour les établissements financiers traditionnels : l’émergence des Fintech. Ces start-ups spécialisées dans les technologies financières se concentrent généralement sur des offres de produits et services bancaires à faible réglementation et à fortes marges (moyens de paiement...).
Ces nouvelles menaces ont eu comme premier effet la baisse significative des commissions et du trafic en agence, qui serait d’environ 30 % sur les deux dernières années. 20 % des 38.000 agences bancaires en France ne seraient plus rentables (soit 1 sur 5). Conséquence, 1.200 agences ont fermé depuis 2008 et 1.140 agences supplémentaires devraient baisser le rideau d’ici fin 2017.
Un nouveau modèle bancaire
Avec la perte de plusieurs monopoles et la baisse du trafic en agence, le constat n’est guère réjouissant pour les banques ! Néanmoins, il reste quand même un point positif majeur : la résistance du modèle classique " brick and mortar".
Les clients veulent en réalité le meilleur des deux mondes, physique et digital, avec des contacts en agence moins fréquente, mais à plus forte valeur ajoutée.
Des études montrent qu’environ 80 % des digital natives souhaitent un contact avec un conseiller. Les clients veulent une nouvelle relation "à la carte" avec leur banque. Pour les opérations du quotidien, les utilisateurs préfèrent leur smartphone ou tablette. En revanche, pour les produits et services engageants, ils préfèrent garder une relation physique avec un conseiller.
Le besoin du contact humain, mais aussi la sécurité et la confiance, restent fondamentaux. À ce titre, les banques disposent d’un avantage par rapport aux nouveaux entrants (même si ces " pure players" appartiennent aussi parfois à de grands groupes bancaires).
Face à ce constat, elles se sont remises en question et ont dû s’adapter. Elles ont bien compris une chose : les banques n’ont pas besoin de stratégie digitale… mais de digital dans leur stratégie !
Le public désertant les agences, il est impératif de le (re)conquérir en le rejoignant là où il se trouve : derrière son écran. Les banques exploitent pour cela plusieurs nouveaux canaux tels que les e-agences ou les applis bancaires...
En parallèle, elles continuent d’avoir des agences, mais de façon réduite et différente. De nouveaux concepts ont ainsi fait leur apparition, avec des espaces plus conviviaux pour se recentrer sur le conseil et faire la part belle aux nouvelles technologies.
C’est la naissance d’un nouveau modèle : la banque à distance sans distance.
Les enjeux de demain
Le fait d’être "bousculé" a une vertu essentielle, celle d’être obligé de sortir de sa zone de confort. Ainsi, les changements qui ont été mis en place (comme la signature électronique des documents) étaient inimaginables il y a encore quelques années.
Les banques ont fait beaucoup d’efforts malgré un contexte économique difficile qui perdure depuis la chute de Lehman Brothers en 2007. Elles ont réussi à bâtir de nouveaux modèles, de nouvelles offres pour s’adapter à de nouvelles attentes. Mais elles doivent encore aller plus loin. Les banques ne doivent pas vivre une simple évolution, mais une révolution.
Chaque banque a dorénavant l’obligation de se positionner comme un partenaire qui accompagne tout au long de la vie (événements familiaux, études, projets, création de société, etc.). Dans cette relation, il faut penser "Client" et non "Produit". L’objectif est de fidéliser sa clientèle en étant l’interlocuteur privilégié à chaque étape de son existence. Le conseiller reprend alors toute sa place, avec un rôle accentué d’écoute et de conseil.
D’autres défis attendent encore les banques dans le futur (Blockchain, monnaie virtuelle type Bitcoin, cybersécurité, intelligence artificielle...). Leurs récentes acquisitions dans le secteur des Fintech témoignent de leur volonté de les relever. En revanche, il existe deux contraintes majeures qui pourraient freiner leur avancée :
- Contraintes réglementaires : nul doute que le législateur sera particulièrement attentif aux nouvelles évolutions mises en place par les banques. Idem concernant le traitement des données issues du Big Data dans le respect de la Loi Informatique et Libertés.
- Contraintes humaines : autrefois, on demandait aux grands dirigeants de banques d’être de bons gestionnaires. Aujourd’hui, ces dirigeants doivent être également des visionnaires et inventer la place de la banque dans le monde de demain. Devenir "digital addicts" est une des conditions de leur réussite, ainsi que celle de leurs équipes.
Oser l’ouverture globale au digital
Le risque fait partie de l’ADN des banques. Prudentes, elles le sont donc par nature. Ainsi, en interne, certaines Directions Informatiques se montrent encore frileuses face aux enjeux et aux défis liés au digital, car ces technologies sont nouvelles et les collaborateurs ne sont pas encore tous bien formés.
Il est toutefois absolument nécessaire pour elles d’oser l’ouverture globale au numérique afin d’éviter le "syndrome Kodak" ou de se faire ubériser par de nouveaux acteurs.
Les banques auront besoin d’idées neuves pour les aider à transformer leur modèle, car les Fintech contraignent les acteurs historiques du secteur bancaire et financier à réaliser rapidement leur mue digitale. Leurs investissements dans ces start-ups nouvelle génération sont une des clés qui leur permettront de poursuivre leur croissance, ces jeunes pousses leur apportant l’agilité dont elles ont besoin.
Le maintien dans la course des banques passera également par la mise en place de nouveaux canaux d’acquisition, l’amélioration de la relation client, l’optimisation de la gestion du risque par le biais du Big Data, ou encore la mise en place de nouveaux services innovants.
Les banques devront aussi former leurs collaborateurs et orienter leur politique RH, afin d’attirer les talents qui les aideront dans la construction de ce nouveau modèle.
La banque du futur est en marche. Les établissements financiers réussiront pleinement ce challenge si elles savent tirer les leçons du passé, concrétiser le présent et anticiper le futur.
Fabrice Lamirault, chef de projet communication digitale dans le secteur bancaire, est l'auteur du livre blanc « L'évolution du modèle bancaire à l'ère du digital »