La Banque d'Angleterre vole au secours de la dette Britannique - Les Echos 29/09/2022
La BoE va racheter des obligations d'Etat en se concentrant sur celles à plus long terme. Elle vise un retour à la normale sur les marchés, après l'onde de choc du plan de baisse d'impôts britannique.
On attendait une hausse de taux massive, mais c'est au contraire un soutien au marché obligataire qu'a annoncé la Banque d'Angleterre (BoE) mercredi en fin de matinée. La banque centrale britannique va acheter de façon illimitée des obligations d'Etat, en se concentrant sur les maturités les plus longues. L'objectif : ramener le calme sur un marché obligataire en déroute depuis l'annonce du plan massif de réduction d'impôts annoncé par le gouvernement. Le taux à 10 ans du Royaume-Uni avait ainsi bondi de 110 points de base en 5 jours pour atteindre 4,55 %, son plus haut niveau depuis 2008.
Les marchés s'inquiètent de cette réforme qui risque d'alimenter une inflation déjà difficile à contrôler. Elle poussera fatalement la BoE à durcir encore plus fortement sa politique monétaire. Cette hypothèse a été confirmée par Huw Pill, économiste en chef de la BoE, mardi après-midi. L'annonce a provoqué une nouvelle poussée de fièvre sur les taux européens depuis la fin de la semaine dernière. La BoE va donc acheter à tour de bras des obligations d'Etat britanniques, « avec l'ampleur nécessaire » pour redonner de la sérénité au marché, selon le communiqué de la banque centrale. Les investisseurs vont ainsi trouver un acheteur de dernier ressort pour leurs titres de dette, ce qui, par ricochet, fera retomber les taux.
Limités dans le temps
Mais, avertit la Vieille dame de Threadneedle Street, ces achats, seront « ciblés » et « limités dans le temps ». Pas question de relancer un programme d'achat massif (QE) auquel la BoE avait mis fin en février. Mais elle reporte au 1er novembre les cessions d'obligations qui devaient permettre de réduire son bilan. « La BoE fait le grand écart entre des hausses de taux pour faire retomber l'inflation, et des achats d'actifs qui sont par nature inflationnistes. C'est se tirer une balle dans le pied »,analyse un bon connaisseur de la politique monétaire. Autre précision, cette opération sera « indemnisée à 100 % par le Trésor britannique ». Autrement dit, les éventuelles pertes lors de la revente des titres seront compensées par le gouvernement.
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Les premières enchères pour racheter les titres ont commencé mercredi et devraient se poursuivre jusqu'au 14 octobre. L'annonce a entraîné une spectaculaire détente sur le marché des Gilts. Le taux britannique à 30 ans, qui avait atteint mardi son plus haut niveau depuis 12 ans, a perdu 115 points de base pour redescendre à 3,9 %. Le 10 ans évoluait à 4,04 %, en baisse de 45 points de base.
Menace sur les fonds de pension
Les opérations d'achat auront lieu quotidiennement, et porteront sur des titres d'une maturité supérieure à 20 ans. Le montant total acquis chaque jour sera de 5 milliards de livres sterling soit, sur l'ensemble de la période, 65 milliards de livres. « Ces chiffres correspondent aux 62 milliards de livres d'émissions de Gilts supplémentaires rendus nécessaires par le mini-budget [le plan d'allègement fiscal, NDLR] », souligne Antoine Bouvet chez ING.
La BoE a justifié son intervention par le besoin de préserver la stabilité financière. Une formule un peu sibylline qui vise notamment le séisme financier qui menaçait depuis quelques jours la solvabilité des grands fonds de pension britanniques. Ces derniers versent aux retraités des indemnités fixes, qu'ils assurent en utilisant des fonds spécifiques ayant un recours très important aux produits dérivés.
Or, avec la très forte hausse des taux, les contreparties - principalement des banques d'affaires - ont multiplié les appels de marge pour augmenter la somme qui doit être apportée en garantie d'une transaction. Ce qui, par ricochet, a entraîné une importante sortie de cash des fonds de pension, mettant à mal leur trésorerie. Il y avait donc un risque que ces institutions financières ne puissent faire face à leurs obligations. Ou qu'elles soient contraintes de céder massivement des titres de dette sur le marché, au risque d'amplifier ainsi la hausse des taux. La BoE a donc voulu casser ce cercle vicieux. Le fait qu'elle cible des titres longs, dont les fonds de pension sont friands, confirme une telle hypothèse. Guillaume Benoit