La bibliothèque 2.0 : une histoire d'argent ?
La gestion économique des bibliothèques est confrontée aux évolutions des comportements des usagers et au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les bibliothèques doivent s’adapter à ces changements tout en continuant à répondre aux exigences attendues d’une bibliothèque traditionnelle. Le partage des ressources financières est désormais déterminé par de nouvelles missions confiées aux documentalistes: numérisation des ouvrages, acquisition de livres et périodiques électroniques, achat d’accès à des bases de données spécialisées, etc.
Le remplacement de la bibliothèque traditionnelle par la bibliothèque numérique est-il vraiment envisageable ?
Selon l'enquête annuelle menée par le service du livre et de la lecture du ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre de l'Observatoire de la Lecture Publique, en 2010, seul 1% du nombre total de bibliothèques disposait d’un fonds de livres numériques.
L'offre éditoriale numérique
En augmentation constante depuis ces dernières années, elle se caractérise par son côté protéiforme : 20 à 25 plateformes existent dans le monde, correspondant à autant de modèles économiques différents. Les éditeurs et agrégateurs sont actuellement à la recherche de modèles cohérents et en phase avec leur public, lui aussi en devenir. Les groupes français les plus notoires sont EDP Sciences, Elsevier ou encore Lavoisier. Les modèles économiques de distribution sont très diversifiés.
Quatre modèles sont mis en évidence dans l’offre des livres numériques.
1. La possibilité de télécharger l'ouvrage ou la consultation en ligne sur site ou à distance
La possibilité de télécharger l’ouvrage est soumise à la destruction automatique du fichier de lecture après une certaine période fixée par l’éditeur. La lecture en ligne impose soit une présence physique dans la bibliothèque, soit une connexion à Internet.
2. La licence illimitée ou limitée
La licence illimitée est l’équivalent de l’achat du livre en version papier. La bibliothèque dispose du document électronique et est responsable de son utilisation. Pour la version limitée de la licence, elle conserve souvent une restriction de temps (souvent une année), de prêts (un nombre maximum de prêts par document) ou du nombre d’utilisateurs simultanés qui consultent le livre.
3. Le choix des ouvrages titre à titre ou sous forme de "bouquet"
L’offre sous forme de bouquet limite la capacité d’action du bibliothécaire. La cohérence des contenus est souvent mise en cause. Cependant, ce modèle offre l’avantage de constituer rapidement un fonds numérique sans une expertise pointue.
4. Le paiement forfaitaire par la bibliothèque ou le paiement à l'usage
Finalement, le paiement forfaitaire par la bibliothèque ou le paiement à l'usage représente l’option la plus naturelle dans cette panoplie d’offre. Cependant, ce modèle est très peu en vogue chez les éditeurs car il déséquilibre la relation entre l’offre et la demande.
En effet, d’une part, cette option offre une possibilité d’exploitation de l’œuvre par un nombre illimité d’usagers. L’acquisition de plusieurs exemplaires par un même établissement est remise en cause, ce qui contrarie les aspirations commerciales des fournisseurs.
D’autre part, les livres électroniques ne se dégradent pas. Une fois acquis et conservé avec soin, un e-book ne sera, en principe, ni perdu, ni endommagé. Cet atout pour la bibliothèque est également source de pertes économiques pour le fournisseur qui ne pourra revendre ce livre à l’avenir.
Pourquoi le numérique est-il aussi chère que le papier ?
Le prix de l’e-book est encore conditionné par la version papier, remisé ou augmenté selon les modèles (-25 % à +55 %). Le développement technologique n’a pas diminué les coûts d’acquisitions en matière de livre. Des paramètres pris en compte par les fournisseurs peuvent augmenter le prix du livre électronique comparé à la version papier : l’autorisation de plusieurs accès simultanés, un grand nombre d’utilisateurs potentiels de l’ouvrage ou encore des frais de mise en ligne sur la plateforme de la bibliothèque. Tous ces aspects commerciaux ont découragé beaucoup de bibliothèques de la tentation des ressources électroniques.
Les évolutions des usages modèlerons le développement des collections numériques. Cette mutation pourrait être accélérée si les fournisseurs développaient l’offre numérique qui reste trop restreinte par des logiques commerciales. Avec une offre accessible et moins contraignante pour les bibliothèques, l’intégration des livres et périodiques électroniques dans les collections se démocratiserait. La période d’adaptation des usagers serait moins douloureuse car équilibrée par la collection papier qui perdurerait. Ce n’est pas les usages qui ralentissent le développement de l’offre mais bien l’offre insatisfaisante qui ralentit l’évolution des usages.