LA BOUTANCHE DU MOIS
CHÂTEAU LANESSAN, HAUT MÉDOC 2019
La dégustation de vins primeur ne constitue pas toujours une sinécure et, bien souvent, se révèle inintéressante entre vins préparés pour les marchands du temple en rien représentatifs de quoi que ce soit et vins aux tannins si serrés qu’ils déchausseraient les dents d’un cheval de trait…
Chateau Lanessan déroge à la règle. Ce cru du Haut-Médoc joue dans une cour presque à part et sur ce temps — d’avril, normalement — où le Bordeaux viticole présente ses primeurs, dénote régulièrement par son extrême élégance, des tannins déjà intégrés.
Au nez, on est marqué par les nuances d’arômes de fleur, par la rose poudrée tellement typique de ce vin tenu à bout de bras par la grande Espejo Paz. Le millésime 2019 est, nous dit-elle, un grand millésime à l’instar du 2016, sur la rive gauche tout du moins. Le gel de mai a signé un grand coup d’arrêt à la marche végétative, puis, la sécheresse de fin d’été, particulièrement dure sur les graves garonnaises de ce vignoble de 32 hectares, a donné des billes petites à la peau épaisse. Pourtant, confie Paz, « nous nous mîmes à rêver de beaux lendemains en croquant dans les petits merlots et les cabernets annonçant des fruits expressifs et sains ».
La chose confirmée lors d’une de ces drôles de dégustations de rattrapage en visioconférence ! La faiseuse à un bout du Médoc et nous, journalistes, dans nos bureaux ou chambres de confinés. L’élégante avait pris soin de nous expédier des fioles du nectar, histoire de nous permettre de jouer au dégustateur en même temps. Bien qu’utile, l’exercice avait, il faut bien le dire, un côté aseptisé qui ne sied en rien au pinard.
« Nous nous mîmes à rêver de beaux lendemains en croquant dans les petits merlots et les cabernets annonçant des fruits expressifs et sains »
Château Lanessan doit sa renaissance, commencée en 2009, à l’arrivée d’Espejo Paz. Si comme elle l’assène souvent l’œnologue tend à l’interventionnisme, elle en redoute les travers et aime par dessus tout les années où il n’y a rien à faire !
Chez Calvet, elle apprend dès 1997, ce qui n’était pas banal à l’époque, que le vin se fait dans la vigne. Toute œnologue qu’elle est, Paz considère que sa mission est d’accompagner le vin en toute humilité et, ajoute-t-elle, que « la sensibilité du faiseur intervient à partir du moment où le nécessaire équilibre vin-terroir est là ».
Aujourd’hui, elle est consciente que chaque viticulteur ne fait qu’emprunter la terre à ses enfants, là où bien souvent prévalait l’« après moi, le déluge ! », à Lanessan et ailleurs. « Je ne veux pas savoir ce qu’est un bon raisin, en revanche je m’interroge incessamment sur la notion de grand vin. » Elle ne laisse paraître aucun doute sur le fait que ni le prestige, ni la renommée d’un vin ne l’animent mais bien le plaisir qu’il doit procurer… Chose accomplie avec ce millésime 2019, d’une bien belle énergie, reste désormais à savoir si le Lanessan est bien représentatif de ce bon à grand millésime.
Lanessan s’est doté d’un bel outil œnotouristique avec son parc à l’anglaise, ses écuries et son musée du cheval. Un gite, aux petits oignons, ravira les amateurs de douceurs. Henry Clemens
CHÂTEAU LANESSAN
33460 Cussac-Fort-Médoc
Tél. : 05 56 58 94 80