La campagne présidentielle française tourne dangereusement à vide…

La campagne présidentielle française tourne dangereusement à vide…

A quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, la France s’ennuie… Faute d’une réflexion collective approfondie au sein des partis politiques sur les mutations du Nouveau Monde, la démocratie française s’enlise lentement mais surement dans une campagne sans relief engluée dans le feuilleton judiciaire de turpitudes diverses et variées. Pourtant, les vrais enjeux sont ailleurs.

Les Français attendent toujours un narratif politique de la mondialisation.

Le blocage collectif de la France tient pour beaucoup en une seule et unique explication. Depuis le passage au nouveau millénaire, aucun homme politique n’a pris le temps d’expliquer aux Français les différents défis à relever par la France pour rester une puissance moyenne influente en Europe et dans le Monde ! Pire, aucun homme politique n’est aujourd’hui en mesure de présenter aux français un « Plan Stratégique » pour la France compatible avec les dynamiques du XXI° ème siècle et les exigences de cohésion de la société française.

Le silence des candidats à l’élection présidentielle sur l’avenir de la France est mortel politiquement car elle accrédite l’idée selon laquelle d’ « autres ailleurs » décident pour nous. Ce silence couplé à un pilotage défaillant de l’État et à une désespérance réelle d’une partie de la population épuise collectivement la France. Cet épuisement se traduit sur le plan électoral à la fois par une abstention de plus en plus revendiquée et une adhésion croissante à l’offre politique la plus basique du marché.

L’élection présidentielle est par essence un moment politique dédiée à la construction d’un avenir commun sur la base d’une vision globale (et non simplement comptable) de la France. L’oublier, c’est prendre le risque de passer une nouvelle fois à côté de l’exercice en élisant un Président par défaut sur fond de recomposition artificielle du paysage politique français avec un clivage inepte « nationalistes » contre « mondialistes ».

Ce clivage est inepte car il est hérité du siècle dernier. Il repose sur une vision obsolète du monde, un monde soviétique qui privilégiait le « stock » sur le « flux ». Ce monde est mort. La bataille à mener pour rester dans la course est celle du « savoir », celle de l’intelligence collective pas celle des frontières ! S’il est légitime de s’inquiéter pour notre futur du recul du niveau d’excellence des élèves français en mathématiques, l’absence de postes frontières avec la Belgique est quant à elle totalement neutre !

L’Union européenne est le parent pauvre de la campagne présidentielle

Aujourd’hui, au regard des évolutions géopolitiques du Monde, le sujet européen devrait être un sujet central de la campagne présidentielle. Or, non seulement, il n’en est rien mais la présentation la semaine dernière par le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, d’un livre blanc sur l’avenir de l’Union européenne n’a fait l’objet d’aucun débat entre les candidats. Sur le fond, c’est plus que regrettable car l’avenir de la France est indissociable de l’avenir de l’Union européenne et réciproquement.

Certes, la France existait avant l’Union mais la construction européenne a toujours été une ambition française. L’originalité du modèle actuel est d’avoir su construire un ensemble démocratique fondé sur la seule force du droit et non celle des armes.

Politiquement parlant, s’interroger sur l’avenir de l’Union européenne c’est aussi s’interroger sur l’avenir de la démocratie libérale, sur le devenir de la suprématie occidentale en matière économique et sur la question clés du rôle futur de l’Union dans la gouvernance de l’Occident.

Toutes ces questions sont absentes des propos européens des candidats. Les propositions formulées par les principaux candidats restent pour l’essentiel très parcellaires allant de simples ajustements de l’architecture institutionnelle actuelle à une révision à la marge de certaines politiques européennes en passant par la création d’une défense européenne. C’est mieux que rien mais cela reste très insuffisant au regard du nécessaire reformatage de l’Union pour la rendre plus efficace.

Les Primaires n’ont pas favorisé une revitalisation du débat public mais son atomisation…

Loin d’enrichir le débat politique, le recours aux Primaires stérilise la réflexion politique en atomisant la représentation politique et l’expression politique. Si l’intérêt financier des Primaires est indéniable pour les formations politiques établies, leur intérêt politique est plus que relatif.

Importée des États-Unis, la méthode des Primaires ne correspond ni aux mœurs de la vie politique française trop subtils pour s’inscrire dans un format binaire, ni à l’esprit de la V° République.

Si on regarde les quatre tendances politiques aujourd’hui en présence incarnées par des réactionnaires identitaires isolationnistes, des conservateurs nationalistes jacobins, des libéraux fédéralistes girondins et des libertariens décomplexés aucune n’offre politique n’est aujourd’hui en mesure de satisfaire seule 50% du corps électoral.

Cette impossibilité est problématique car quel que soit le candidat élu au soir du 7 mai 2017, les Français auront certes un nouveau Président de la République mais aucune vision collective de leur avenir, ni la formation politique dotée d’une légitimité électorale suffisante pour affronter les défis du futur. Dit autrement, la France aura une nouvelle fois opté pour la facilité à "l’insu de son plein gré", petit jeu qui à terme peut se révéler très dangereux pour la démocratie française …

xavier.grosclaude@inconcreto.consulting

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