La chute de l’empire humain, Mémoires d’un robot

de Charles-Edouard Bouée, Grasset

Chronique Livres qui sera publiée dans Eco Savoie Mont Blanc

Annelise FONDARY & Roland PASCAL, pour ExStrAPoL SAS Experts / Stratégies d’entreprises, Affaires publiques, Lobbying

Exergue :

« Cette fois, nous y sommes, nous avons une machine qui pense », John Newell, 1958

Personne n’est parfait. C-H. Bouée préside le cabinet de conseil Roland Berger. Mais il se soigne : délaissant le jargon du consultant, il a carrément écrit – avec maestria - les mémoires d’un robot ! En 2040, l’empire humain a failli laisser la place à l’empire des machines intelligentes. Car l’homme s’abandonnait aux machines, qui en retour lui conféraient la possibilité de devenir immortel. L’intelligence artificielle allait prendre le pouvoir, le robot apportait à l’homme tout ce qu’il désire sans qu’il ait besoin de le demander. Le monde était paramétré… Mais comme dans les bons polars, il faut lire jusqu’à la fin.

Darmouth College, MIT, Stanford, Pentagone, 1956

Imagine-t-on le cerveau de Goethe ou de Montesquieu remplacé par un ensemble de poulies et de roues dentelées ? Pour l’Intelligence Artificielle, ce n’était pas gagné. Mais le rêve va sortir du séminaire de Dartmouth College en 1956. Thème : plonger dans les méandres du cerveau humain pour en réaliser des copies mathématiques. Le MIT et Stanford vont suivre, avec le Pentagone dans la coulisse. Développée à partir de la « machine qui pense » d’après-guerre, l’Intelligence Artificielle va permettre des analyses exhaustives sur la base d’un référentiel d’opérations déjà effectuées, d’où résultera la probabilité d’obtenir le résultat escompté.

Les machines montent en puissance…jusqu’à la porte du pouvoir

Les exemples foisonnent. Votre assistant virtuel accumule les informations sur votre mode de vie, vos plats et vins favoris, vos heures de coucher et de lever. Il est forcé à tout apprendre de vous pour vous proposer des offres individualisées. En médecine, les logiciels réduisent le risque d’erreur de diagnostic, les micro-robots sont capables d’effectuer des missions de surveillance, de diagnostic et de soin. Dans le juridique, les logiciels exploités par des spécialistes de la donnée vont remplacer les avocats juniors chargés de la documentation. Dans l’industrie, le robot, ex-travailleur de force (transporter des pièces, les souder, les peindre) devient connecté avec l’industrie 4.0. Il anticipe les bugs. D’esclave mécanique il devient ingénieur. L’achat par un groupe chinois du fabricant de robots Kuka a fait craindre en Allemagne un transfert de l’intelligence industrielle en Chine par robots interposés. Dans la grande distribution, l’acte d’achat étant déterminé par l’assistant personnel, où va être l’utilité des marques, des magasins, du packaging ? L’industrie agro-alimentaire se transformera : des plateformes organiseront les circuits courts entre agriculteurs et consommateurs. Dans le domaine militaire, l’intelligence artificielle se décline dans les drones, les véhicules de combat, voire les tireurs d’élite automatisés. Le champ de bataille deviendra robotisé. Dans les transports, si les exosquelettes triplent la vitesse de déplacement du piéton, on limitera la circulation automobile en ville. Et avec une flotte de véhicules autonomes à la demande, on supprimera l’essentiel des transports en commun et des parkings… Il ne resterait plus qu’une lacune : apporter de l’interaction affective. Défi déjà en passe d’être relevé grâce au « Robot Compagnon » humanoïde. Discret comme un butler anglais, il travaille 8 736 heures par an (l’homme 1 650, sur la base de 35h par semaine).

2040 : l’empire des robots au musée, quelque chose a mal tourné !

Le robot était sans illusion. Pourquoi les humains ont-ils inventé l’intelligence artificielle ? Pardi, pour devenir riches sans travailler et pour conquérir l’immortalité ! Mais voilà, c’est chez l’homme que le doute s’est introduit. Son intelligence sera-t-elle supplantée par celle des machines ? A quoi sert d’apprendre si les machines savent tout ? Les équilibres sociétaux ne seront-ils pas sur le fil du rasoir ? Si finalement, en 2040, le robot s’est retrouvé au musée, c’est que quelque chose a mal tourné. En laissant l’intelligence artificielle grignoter peu à peu les tâches cognitives, les hommes lui ont donné les clés. Des alertes ont été émises sur des tentatives de pénétration d’activités militaires ou de systèmes économiques. Outre l’ennui, une nouvelle forme de résistance est apparue : un désir de retour aux sources. Comme en d’autres temps le label bio pour les produits agricoles, un statut spécial a été conféré à certains produits, avec le label « Conçu et produit par l’homme ».

C’est alors que l’empire des robots a été stoppé. Un moratoire a été adopté pour lutter contre la menace technologique, obliger tout système intelligent à être contrôlé par l’homme. Un code de bonne conduite a été imposé aux chercheurs et aux entreprises. Il a été mis fin à la médecine premium. Les fonctions supérieures des assistants personnels ont été débranchées. Les sites qui n’assurent pas la protection des données privées ont été boycottés. On a réappris à lire et à écrire.

Ainsi fut rejetée l’idée d’un monde « parfait », normé, pour laisser la place à ce mélange de courage et de lâcheté, de goût du risque et de peurs qui caractérise la condition humaine.


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