La Covid-19 : confiance, méfiance ou défiance ?
Le grand public marocain doute de la véracité de la pandémie de la Covid-19 en dépit d’une communication intense autour de la crise en cours. Ce doute peut être expliqué par l’incompréhension semée par les messages contradictoires véhiculés par les réseaux sociaux mais aussi par les joutes scientifiques entre spécialistes et chercheurs face à un virus inconnu. Si le doute scientifique est de rigueur, celui du grand public interpelle au plus haut point au regard des comportements de négligences que cela induit. Ce déficit de confiance est-il dû seulement au manque notoire de la culture scientifique des marocains ou découle-t-il, plutôt, de la défiance du public à l’égard des décisions et du discours officiels ?
Dans notre cher pays, le « fort » sentiment de défiance aussi bien institutionnelles qu’interpersonnelle a été bien illustré par plusieurs études et enquêtes[i]. En dépit des efforts déployés ces derniers temps par les pouvoirs publics en matière de promotion de la bonne gouvernance, la dégradation de la confiance du public reste constante.
Si l’origine de cette défiance remonte loin dans l’histoire des relations du makhzen avec les tribus et les individus, le fonctionnement actuel de la plupart de nos institutions (administration, partis politiques, justice, ..) continue de l’entretenir. L’écart constaté, souvent, entre ce qui est affiché et annoncé officiellement et ce qui est réalisé, vécu ou ressenti alimente la méfiance des citoyens. La défiance se nourrit également de la corruption, du déficit de la gouvernance, du creusement des inégalités et de la complexité engendrée par la mondialisation et le progrès technologique.
Sur ce registre, il convient de rappeler que la confiance forme la trame des relations sociales et constitue un prérequis au développement économique des nations. De nombreux travaux d’économistes et sociologues[ii] ont mis l’accent sur le rôle déterminant du facteur immatériel de confiance (dit capital social) dans la création des richesses et dans la promotion de la démocratie.
Bien que l’érosion de la confiance soit devenue une tendance mondiale, elle demeure toujours une «donnée élémentaire de la vie en société»[iii]. Pour mériter la confiance de la population, il est proposé, d’abord, de cesser de mépriser les faits et les valeurs (cf. notre post Facebook du 19/08/2017). Il s’agit de promouvoir l’intégrité, de tenir une communication fiable, d’élargir la participation politique et de développer l’esprit critique. Plus que jamais, refonder la confiance des citoyens devient le maitre mot du nouveau modèle de développement souhaité.
[i] HCP, MIPA, BM, CESE et chercheurs universitaires.
[ii] J.M. Keynes, K.J. Arrow, F. Fukuyama, Éloi Laurent, Tarik Tazdaït, Emile Durkheim …
[iii] Niklas Luhmann : théorie des systèmes sociaux.