La crise énergétique va faire plonger de nouveaux foyers dans la précarité

La crise énergétique va faire plonger de nouveaux foyers dans la précarité

La seconde édition de la Journée nationale de sensibilisation à la lutte contre la précarité énergétique qui a déroulé jeudi dernier,  intervient dans un contexte de flambée des prix des énergies qui perdure. Sans compter « quand l'arrivée du froid nous rappellera l'urgence d'agir », interpelle la vingtaine d'organisations à l'initiative de l'événement.

Un foyer français sur cinq souffre du froid

Avant la crise, 20 % des ménages en France, soit 12 millions de personnes étaient déjà victimes de précarité énergétique, selon l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE).

Or, « la crise énergétique sans précédent que nous vivons depuis une bonne année soulève de grandes inquiétudes pour les personnes vulnérables, qui ne pourront pas faire face à l'augmentation des prix de l'énergie, et pour tous ceux qui, à cause de cette inflation, se verront basculer dans la pauvreté », s'inquiète Hélène Denise, chargée de plaidoyer à la Fondation Abbé-Pierre.

D'autant que, d'après le Médiateur national de l'énergie, en 2022, 69 % des Français ont restreint le chauffage chez eux pour ne pas recevoir de factures trop élevées (ils étaient 60 % en 2021 et 53 % en 2020). Et 22 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid dans leur logement au cours du dernier hiver, contre 20 % en 2021 et 14 % en 2020.

Ces chiffres sont issus du baromètre Énergie-info, publié le 18 octobre 2022. Ainsi, la part des consommateurs qui restreint le chauffage, pour limiter le montant de leur facture, a augmenté de « 16 points en trois ans », selon le Médiateur.

Cela ne suffira pas d'avoir un bouclier tarifaire qui soit homogène

 Christophe Robert, Fondation Abbé-Pierre

 

« Cumulée à l'impact de l'inflation sur le budget des ménages, tout porte à croire que cette crise énergétique va faire plonger de nouveaux foyers dans la précarité », prévient par conséquent le collectif.

Et il souligne qu'entre le deuxième trimestre 2021 et la même période en 2022, les prix de l'énergie (électricité, gaz et produits pétroliers cumulés) ont « augmenté de 28 % pour les ménages »

De son côté, le Médiateur national de l'énergie indique qu'« un quart des consommateurs 

» a rencontré des difficultés pour payer certaines factures de gaz ou d'électricité, « pour la seconde année consécutive ». Et cette année encore, les 18-34 ans sont les plus touchés, avec 51 % d'entre eux qui déclarent rencontrer des difficultés.

Renforcer les aides

Pour faire face à l'inflation actuelle sur les prix de l'énergie, outre le maintien du bouclier tarifaire limitant la hausse des tarifs de l'électricité et du gaz de 15 % début 2023, la Première ministre, Élisabeth Borne, a annoncé, le 14 septembre 2022, le versement de  chèques énergie exceptionnels (de 100 à 200 euros) d'ici à la fin de l'année aux 12 millions de ménages les plus modestes.

Un chèque énergie fioul, de 100 à 200 euros, est aussi versé, depuis début novembre, au 1,6 million de foyers les plus modestes.

Mais les organisations estiment qu'il faut renforcer d'urgence les aides pour affronter cet hiver. Pour Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, 

« si vous gagnez 5 000 euros, une hausse des factures de l'énergie de 15 %, c'est absorbable. Mais pour les ménages les plus pauvres, 15 %, ça ne passera pas ! Il va falloir aider plus les ménages les fragiles et faire très vite, car l'inflation court».

Le délégué général demande par conséquent à augmenter l'aide personnalisée au logement (APL) de 10 % pour les ménages les plus modestes, avec « un doublement du forfait charges », après que les APL ont été déjà revalorisées de 3,5 % en juillet dernier. Il plaide aussi pour augmenter, dès le 1er janvier 2023, le montant du chèque énergie pour les ménages les plus pauvres, « jusqu'à 800 euros », alors que le chèque varie aujourd'hui de 50 à 277 euros annuels pour les 5,8 millions de ménages bénéficiaires. Le chèque énergie devrait aussi « être indexé sur les prix réels des énergies », estime-t-il.

Accélérer les rénovations lourdes

Les organisations appellent également à stopper, « par la loi », les coupures d'énergie, en considérant que cela fait partie des besoins de première nécessité.

Et que le gouvernement intensifie la rénovation « performante, complète » des logements passoires thermiques (classés F et G du diagnostic de performance énergétique), « en faisant en sorte qu'il y ait un reste à charge zéro pour les ménages pauvres et modestes », réaffirme Christophe Robert. Sachant que, pour les habitants de ces logements les plus énergivores, les factures d'énergie pourraient augmenter, dès cet hiver, « de 50 ou 100 euros par mois », estime Nicolas Nace, chargé de campagne transition énergétique chez Greenpeace France.

À l'occasion de cette journée, une nouvelle étude publiée par l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) met aussi en cause les logements « en mauvais état, dégradés et/ou énergivores », occupés par les propriétaires ou des locataires précaires. L'ONPE a suivi, pendant un an, un groupe de 30 ménages en situation de précarité énergétique, dont la majorité bénéficient de dispositifs d'accompagnement.

Et « pour la majorité des ménages suivis, c'est bien le fait d'avoir emménagé » dans ce type de logement, qui « les a fait basculer dans la précarité énergétique », observe l'étude. L'ONPE ajoute que la « rénovation lourde des logements est le principal levier » pour sortir les ménages de cette situation. À l'instar des propriétaires occupants, suivis dans cette enquête, qui ont pu bénéficier des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) notamment.

En revanche, les situations de précarité énergétique des locataires sont, « quant à elles, plus délicates à démêler, car s'il s'agit de convaincre les propriétaires bailleurs d'entreprendre des chantiers de rénovation ». 

Et c'est en déménageant que les locataires sortent finalement « de leur situation d'inconfort », note l'ONPE. La loi Climat et résilience devrait toutefois inverser la tendance. Elle va contraindre les bailleurs à effectuer des travaux de rénovation, car, dès le 1er janvier 2023, ils ne pourront plus louer des logements passoires étiquetés G et consommant plus de 450 kWh/m2/an d'énergie finale. En 2025, cette interdiction touchera l'ensemble des logements classés G et, en 2028, ceux classés F considérés comme indécents, puis ceux classés E en 2034.

Rachida Boughriet

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