La crise va t-elle conduire à davantage individualiser les rémunérations ?
Cette année encore, les niveaux d’augmentation de la rémunération globale sont en baisse :
- autour des 2,3% en 2014, très loin des 3,4% observés dans les années 2000 pour le salaire de base
- des primes collectives (participation et intéressement) en recul de 5,3% en 2013 pour une majorité d’entreprises, du fait de résultats moindres et de l’absence de croissance
- une rémunération variable individuelle (10 à 15% du salaire) en recul. De surcroît cette rémunération individuelle ne prend plus la performance individuelle comme seul étalon mais elle est de plus en plus indexée sur des critères collectifs, dont des indicateurs sociaux, pour favoriser la performance collective.
Faute de marge de manœuvre, les collaborateurs pourraient subir une triple peine. Faut-il pour autant loger tout le monde à la même enseigne ? Comment une organisation peut-elle optimiser ce qu’elle est en mesure d’octroyer ?
Quelles politiques salariales mettre en place pour traduire le lien entre la contribution de chaque collaborateur et la rémunération, tout en favorisant les dynamiques collectives ?
L’individualisation des rémunérations : une solution pour reconnaître la contribution individuelle des collaborateurs clés
Il existe deux pratiques en matière de politique d’augmentation :
- Les organisations qui « saupoudrent » : ceci en donnant à l’ensemble des collaborateurs une augmentation et un bonus peu différenciés, misant avant tout sur la cohésion d’équipe et la culture du collectif. Dans un contexte difficile, elles commencent à s’interroger sur les risques de démobilisation des plus méritants. Comment en effet leur expliquer que leur contribution, leur niveau de responsabilité, leur leadership ne soient davantage valorisés, tout particulièrement lorsqu’ils subissent encore plus fortement les sacrifices imposés par la conjoncture ?
- Les organisations qui pratiquent l’individualisation : tout en conservant le principe de solidarité à travers des dispositifs de rémunération collective (participation, intéressement), la priorité est donnée à la reconnaissance individuelle des plus performants et de ceux possédant une expertise recherchée. Ceci a pour conséquence un nombre réduit d’élus pour un montant moyen octroyé en progression.
Les dirigeants constatent qu’en période de transition, le développement des organisations repose plus que jamais sur les équipes et sur leur engagement.
Comment développer cette dynamique collective ? Est-ce que dynamique collective signifie nécessairement saupoudrage ?
On constate aujourd’hui que de plus en plus d’organisations répondent à cette question en faisant le choix de l’individualisation des rémunérations. Il s’agit alors, dans certains cas, de miser davantage sur la reconnaissance individuelle pour développer sur le long terme une dynamique collective.
Mais il faut faire attention : un tel changement de paradigme doit être soigneusement préparé.
A ne pas perdre de vue aussi, dans un contexte du budget restreint, l’entreprise peut faire le choix de miser sur des leviers non monétaires comme le développement personnel, à travers la formation ou la participation à des congrès ou séminaires très prisés.
Les prérequis à la mise en place d’une individualisation des rémunérations
La mise en place d’une telle politique repose sur un prérequis simple : un dispositif d’évaluation juste, équitable et transparent. Un dispositif qui exige une vraie expertise pour être construit et déployé.
Un dispositif dont la pierre angulaire est le manager : c’est à lui que revient la responsabilité d’identifier et d’évaluer les aptitudes et le potentiel des collaborateurs. Un autre prérequis à la mise en place d’une individualisation des rémunérations est donc la capacité des managers à évaluer des collaborateurs. Ce prérequis peut nécessiter des formations qui, déployées sur l'ensemble de l'organisation, permettent d'assurer l'ancrage de pratiques et d'une culture communes.
La communication autour de la rémunération : une stratégie valorisante qui peut se révéler très payante
Il est également primordial que les décisionnaires RH et managers expliquent le bien fondé des arbitrages choisis. D’autant que l’appréciation de la rémunération est surtout une question de perception. L’important n’est pas la valeur absolue, si la rémunération reste au-dessus d’un seuil acceptable, mais la perception d’être considéré de manière juste et équitable.
Les études d’Inergie, spécialiste des enquêtes d’opinion interne, soulignent en effet que, bien souvent, les collaborateurs ne comprennent pas comment sont fixées les rémunérations (pour 30% d’entre eux), et surtout ils ne comprennent pas en quoi le dispositif proposé est motivant (60% des collaborateurs).
Tout l’enjeu de la communication est donc d'accroître la compréhension et l'appréciation des collaborateurs pour optimiser ainsi leur engagement.
Le Bilan Social Individuel (BSI), dont le développement s’est accéléré ces dernières années, apparait comme un outil très efficace qui permet à chaque collaborateur d’apprécier tous les efforts consentis par l’organisation. Il détaille et explique la rémunération globale et l’ensemble des avantages sociaux dont bénéficient les collaborateurs :
- la rémunération individuelle (base et variable),
- la rémunération liée aux performances de l’organisation,
- l’épargne salariale,
- la protection sociale incluant la prévoyance et la retraite,
- le développement personnel à travers notamment la formation,
- et tous les autres avantages spécifiques à l’organisation.
Ce document personnalisé permet ainsi aux collaborateurs d’évaluer avec clarté tout ce que l’organisation investit pour eux. A condition bien sûr que celle-ci ait une politique sociale.