la durabilité dans l’investissement immobilier face à la transition énergétique
Dans un contexte de marché influencé par les changements climatiques, CBRE, leader mondial en conseil immobilier, s’interroge sur les enjeux auxquels sont confrontés les acteurs du marché, ainsi que sur la manière dont ils font face à ces nouveaux défis. Après le panel talk organisé avec l’association ULI Urban Land Institute sur « les acteurs de l’immobilier face aux enjeux et défis de la durabilité ? » voulant questionner les faiseurs du marché romand, CBRE propose un tour d’horizon.
« Afin de répondre aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques de notre temps, il est devenu essentiel d’inscrire les portefeuilles immobiliers dans la durabilité afin d’en optimiser leur valeur. »
En 2050 nous habiterons presque tous en ville. L’aménagement du territoire nous y contraint en plaçant la densification urbaine au centre des décisions. Nos terrains se construisent tour à tour et concentrent notre paysage. Chaque nouvelle construction impacte notre espace et vient modifier le « vivre-ensemble » de chacun, que nous habitions une villa ou un immeuble. Ce nouvel environnement construit redéfinit une communauté ainsi que son lot d’incertitudes. Quand l’espace devient une ressource clé, il devient vital d’en assurer sa gestion. La Suisse compte plus de 1,6 million de bâtiments destinés à l’habitation et à ce jour près d'un million de foyers ont un besoin urgent de rénovation. Les bâtiments qui seront utilisé en 2050 sont à 80% déjà construits. Il en résulte qu’agir aujourd’hui sur le secteur immobilier permet d’améliorer la performance des lieux de vie de demain.
Dans un contexte mondial particulier secoué par les différentes crises, la question de l'investissement "d'impact" visant à maximiser l'utilité environnementale et sociale des projets devient inévitable. L'investissement ESG semble avoir été à la hauteur de la crise, et les produits financiers durables se sont révélés être des valeurs refuges pour de nombreux investisseurs. Il s’agit d’un ensemble de considérations prenant en compte des aspects Environnementaux, Sociétaux et de Gouvernance. À l’instar, par exemple, de la consommation d’énergie (E), du confort et du bien-être des occupants (S) et de l’éthique dans la conduite des affaires (G).
L’urgence climatique et la transition énergétique, formalisées par les accords de Paris, montrent que les grands propriétaires fonciers du pays, en tant qu’investisseurs, jouent un rôle essentiel dans cette transition durable et résiliente.
Le défi consiste désormais à identifier les risques et les opportunités liés au changement et à adapter le domaine en conséquence. Assurer une performance optimale tout en atténuant l'impact des bâtiments sur l'environnement, telle est la mission que propose CBRE.
Au niveau du climat les bâtiments représentent 27% du Bilan CO2 en Suisse et pour la transition énergétique plus de 44% de la consommation d’Énergie primaire. Selon le « Plan climat » de la confédération, l’objectif est d’augmenter le taux de rénovation situé actuellement autour de 1% à 2,5%, puis progressivement à 4% d’ici 2050. De cet énoncé découle un grand nombre de défis, notamment en termes de compétences et ressources matérielles, humaines et financières, mais également en tant que risque pour les investisseurs. Les risques du secteur liés à la durabilité peuvent être catégorisés en trois familles : d’objet, de règlementation et de marché.
Au niveau de l’objet comme énoncé, le parc suisse nécessite d’être rénové. C’est avant tout le E pour Énergie (de ESG) qui est aujourd’hui sous les projecteurs. Cela est concrétisé par les objectifs 2030 et 2050 des « accords de Paris » et par la SIA 2047 « Rénovation énergétique des bâtiments ». Un des indicateurs représentatifs pour comprendre les dimensions de la transition est l’IDC (l’indice de dépense de chaleur du bâtiment, en simplifié, sa consommation de chauffage) mesuré en Mégajoules par mètre carré et par an (MJ/m2.an). La transition énergétique implique l’atteinte des valeurs suivantes :
En comparaison un IDC de 650-900 MJ/(m2.an) est fréquent dans les bâtiments des années 60 en raison des techniques de construction d’époque. En suivant l’évolution des techniques constructives, un IDC avoisinant les 400-500 MJ/(m2.an) est habituel pour les bâtiments des années 2000. Et pour terminer un bâtiment doté de la certification Minergie se situe aux environs de 180 MJ/(m2.an).
Cette réduction drastique de l’IDC montre l’effort conséquent qu’il va falloir impérativement mettre en place dans le secteur immobilier. Ces objectifs vont être accompagnés de mesures règlementaires et d’outils législatifs contraignants afin de garantir le respect des accords. Ne pas les anticiper, c’est s’exposer à des pénalités et à des coûts de rénovation plus élevés, liés à la mise en œuvre tardive et dans l’urgence, des dépenses d’investissement. Dans le canton de Genève, la nouvelle loi sur l’énergie en vigueur depuis le 1er septembre 2022 témoigne de ce virage réglementaire et montre un changement de mentalité en train de s’opérer à la fois chez les propriétaires, mais aussi chez les potentiels acquéreurs d’immeubles de rendement, qui prévoient désormais des hausses de provisions de Capex significatives et systématiques dès lors que le bâtiment n’est pas aux normes. En l’absence de stratégie proactive au niveau de l’objet, il y aura une augmentation de la vétusté qui se traduira en perte locative avec un taux de vacances en hausse, par une augmentation des charges et un coût de rénovation croissant de manière exponentielle (la maitrise des charges à un niveau acceptable pour les locataires représente un aspect à considérer lors des projets d’assainissement). Ces caractéristiques feront baisser la cote de l’objet sur le marché et restreindront sa liquidité.
La non-correspondance aux normes de consommation et d’émissions des bâtiments résultera en une perte d’attractivité pour les biens non durables au niveau des investisseurs. Cela se manifestera sur la compétitivité et la rentabilité des objets. Il en résulte que la recherche de performance énergétique des bâtiments devient corrélée à la recherche de performance financière des objets. Pour l’immobilier commercial par exemple, la performance énergétique est souvent synonyme d’attractivité pour les locataires. En effet, une étude européenne menée par CBRE a montré que les immeubles de bureaux disposant d’une certification énergétique affichent en moyenne des taux de vacance inférieurs et des loyers supérieurs aux bâtiments non certifiés, grâce à une demande croissante des entreprises pour ce type d’espace. Mais il ne s’agit pas uniquement d’obtenir les étiquettes énergétiques ou d’avoir des labels et certifications pour l’ensemble de son parc immobilier pour être bon élève. La mise en place d’une stratégie d’investissement durable doit être étudiée attentivement.
Des professionnels en stratégie immobilière, comme par exemple CBRE, établissent des recommandations et représentent les propriétaires investisseurs dans leurs projets de développement ou de rénovation d'envergure. Ces spécialistes participent à l'amélioration continue de la performance du parc, en intégrant systématiquement dans leur gestion, la recherche d'optimisation énergétique et un potentiel de valorisation pour chaque actif du portefeuille.
Les bénéfices d’une telle démarche sont notables : des rendements optimisés, une réduction des coûts énergétiques et des charges, une réduction du taux de vacance (fidélisation des locataires), une amélioration du confort pour les utilisateurs, un bilan carbone qui s’inscrit dans le respect des objectifs de la Confédération et donc un aspect positif pour la réputation et l’image du propriétaire.
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La mise en place d’une stratégie globale passe selon nous par 4 étapes clés. Premièrement, il s’agit d’évaluer l’état initial des biens sur la base de critères d’analyse exhaustifs : état de vétusté, physique du bâtiment, enveloppe thermique, installations CVCSE et certificats énergétiques cantonaux, bilan CO2, etc. Dans tous les cas il y a trois indicateurs clés à analyser :
Deuxièmement Il s’agit de surveiller l’état général des actifs ainsi que le fonctionnement des installations techniques en collectant notamment, des données de consommation énergétique afin de mettre en place un monitoring et des optimisations, en digitalisant les installations existantes.
Troisièmement, selon le degré de vétusté et l’urgence de travaux, il s’agit de développer des stratégies de rénovation et d’assainissement épousant les objectifs climatiques et impliquant l’optimisation des coûts d’investissement afin de réduire les coûts d’exploitation et de diminuer le taux de vacance. Ces stratégies intègrent les risques et les coûts, elles sont développées dans des perspectives de court terme, moyen terme et long terme, en évaluant les impacts financiers réels, elles prennent également en compte les aspects ESG et visent une certification ou labélisation ainsi que des subventions, le potentiel de développement ou de modernisation de l’asset est toujours étudié afin de financer les travaux. Et finalement il s’agit de la réalisation d’actions concrètes et de la mise en œuvre de la stratégie choisie.
Pour conclure, s’engager dans l’immobilier durable peut représenter un avantage concurrentiel non négligeable, permettant d’être également plus attractif sur le marché. La situation économique actuelle est compliquée. L’inflation élevée a entrainé une hausse des taux d’intérêt qui menace de plonger l’économie mondiale dans la récession. Même si la Suisse connaît une inflation moins élevée, sa dépendance aux exportations la rend vulnérable. Dans ce contexte, l’immobilier durable reste, une valeur d’ancrage forte pour les investisseurs, il semble garantir une réduction du risque et de meilleures perspectives de rendement. Le sujet de la durabilité dans le secteur de l’immobilier est au centre des préoccupations des acteurs de la branche. L’ambition est donc multiple pour les propriétaires investisseurs : répondre à un devoir sociétal en ayant un impact positif sur l’environnement et le climat, anticiper et répondre aux différents risques que représentent les changements de règlementations, fidéliser les locataires et maitriser les charges et finalement, améliorer durablement la performance économique des immeubles afin de garantir la valeur sur le long terme (Green value) et de maintenir l’attractivité du bien sur le marché.
CONTRIBUTEUR
Emanuel von Graffenried MRICS
Associate Director CBRE Architecte dipl. EPF/SIA/REG A Expert immobilier avec Brevet Fédéral
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Responsable service Acquisition foncière et immobilière Suisse Romande chez Losinger Marazzi SA
2 ansBien d'accord et également actifs concrètement sur le sujet! D'ailleurs #creatingthefuturetogether est aussi un des slogans de Losinger Marazzi... 😉 https://www.losinger-marazzi.ch/fr/entreprise/valeurs/
Conseiller Private Banking Senior - Fondé de pouvoir - CWMA auprès de BCF - Banque Cantonale de Fribourg
2 ansApproche très complète d'un thème qui fera l'actualité ces prochaines années. Bravo