La #fatigue à bord des #caboteurs :  un phénomène confirmé et         sans solution actuellement

La #fatigue à bord des #caboteurs : un phénomène confirmé et sans solution actuellement

Parmi les thèmes facilement accessibles des 19è journées de la médecine des Gens de mer (27 et 29 mars), la fatigue des navigants a été une nouvelle fois soulignée, si besoin était. Un état difficile à identifier sauf lorsqu’il y a endormissement. En effet, la fatigue peut « simplement » réduire plus ou moins fortement les capacités cognitives du navigant.

Toujours est-il qu’une étude a été menée, à la demande de la direction des affaires maritimes, portant sur les temps de repos et de travail des officiers de pont armant des caboteurs maritimes. Ces « merveilleuses petites machines » de 80 m à 100 m, armées par deux officiers de pont, le commandant et son second. Un certain nombre d’entre elles ont déjà fini sur les plages françaises : #Artemis, #Natissa, #Musketier, etc. Chaque officier fait donc deux quarts de six heures par tranche de 24 h. La réglementation internationale n’autorise pas l’armement à deux officiers de pont sauf pour les navires de dimensions « restreintes » a rappelé Mme Catherine #Ratsivalaka (#CEREMA- EMF) ; malheureusement, la notion de dimensions restreintes n’a pas été définie et est laissée à l’appréciation de l’administration du pavillon.

La convention (internationale) du travail maritime de 2006 autorise deux méthodes pour évaluer la charge de travail de navigant : soit en prenant en compte ses heures de travail ; soit en se basant sur son temps de repos obligatoire. Las, les résultats ne sont pas identiques. Et l’exploitant du caboteur a un penchant naturel pour choisir celle qui autorise la plus grande charge de travail.

En additionnant, durant plusieurs mois, les durées nécessaires pour exécuter toutes les tâches imposées par la réglementation (correction des cartes, exercices et entraînements divers et variés ; préparation des escales ; mise à quai ; etc.) ainsi que les temps de navigation sur deux fluvio-caboteurs (l’un immatriculé à Antigua et Barbuda, quasi registre bis allemand ; l’autre, en Grande-Bretagne) grâce à leur AIS, il apparaît clairement que les temps minimaux de repos obligatoires ne peuvent pas être respectés et que les temps de travail maximaux sont fréquemment dépassés. Mais les registres des temps d’activité peuvent facilement être «arrangés » selon les besoins du moment. Donc, selon le principe ancestral de la « mar mar » : pas vu, pas pris ; tout est aux normes.

Blocage à l'OMI des Etats nord-européens, notamment

La fatigue des navigants est un sujet « difficile sur lequel on a bien du mal à progresser. Depuis des années, les BEA ont alerté leur gouvernement. Mais cela n’avance pas ou très peu au niveau de l’OMI » devait conclure François-Xavier #Rubin de Cervens*, directeur adjoint du #BEAmer français. Deux raisons à cela : le contrôle des heures de travail par l’Etat du port est difficile à faire, d’une part ; d’autre part, la constatation d’une situation de fatigue se fait a posteriori, donc trop tard pour être utile. « A l’OMI, la fatigue est un sujet peu consensuel, pour ne pas dire pas consensuel du tout car il existe un certain nombre d’associations d’armateurs et de pavillons d’immatriculation qui refusent toute avancée sur le safe manning. Pas de consensus, donc pas d’avancée à l’OMI. Les Etats nord-européens sont farouchement opposés à toute évolution en la matière. »

Le 24 janvier 2019, l’OMI a cependant diffusé un nouveau guide des bonnes pratiques concernant la fatigue des navigants, de 62 pages. Les Etats membres sont « invités à prendre en compte les recommandations de ce guide pour fixer le nombre minimal de navigants par navire». Les compagnies maritimes sont « fermement priées de prendre en compte la fatigue lors de la mise en œuvre du code ISM ».

Rappelons que depuis quelques années, la Commission européenne a trouvé un moyen efficace « d’agiter » les Etats membres de l’OMI : elle menace de légiférer dans son « coin » et donc d’imposer des normes européennes plus strictes que dans le reste du monde. Cela fait rapidement gémir quelques associations d’armateurs. Cette pratique connaît une limite : si l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, principaux Etats immatriculant des caboteurs, refusent toute avancée, le blocage est assuré.

Il convient de ne pas trop critiquer ces Etats car le boomerang peut revenir dangereusement. Ainsi la lecture du rapport du #BEAmer français sur le talonnage du « promène-couillons » #Andrea Linda Maria sur un caillou corse incite-t-elle à la prudence. Extraits : « L’absence de jour de repos hebdomadaire depuis cinq semaines a contribué à un état de fatigue chez le capitaine.

La pratique notoire et bien établie de s’écarter de la route recommandée pour s’approcher au plus près de la côte, a installé le capitaine dans une routine lui faisant perdre la notion des risques de la navigation dans ce secteur dangereux ». Le capitaine qui fait le beau au plus proche de la côte ? Celui du Costa-Concordia ? Souvenir. Dans le cas du « promène-couillons » corse, les 48 passagers ont été transbordés. Pas de blessé. Et silence radio à la VHF. Pas la peine de « réveiller » le #CROSS. Autre souvenir.

 

 

*en mai 2019, il en deviendra le directeur. M. Rubin de Cervens connaît bien le fonctionnement de l’OMI pour y avoir été le représentant permanent adjoint de la France durant presque cinq ans. Il fut également officier de "mar mar" durant onze ans.

 

 

 

 

 

Il faut rapidement imposer le 4-2-4-8 à la mer (qui a permis de supprimer de nombreux routiers français sur nos routes), un contrat de progrès qui a fait ses preuves !

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