La femme et le Conseil

La femme et le Conseil

Aujourd'hui, en ce 8 mars, on ne peut pas le manquer, c'est la journée internationale des droits de la femme. Personnellement, cette date devrait paraitre anecdotique en 2023. Dans un monde idéal on ne devrait pas célébrer la journée de la femme car l'égalité hommes/femmes serait là et on n'aurait plus de questions à se poser, mais c'est un autre sujet #égalité

Il n'en parait pas moins qu'en écoutant les informations ce matin, on entend que la France est à nouveau Championne du Monde, classée comme le premier pays "respectueux" des droits professionnels hommes-femmes en entreprise. #Cocorico ! Mais devons-nous vraiment en être fier ? C'est très bien, mais quand on y regarde de plus près, les chiffres ne font pas rêver.

Quand les chiffres parlent, la réalité du terrain aussi peut se faire représenter. En tant que Senior Manager dans un cabinet de conseil, je ne peux que constater le manque de représentativité notamment dans un domaine assez masculin qu'est la finance. Les mentalités évoluent mais à géométrie variable. La question qui se pose alors est : comment nos leaders (homme ou femme) aujourd'hui peuvent aider à faire changer les choses ? Car d'autres chiffres tombent : on stagne aujourd'hui à 30% de femmes diplômées des écoles d'ingénieurs (certes cela est moins vrai en école de commerce). Voir ce bel article de La Tribune - Lien ci-dessous.

Et on le voit aujourd'hui dans nos métiers du conseil, on constate une bonne représentativité des femmes aux postes plus juniors, plus on monte dans la pyramide plus le nombre de femmes à des postes stratégiques ou de managements se font rares. Un chiffre important pour se donner une idée de la tache à accomplir : un tiers des femmes de plus de 35 ans sont cantonnées à des postes de junior et nous devons changer ça. Et pourtant là aussi les chiffres parlent pour nous. J'ai cherché au cours de ma carrière des femmes inspirantes. J'ai, pour ma part, une grande admiration pour Christine Lagarde , ancienne directrice du FMI, directrice actuelle de la BCE, ancienne ministre (je ne vais pas refaire son CV ici) mais, son parcours impressionnant dans la finance m'inspire. Cependant en pratique, j'ai très peu connu dans le conseil en finance, d'associées femmes. Celle que j'ai croisée au cours de ma carrière m'a convaincue de rejoindre mon cabinet actuel, cela a été pour moi un grand critère différenciant dans mon choix, et je ne le regrette absolument pas.

Alors pourquoi, si peu de femmes dirigeantes dans les métiers du conseil ? Pourquoi quand l'on monte dans la pyramide de l'association, de moins en moins de femmes sont représentées ? Bien sûr, la réponse n'est pas simple mais nous pouvons y réfléchir ensemble.

1. Changer sa réputation. Depuis des décennies, on connait le monde du conseil, ces entités obscures avec la réputation de travailler jour et nuit. Après plusieurs scandales, cela commence à changer. Bien sûr, certaines missions peuvent être à haute pression mais cela n'exclut pas qu'en interne dans les banques certains moments de carrières sont plus intenses que d'autres. Il peut y avoir des aprioris qui j'espère sont en train de changer actuellement, et les cabinets aiment le mettre en avant (équilibre vie professionnelle/personnelle, team building, avantage type CE etc.). Moi-même lors des entretiens de recrutement, j'aime valoriser ces aspects d'autant plus importants aujourd'hui et pour les nouvelles générations arrivant sur le marché du travail.

2. Prendre le temps du changement : Rome ne s'est pas construite en un jour et les nouvelles générations de managers/leaders sont en train de faire changer les choses. Il ne faut pas s'attendre à un changement radical des pratiques en 2 ans mais plutôt en 10 ans. Il en va de la crédibilité des cabinets de conseils, c'est nécessaire. Le marché étant très tendu en ce moment, chaque cabinet (et il y en a beaucoup sur la Place de Paris) doit tirer son épingle du jeu en mettant en avant ses facteurs différenciants.

3. Le recrutement. Un des postulats simples : recruter mieux ! Cela passe par donner envie à nos candidates de nous rejoindre, changer la façon dont nous donnons une description de nos jobs pour attirer des talents. Ils doivent se projeter pour nous rejoindre, le monde change et les attentes des candidat(e)s aussi. On parle beaucoup de quête de sens. Un des leviers est d'aller directement dans les écoles même avant le baccalauréat (collège, lycée). Faire des interventions, faire jouer son réseau Alumni. Nous avons connu tous cette période de doute, errer parmi les allées des forums d'entreprise ne sachant pas où aller ou quoi faire. Promouvoir les entreprises, montrer les possibilités de carrières peuvent être un levier de motivation ou tout du moins attiser une curiosité, un panel est en train de se créer. J'entends encore résonner la phrase mythique "Moi aussi j'en suis capable". Bien sûr il y a également les évènements d'écoles d'ingénieurs/commerces, université pour aussi proposer des trajectoires de carrières et créer la vocation. Notre équipe de demain, est déjà là.

4. Arrêtons avec ces clichés. Se pose la question alors, la maternité, on l'entend trop souvent comme un frein à la carrière. Lorsque l'on est jeune diplômée, la question ne se pose pas, on peut très rapidement monter les échelons. Arrivée vers 30 ans le regard change, les questions changent également, on ne demande plus où tu te vois dans 5 ans en terme de carrière, mais "A quand le bébé dans les 5 ans" comme si à un moment donné, on se doit de répondre à cette question qui plus est personnelle mais qu'on doit anticiper un arrêt temporaire de carrière voir un arrêt de carrière tout court. On pose beaucoup moins la question aux hommes et de toute façon on y voit aucun impact. Dans le secteur du conseil en finance notamment, on attend le tournant d'aller "en interne" quand la femme quitte le monde du conseil pour aller en Banque, comme un chemin logique. Mais avant de partir défaitiste pourquoi ne pas changer cette image du conseil ? Nous, managers, devons changer les comportements et les aprioris. Il faut identifier les comportements "anormaux" et les dénoncer, changer. En tant que managers, nous devons montrer notre exemplarité. Montrer également la richesse de notre métier : avoir l'opportunité de travailler sur des sujets différents, toucher au management, au développement commercial se former et se réinventer, ce sont cela les atouts de notre métier !

5. Etre proche des collaborateurs. Dans le conseil et cela s'est accentué depuis le covid, nous devons adapter notre management, nos consultants sont en mission et le lien peut être vite perdu : visio, déjeuner, afterwork, travail collaboratif au siège sont des alternatives. Il faut donner la parole et s'adapter. Laisser un collaborateur être marginalisé crée de la perte de lien, donne de l'incompréhension et une envie de moins s'investir. C'est en s'intéressant aux collaborateurs, apprendre à les connaitre, les intégrer, les valoriser qui donnera l'envie à nos femmes de talent de rester dans le conseil et de générer de l'attractivité.


Les managers d'aujourd'hui, que l'on soit hommes ou femmes doivent travailler ensemble et écouter les besoins des collaboratrices. Le monde du conseil doit évoluer, laisser de côté son image dure et montrer aux femmes qu'elles ont une réelle valeur ajoutée au sein de notre entité. Et ce n'est pas par de petites phrases génériques "Chez nous, nous mettons les femmes en valeurs" que cela donne plus envie, mais par des actions concrète (ex. femmes au sein de la direction). Les cooptations sont un excellent exemple que le modèle marche, quand une femme coopte une autre femme c'est qu'elle croit à son modèle d'entreprise. Ce n'est pas non plus par de petites phrases ou un changement de comportement quand une femme entre en réunion (nous avons toutes entendues cette petite phrase "Attendez soyons sérieux, X vient de nous rejoindre en réunion, heureusement que tu es là pour remettre les choses en ordre"). Le malaise est créé et on accentue la différence hommes femmes. Rassurez-vous, chers messieurs, nous avons également de l'humour.

En dernier lieu, je pense qu'il faut que nous, managers/leaders femmes, devons faire changer les choses, c'est de notre devoir. Nous devons inclure, comprendre les comportements, mettre en avant nos expériences. Devenir inspirante pour elles, être un allié et faire preuve de bienveillance. Transmettre nos expériences, les bons et les mauvais moments et aussi être critique, et faire une rétrospective en toute humilité.


Sources :

Capital : https://www.capital.fr/votre-carriere/egalite-hommes-femmes-au-travail-la-france-championne-du-monde-selon-un-classement-1461836

La Tribune : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/des-actions-concretes-pour-ameliorer-la-parite-homme-femme-dans-l-entreprise-954387.html

Françoise MULLER

Directrice pilotage transverse DPO de SFIL Intervenante MBA Droit des affaires internationales ESLSCA

1 ans

Très bonne analyse merci

Matthias P.

CEO I Entrepreneur I Investisseur - Aider la finance à changer

1 ans

Voilà une prise de position qui va faire changer les choses. Merci Mélissa on en a tous bien besoin. Le genre ne doit pas être un critère générant des frustrations ou des humiliations, effectivement. Un travail personnel sur nos croyances / pré jugés semble nécessaire pour casser des tendances néfastes (ricanement, blagues de mauvais goûts, allusions sexistes …) Chez MPG Partners on a fait le choix depuis quelques années de soutenir toutes les mamans (et papa) en maintenant augmentations, bonus et avancement même en cas de maternité prolongée et répétée. C’est un début, on peut encore faire plus. Mais notre collectif ressent déjà les effets positifs de ces décisions (malgré le « sur-coût » évident) Nous avons besoin aussi de talent (femme et homme) pour diriger et insuffler une vision juste, harmonieuse et positive entre être humain.

Germain Mathieu

Owner at MPG Partners | Co Founder at Tabsters

1 ans

Merci Melissa Mahouche pour ce post qui j’espère va être largement relayé pour contribuer au changement des mentalités en entreprise! Aujourd’hui, grâce à ton engagement et à ton enthousiasme quotidien en tant que Senior Manager chez MPG Partners, tu es très probablement une source d’inspiration pour nos collaboratrices et nous en sommes très fiers 😃😃!!

Aboubacar BATHILY

Consultant Manager | Strategy & Transformation Projects | Financial Industry

1 ans

Bel article Mélissa ! En terme de source d'inspiration, je rajouterai que sur la place Parisienne les deux régulateurs du secteur financiers qui ont aujourd’hui à leur tête des femmes (l'#AMF avec Marie-Anne Barbat-Layani et l'#ACPR avec Nathalie Aufauvre) donnent aujourd'hui clairement l'exemple aux autres institutions.

Céline Ghozael

Chargée de développement RH

1 ans

Merci Mélissa pour cette article, source d’inspiration !

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