La fonction communication : un des leviers du pilotage stratégique de l’Entreprise

La rencontre entre le monde de l’Entreprise et celui de l’Education est toujours source d’échanges intéressants. En tant que nouveau Président d’honneur de l’Executive Mastère de SciencesPo Executive Education, j’ai participé à la rentrée de la 9e promotion de cette prestigieuse formation, jeudi 30 janvier 2020 et je remercie Philippe Guérinet, Nicolas Bordas, Héléne Tinlot et le Comité Pédagogique d’avoir rendu cela possible. À cette occasion, j’ai exprimé quelques constats sur mon métier, fruits de réflexions personnelles mais aussi de celles partagées avec mes collègues d’Entreprises & Médias, association des directeurs de la Communication.

Dans les années 1960, Michel Serres annonçait dans son livre Hermès que la communication l’emporterait sur la production. Selon lui, ce n’était pas Prométhée, le dieu des forgerons (celui des cols bleus), qui serait amené à dominer, mais Hermès, le dieu des porteurs de messages et des échanges (celui des cols blancs). Tout le monde à l’époque l'a pris pour un fou.

De fait, la mondialisation, la financiarisation de l’économie, la RSE et la digitalisation ont profondément redéfini la communication des entreprises (voire les entreprises elles-mêmes…) ces 30 dernières années.

Aujourd’hui, on attend d’une entreprise plus que sa seule contribution économique, industrielle, commerciale, sociale et fiscale. Elle est aussi attendue sur sa contribution sociétale, sur sa raison d’être et, surtout, elle doit obtenir la confiance d’un nombre croissant de parties-prenantes. Elle parle à ses clients, à ses salariés, à ses actionnaires, à ses fournisseurs, à son environnent territorial et eux-mêmes lui parlent… quand ils ne se parlent pas entre eux à son sujet !

Le digital a fait voler en éclats toutes les frontières de la communication d’entreprise

Ces dialogues se sont développés parallèlement à l’émergence de l’universalité et de la   simultanéité  de l’information, permises par les réseaux sociaux. Le digital a fait voler en éclats toutes les frontières entre les divers aspects de la communication d’entreprise, interne et externe, information et communication, on-line et off-line...

Mais ce qui aurait pu être fatal à nos métiers s’est révélé, en fait, tout à fait salvateur et enthousiasmant.  Une réputation est aussi rapide à détruire qu’elle a été longue à construire et, dans ce contexte, la communication est désormais intégrée comme un des éléments du pilotage stratégique de l’entreprise.

En effet, chacun a fait sien l’affirmation d’Anne Méaux, Présidente  d’Image 7, selon laquelle « une bonne communication ne sauvera jamais une mauvaise stratégie. Mais une mauvaise communication peut plomber une bonne stratégie ».

Dans ce contexte, le directeur de la Communication et ses équipes ont un rôle majeur : s'assurer de la cohérence du lien et de ce qui est émis, au service de la réputation et de la performance économique, sociale et sociétale de l’entreprise. Il est une sorte de « connecteur en chef » qui orchestre les échanges entre l’entreprise et ses publics internes et externes.

Cela nécessite d’être à leur écoute, pour agir en anticipation et initier des dialogues plutôt que de les subir, tout en sachant résister à la dictature de l’urgence.

Ouvert à la création et à l’innovation, il choisit les modes de production et de diffusion de contenus - éditoriaux, relationnels ou événementiels – et produit des preuves et des éléments de discours fiables, authentiques et sincères.

Cela implique qu’il soit associé en amont aux sujets qui contribuent au développement du business de l’entreprise et de sa réputation, afin de pouvoir apporter aux dirigeants un conseil de proximité, avec un éclairage permanent et pertinent sur les risques et les opportunités en matière de communication.

C’est quelqu’un qui sélectionne l’information pertinente, propose et étudie des solutions en collaboration permanente avec les autres acteurs clés et définit le juste tempo d’expression. Il agit en prévention et en anticipation des risques, capable de dire la réalité des situations sans complaisance et de gérer les situations de crise.

Un métier qui sollicite tout autant cerveau gauche et cerveau droit

Autre majeure, la responsabilité de l’identité de l’entreprise en tant que garant de sa marque. Elle est un actif immatériel de premier plan. On peut d’ailleurs acheter une marque, pour la faire prospérer ou la faire disparaitre. Charge au directeur de la Communication d’en définir et d’en faire respecter à la fois les valeurs, la stratégie et les territoires d’expression et de différenciation.

Il mesure désormais la contribution de ses initiatives aux objectifs stratégiques de l’entreprise en challengeant sa performance opérationnelle.

C’est pourquoi, au-delà de la maîtrise et de l’optimisation des budgets, notre métier lui aussi s’appuie sur ses indicateurs, exploite et analyse les data disponibles : baromètres d’activité, d’audience, plus récemment d’attention, qui mesurent l’intérêt des publics sur les réseaux sociaux, les outils de mesure ROI existent !

Enfin, il ne faut pas oublier que le Dircom est aussi un manager et que pour déployer sa stratégie, il doit savoir s’entourer des expertises nécessaires mais aussi en assurer l’animation, la formation et le développement professionnel.

Louise Beveridge, qui m’a précédé à cette Présidence d’Honneur, a dit qu’ « Un Dircom est plutôt milieu de terrain : à la fois dernière ligne d’attaque et première ligne de défense. » Cette métaphore sportive fait écho de mon point de vue à l’affirmation de Charles Darwin : « Ce n'est pas le plus fort de l'espèce qui survit, ni le plus intelligent. C'est celui qui sait le mieux s'adapter au changement. »

Pour moi, la fonction communication a notamment ceci de passionnant qu’elle est désormais clairement identifiée comme un des leviers du pilotage stratégique de l’Entreprise. Mais ce qui nous différencie peut-être des autres, c’est qu’elle sollicite autant notre cerveau gauche que notre cerveau droit. Il faut à la fois beaucoup de rigueur pour s’assurer de la cohérence de ce qui est émis et une bonne dose de créativité et d’ouverture d’esprit pour innover et émerger. S’il n’est peut-être pas le plus vieux métier du monde, être à la tête d’une direction de la communication est sans doute un des plus passionnants !