La Formation, l'​Etat (FNE formation) et la crise économique et sociale à venir

La Formation, l'Etat (FNE formation) et la crise économique et sociale à venir

Le Ministère du Travail nous promet pour le 14 avril une ordonnance expliquant la mise en oeuvre du FNE formation (1 mois après le début du confinement il était temps !).

De nombreuses questions resteront malheureusement sans réponses tant que notre pays se paiera de mots, réformera dans le vide ou ne décidera pas de reconfigurer totalement ses propres institutions éducatives (à commencer par des Lycées professionnels qui absorbent 1/4 des ressources de la formation en France sans résultats avérés).

Combien l'Etat va-t-il financer la formation de 10 millions de salariés du privé (6 millions au chômage partiel et 4 millions en télétravail) alors que le chômage pourrait grimper à 30 % des actifs ?

En Avril 2020 le Compte Personnel de Formation de 20 millions de titulaires devait être crédité des 500 € des droits annuels à la formation créés sur l'année 2019. On attend de savoir quand et comment France Compétence versera à la CDC ces 10 milliards d'€ (qui ne représentent, rappelons-le, que le flux annuel des droits 2019 et non le stocks des 2 milliards d'heures de DIF/CPF accumulées entre 2004 et 2018)

A quoi pourrait bien être utile le Compte Formation s'il ne sert pas pendant cette crise du COVID 19 ?

L'Etat a fait savoir que les salariés n'auraient pas à utiliser leur CPF pour se former durant la période de confinement. Pourquoi ce revirement ? En fait le CPF n'est ni financé ni utilisable que ce soit en période de crise (et de confinement) ni même sans doute en période normale (que ce soit pour les 6 millions de chômeurs, les 6 millions de fonctionnaires et les 18 millions de salariés). C'était un artifice de communication sociale, ne servant qu'à la communication positive des Pouvoirs Publics ("vous êtes riches de 500 € de droits à la formation, mais surtout ne les demandez pas")

Pourquoi donc avoir créé une sorte de Compte Epargne formation (le CPF) s'il ne sert ni aux chômeurs, ni aux salariés, ni aux fonctionnaires ?

Les réformes de 2014 et de 2018 avaient prétendu faire du CPF le pilier de la réforme. Un pseudo sac à dos de droits acquis par le travailleur (pas seulement salarié) et qui le suivrait tout au long de sa vie pour être activé si nécessaire. Il n'en sera évidemment rien et l'Etat va payer en direct les formations à réaliser en dehors de ce CPF inutilisable et inutilisé.

En 2020 (et plus tard) il sera vital pour l'économie française que de très nombreux salariés se forment, apprennent ou se reconvertissent mais où prendre les fonds ?

En 2016 un rapport d'information des deux députés rapporteurs de la loi formation de 2014 (Jean-Patrick Gille et Gérard Cherpion) expliquait : "La somme de 32 milliards d’euros que l’on présente souvent comme celle investie dans la formation professionnelle est une addition « de choux et de carottes ». Elle inclut par exemple la formation dispensée dans les lycées professionnels, les salaires d’un certain nombre d’enseignants, etc. Le montant des sommes investies par les entreprises dans la pure formation professionnelle représente environ 6 milliards d’euros. C’est sur cette somme qu’il faut travailler. Il reste des choses à faire mais la formation professionnelle n’est pas un immense gâchis"

La formation professionnelle des 18 millions de salariés du privé ne représente donc que 6 milliards d'€ soit en moyenne 333 €uros par an et par salarié (contre 12 400 €uros par an pour un lycéen professionnel)

La formation professionnelle n'a absolument pas les moyens de former l'ensemble des salariés du secteur privé, une partie importante (1/4) des fonds formation est donc captée sans résultats par l'Education nationale et ses lycées "professionnels"

Le 12 mars 2020 la Cour des Comptes diffusait son rapport sur les Lycées professionnels

On peut lire dans ce référé entre autre ceci :

"Les conditions d’insertion dans l’emploi des jeunes issus de la voie professionnelle sont restées décevantes, très en retrait par rapport à celles d’autres pays où la formation professionnelle sous statut scolaire existe. La césure persistante entre l’école et l’entreprise, due notamment aux réticences d’une partie du corps enseignant à encourager l’apprentissage sous statut scolaire, est l’un des facteurs explicatifs majeurs de cet état de fait..."

"L’image du lycée professionnel est par ailleurs affectée par une offre de formation trop statique : certaines formations aux débouchés faibles mais ouvertes à un niveau de capacité d’accueil élevé à raison de l’existence des personnels enseignants, restent remplies par des élèves moins motivés et orientés par défaut. Faute d’outils de programmation à moyen et long terme de la carte des formations et des établissements, l’offre de formation n’a évolué qu’à la marge nonobstant le travail considérable effectué dans les régions pour établir des contrats stratégiques de développement des formations professionnelles"

De façon générale, le coût annuel du lycéen en formation professionnelle est 15 % plus élevé que celui du lycéen général ou technologique. Les exigences pédagogiques justement liées à la formation n’expliquent que très partiellement ce surcoût. Celui-ci est largement imputable à des choix et rigidités dans l’organisation de l’offre de formation : une taille des lycées professionnels inférieure de moitié à celle des lycées d'enseignement général et technologique (LEGT) ; l’ouverture de structures soit pour maintenir une offre de proximité, soit pour répondre à des besoins locaux de faible intensité ; la multiplication de dédoublements de classes au sein de structures ayant pourtant de faibles effectifs ; l’importance du décrochage scolaire ; une trop grande diversité de formations diplômantes. Ces facteurs conduisent à des surcoûts injustifiés et à une allocation des moyens plus subie que choisie par l’institution scolaire"

"Le maintien d’un nombre élevé de lycées professionnels, en moyenne deux fois plus petits que ceux de la voie générale et technologique, issu de l’histoire et souvent justifié par un besoin anticipé de proximité pour les publics les plus fragiles, conduit à la persistance, dans certains territoires, de formations peu pertinentes, peu propices au succès d’une insertion professionnelle, comme de la poursuite d’études".

Les lycées professionnels qui engloutissent 1/4 des fonds formation du pays sont bien évidemment (en partie) responsables du chômage de masse des jeunes depuis des années

Les lycées professionnels coûtent 8 milliards d'€ par an au pays (soit le 1/4 des dépenses de formation professionnelle) pour une insertion dans l'emploi symbolique ou très faible (15% d'insertion dans l'emploi durable dans certaines filières du type administrative ou sociale).

Les lycées professionnels engloutissent plus d'argent pour former (mal) 648 000 jeunes que la formation professionnelle pour former 30 fois plus de personnes salariées. Ces lycées professionnels doivent être mis sous tutelle des régions et des branches professionnelles pour rejoindre les CFA et leurs personnels quitter l'éducation nationale (ou intégrer l'enseignement général).

Les salariés du privé devront désormais se former sur leur temps personnel avec des fonds publics pendant le confinement puis privés (cotisations conjointes des employeurs et des salariés)

Les salariés du privé (à peine 1/3 de la population active sur qui pèse l'essentiel de la valeur ajoutée du pays devront disposer d'au moins 20 milliards d'euros (hors TVA) pour se former chaque année (10 milliards de formation individuelle et 10 milliards pour les formations collectives).

Si notre pays ne remet pas à plat la formation des fonctionnaires (avec ses dispendieuses écoles d'application et préparations aux concours) et la formation dans les lycées professionnels, nous ne pourrons pas sortir par le haut de cette crise économique, sanitaire et sociale.

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