Coronavirus et formation : la réforme doit être reportée
La France est désormais classée au 25e rang de l'OCDE pour les compétences de ses adultes. Si notre pays veut reprendre pied, retrouver ses compétences et sa compétitivité il n'a pas le droit d'affaiblir ou de laisser mourir ses organismes de formation. Dans un pays moderne la formation ne doit pas être un conte de fée ou une promesse sociale intenable.
La formation a vécu en France trois chocs majeurs ces dernières années
1. La crise financière et économique de 2008 qui vit de nombreuses entreprises remballer tous les projets éducatifs ambitieux. L'échec du DIF tint en grande partie, non pas à ce dispositif intelligent et décentralisé, mais à l'arrêt brutal des dépenses éducatives dans la plupart des branches professionnelles
2. Une réforme improvisée et impréparée en 2014. Elle n'aura tenu que quatre années (alors que le rapporteur de la loi la voyait servir durant des décennies) mais elle a contribué à faire chavirer notre système de formation (avec par exemple un CPF qui concerne désormais moins de 1 % des salariés)
3. Une nouvelle réforme en 2018, aussi mal pensée et impécunieuse que la précédente. Non seulement les entreprises de plus de 50 salariés ont perdu leur OPCA, les financements et les dispositifs anciens mais elles sont soumises, pour la fin 2020, à une injonction incohérente de former tous leurs salariés sous peine d'une amende de 3 000 € par personne (en exonèrant au passage les entreprises de moins de 50 salariés et les travailleurs en CDD ou précaires).
Le Coronavirus va tuer beaucoup plus de PME que de personnes en France, dans la formation ce pourrait être une hécatombe
La plupart des organismes de formation sont de toutes petites structures très fragiles, sans trésorerie ni capacité de se projeter en 2021. Le Coronavirus s'ajoutant à une sur-administration de la formation, à la nécessité d'acquérir une nouvelle et couteuse (en temps et en argent) certification qualité, il pourrait détruire l'essentiel du tissu éducatif privé en France.
Le coronavirus va inciter les entreprises à reporter leurs formations (en 2021 au mieux). Si les écoles ou les facs fermaient l'Etat ne manquerait pas de payer leurs personnels mais si un organisme de formation n'a plus de stagiaires qui paiera ses charges, ses loyers, ses salaires ? l'Etat, sans doute pas, France compétences ? on peut en douter. Il ne restera donc qu'aux organismes de formation à être liquidés et à la France de financer de grands groupes internationaux qui vendront chers des programmes d'E-learning simplement traduits de l'anglais ou du Chinois
La réforme de 2018 était insoutenable financièrement comme va le démontrer un rapport (si le rapport de l'IGAS/IGF est rendu public). On ne peut par exemple créer un droit au CPF de 500 euros par an avec une simple cotisation de 50 €, on ne peut garder un système dual de formation professionnelle initiale avec de coûteux (et inefficaces) Lycées professionnels et laisser tous les grands groupes ouvrir leur CFA (avec du coup l'abandon des CFA des artisans ou dans les campagnes)
Il faut avant cet été reporter ou annuler les mesures mal calibrées ou irréalistes de la réforme de la formation de 2018
- Ouvrir le CPF à tous les organismes de formation, avec ou sans certification à l'issue de la formation (comme le remarque une mission d'enquête sur le nouveau bac à l'EN on confond désormais en France la certification et la formation),
- Consacrer au moins 10 milliards d'euros au CPF chaque année en garantissant ces sommes sur les livrets d'épargne des Français (il est plus important de se former au XXIe siècle que de construire de nouveaux logement sociaux),
- Contraindre les employeurs publics à financer le CPF de tous les fonctionnaires à hauteur de 30 €/heure (la plupart des fonctionnaires disposant désormais de 150 heures de DIF/CPF)
- Reporter la certification qualiopi à 2025 et permettre à tous les prestataires enregistrés sur datadock de former tous les salariés, avec un taux de TVA unique et réduite à 5,5 %
- Introduire l'obligation de formation pour les salariés sur leurs RTT à hauteur de 10 % du temps travaillé
L'Etat doit intervenir rapidement sous peine de déplorer en 2021 un effondrement de la formation
Si l'Etat n'intervient pas très vite sur le financement des formations et sur la sauvegarde de notre écosystème formation, en 2021 la formation n'existera quasiment plus et notre pays ne pourra plus offrir que des programmes bas de gamme en E-learning à ses travailleurs. Est-ce réaliste et est-ce souhaitable ?