La gestion du poste client du point de vue juridique


Dans le contexte marocain, prenant en compte notamment les délais effectifs de paiement et les modes de règlement utilisés, la gestion du poste client est une affaire épineuse. Nombreux sont les chefs d'entreprises ou les directeurs financiers qui diront devoir dédier une voire deux ou trois personnes à temps plein, selon la taille de leur structure, pour obtenir des règlements dans des conditions non pas décentes mais qui restent supportables sans mettre la situation de leur entreprise en péril. La question de la gestion du poste client est donc une question essentielle pour ne pas dire centrale dans la relation client - fournisseur.

A cet égard, la relation commerciale a toute son importance, il est vrai. Mais le droit peut aussi intervenir à plusieurs niveaux et il ne faut certainement pas le négliger.

Ainsi, les conditions de règlement peuvent et même doivent être prévues à l'avance dans le contrat. Rappelons que ce qui est un contrat juridiquement peut prendre des formes très diverses. Un bon de commande assorti de conditions générales de vente peut parfaitement faire l'affaire sous réserve d'avoir été dûment validés par le client. A titre d'exemple, prévoir que le règlement se fera de manière fractionnée dont une partie (plus ou moins importante) à la commande peut limiter le risque d'impayé ou la croissance à des niveaux parfois surréalistes de la DSO. Encore faut-il que le métier et la relation commerciale le permette.

Autre possibilité que le droit met à la disposition des fournisseurs, l'exigence quant aux moyens de paiement utilisés. Le cash est le plus sûr (il n'existe pas de billet sans provision...) sauf si on a à faire à un escroc de premier plan usant de fausse monnaie. Autant dire que le plus sécurisé, de loin, reste donc le paiement en numéraire. Mais ce n'est pas toujours possible pour des motifs juridiques voire fiscaux, notamment au-delà du seuil des 10.000,00 Dhs. Plusieurs possibilités existent alors en complément, présentant toutes des avantages ou des inconvénients, pour le client ou pour le fournisseur. On peut citer, par ordre de préférence en pratique, le chèque, la lettre de change ou traite, le virement. Dans un contexte de trésorerie tendue, le risque juridique, pénal, lié au chèque devrait inciter les clients à en user avec précaution. Ce n'est pas encore totalement le cas pour des motifs liés non pas à l'ignorance mais à la confiance dans le fait que le fournisseur ne déposera pas plainte devant le procureur dans un tel contexte. Si le nombre des chèques impayés s'est réduit entre professionnels au cours de l'année 2015 selon des chiffres récents, attendons de voir ce qu'il en sera en 2016. La traite et le virement, qui ne sont pas sanctionnés par des dispositions pénales en cas de défaut, sont trop souvent négligés par les clients (encore que...). Ils présentent des avantages pour le fournisseur, variables, mais ils ne sont pas forcément applicables ou pertinents selon les montants, les circonstances et les besoins propres au fournisseur.

Un autre volet doit également être pris en compte, souvent limité aux opérations lourdes ou bancaires. Les fournisseurs peuvent demander des sûretés (cautionnement, hypothèque, nantissement...) pour se couvrir du risque d'impayé ou de paiement tardif. Ces sûretés peuvent être prises soit sur l'entreprise cliente soit sur le patrimoine personnel des dirigeants. La nature même des sûretés à constituer fait partie d'un panel large et leur pertinence est très variable selon le risque que l'on veut couvrir, la disponibilité du patrimoine à viser, la relation existante et la situation effective du client (en termes d'encours existants et de dette globale à l'égard de tiers). Il s'agit là aussi d'une stratégie à déterminer et d'une politique à déployer et implémenter avec rigueur, chaque fois que cela est possible.

Ces pistes ne sont pas les plus innovantes et doivent être complétées par un process interne de recouvrement prenant en compte la dimension juridique mais aussi la dimension commerciale et financière. Pour cela, une démarche transversale doit être engagée au sein de l'entreprise et suivie par des indicateurs à intégrer dans un tableau de bord géré par un comité de direction (quand il en existe un) ou un comité de pilotage du poste client, formel ou informel. Dans un contexte de durcissement des délais de paiement, il peut s'agir de conditions de survie pour certaines entreprises ou, dans une moindre mesure, de modalités protégeant le développement de l'entreprise. Là encore, le recours à un professionnel, apte à analyser la situation et force de proposition dans la conduite du changement vers une meilleure position, peut être une vraie force.


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