LA GROSSE BRUTE DU BUREAU

LA GROSSE BRUTE DU BUREAU

La gorgée de café n’a pas passé. Je suis révoltée à la lecture de la Presse d’aujourd’hui. Un garçon de 6 ans de Québec a été si violemment tabassé dans la cour d’école qu’il a subi des blessures physiques et psychologiques importantes qui auront un impact sur le reste de sa vie. Sa mère a intenté des poursuites pour un maigre 800 000 $. C’est bien peu pour tous les soins requis par son enfant depuis la fameuse raclée. Et le pire dans cette histoire est que les terreurs qui ont changé sa vie à jamais ont eux aussi 6 ans.

Mais que deviennent ces bullies une fois l’âge adulte atteint ? Certains deviennent de bons citoyens, regrettant sans doute ce qu’ils ont fait endurer à leurs camarades de classe. Toutefois, il y aura toujours des intimidés et des intimidants, que ce soit dans les cours d’école ou au bureau. Et les grands méchants y sont aussi nuisibles, faisant de sérieux dommages en milieu de travail.

Parlez-en à Stéphanie* qui, tout heureuse, avait accepté un poste bien rémunéré au sein d’une agence de pub ayant le vent dans les voiles. Pour son malheur, elle se retrouva parmi une équipe bien établie, dans laquelle œuvrait une personne à la forte personnalité. Il ne fallut que quelques heures à Stéphanie pour constater la domination qu’avait cette femme sur l’équipe et quelques semaines de plus pour se rendre compte comment elle y parvenait.

Les rumeurs, les commérages et les dénigrements tant personnels que professionnels ne tardèrent pas à circuler sur son compte, bien qu’elle n’avait pas eu le temps nécessaire d’accomplir la moitié de ce dont on l’accusait. Les attaques fusaient de partout : sous la forme de paroles pleines de sous-entendus lors de réunions, de rebuffades à peine voilées devant les collègues dénigrant la qualité du travail accompli, et en ragots rapportés à son patron. On semblait même s’ingénier à lui remettre des rapports en retard, l’empêchant d’accomplir son travail à temps.

Stéphanie tenta bien de parler à sa collègue pour comprendre la situation et surtout pour tenter de l’apaiser. Erreur, lui apprit une personne de l’équipe qui eut vent de sa tentative. Elle lui expliqua avoir été elle aussi dans la niche à chien, chose qui arrivait pratiquement à tous nouveaux venus dans l’équipe. Et c’est ainsi que la tortionnaire de Stéphanie régnait : une fois sortis de ses griffes, ses collègues avaient tellement peur d’y retomber qu’ils participaient à leur tour au méchant petit jeu. Bizarrement, une fois la personne « acceptée » dans le cercle des initiés, la mégère devenait pleine d’attentions et de gentillesses, alors à quoi bon changer la situation ? Il y avait toujours une nouvelle victime de toute façon.

Les bullies existent en milieu de travail, et ils font des ravages. Il faut, bien sûr, faire la différence entre intimidation et conflit normal. L’intimidation en milieu de travail est définie comme : « Un comportement répété, persistant et continu à l’opposé d’un seul acte négatif et est généralement lié à un déséquilibre de pouvoir entre la victime et l’auteur de l’abus, faisant sentir la victime comme étant inférieure1 ».

Fait à noter, l’intimidation en milieu de travail se produit quatre fois plus souvent que le harcèlement sexuel2. Il existe peu de données canadiennes, mais un sondage américain suggère que 37 pour cent des travailleurs ont été victimes d’intimidation au travail, et 45 pour cent des personnes ciblées ont rapporté des niveaux des stress affectant la santé3.

Des profils ont été faits des bullies : on retrouve souvent chez eux une pauvre estime de soi, de piètres habiletés de communication, des problèmes non résolus liés au travail et la croyance d’avoir le droit de contrôler les autres par un comportement abusif. L’intimidation est pour eux un moyen de couvrir leurs propres faiblesses et insécurités2.

Mais comment agir lorsque l’on est confronté comme Stéphanie à pareille situation ? Il faut, en premier lieu, garder son calme et noter chaque incident (date et heure) de façon à avoir des preuves. Ensuite, essayez d’avoir des témoins lorsque des incidents se produisent, et encore une fois, notez leur nom, la date et l’heure. Si vous êtes syndiqué, tentez d’obtenir des conseils de votre syndicat. Essayez aussi de parler avec la personne auteur de l’abus, peut-être arriverez-vous à régler la situation.

Si rien n’y fait, il faut alors mettre votre gestionnaire au courant de la situation. Mais attention, si la société pour laquelle vous travaillez tarde à réagir, il se peut que votre patron soit paralysé par le manque de soutien de son propre patron (ou encore qu’il préfère ne pas trop brasser la cage !). Si vous désirez conserver votre emploi, informez votre patron que la situation est intenable et faites-lui part de votre intention de déposer une plainte aux ressources humaines.

Vous pensez que la société pour laquelle vous travaillez verra d’un mauvais œil cette gradation de conflit (et il y en a malheureusement !) ? Posez-vous alors la question : vaut-il vraiment la peine de travailler pour une entreprise qui n’a pas à cœur le bien de ses employés ?

Il existe aussi des ressources propres à chaque province, notamment la Commission des Normes du travail au Québec, où vous pourrez trouver des réponses à certaines de vos questions à défaut d’en recevoir de votre employeur.

Qu’est-il arrivé de Stéphanie ? Après avoir étudié toutes ses options en prenant en considération l’atmosphère de travail difficile, elle démissionna.   Toutefois, elle parla franchement des raisons l’ayant poussée à trouver un autre emploi lors de l’entrevue de départ, se croisant les doigts pour que ses paroles servent à son remplaçant.

*Le nom a été changé.

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Vous pouvez communiquer avec les auteures à : consultation.virtus@outlook.com ou mj.verhaaf@gmail.com

 

Anick Lamothe et Marie-Josée Verhaaf

  1. Salin, D 2003, « »Ways of explaining workplace bullying : A review of enabliong, motivating and precipitating structures and processes in the work environment », Human Relations, vol. 56, no. 10, pp 1213-1232.
  2. Rowell, P 2005, « Being a target at work : Or William Tell and how the apple felt”, JONA, vol. 35, no. 0, pp. 377-379.
  3. U.S. Workplace Bullying Survey : September, 2007
Anick Lamothe LL.B., D.D.N.

Freelance Translator, Author, Content Creator and Blogger

9 ans

Merci Caroline !

Caroline Houle

Coordonnatrice des services ambulatoires spécialisés CISSS Montérégie Est

9 ans

Excellent article!

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