La justice dévoyée

La justice dévoyée

Ce que met en lumière le traitement judiciaire de l'affaire Sarah Halimi.

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Stupeur, honte, abattement. 

Colère profonde, vertigineuse, mais désormais presque désabusée, comme une énième marque de déception tout aussi profonde, qui rentrera dans le rang, qui sera ressassée mais ravalée, probablement enterrée par le flot de ce que seront les indignations des jours suivants, comme elle l’est depuis quatre ans que le meurtre a été commis, même si subsistait le mince espoir de l’ultime recours judiciaire.

La réaction à l’annonce de la décision de la Cour de cassation, confirmant l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, est à peu près partagée, cette fois, par l’ensemble de ceux qui refusent de voir l’insupportable excusé par le jeu de mécaniques juridiques aveugles et des sempiternelles causalités sociologiques ou psychologiques disculpatoires et expiatoires.

Mais si la sociologie nous avait habitués, hélas, à un décrochage souvent spectaculaire avec le réel, à la mesure inverse de l’orgueil soupçonneux de ses clercs pour traquer les déterminismes, et de leur volonté de faire de leur discipline une « science » reconnue comme telle, il restait une sorte de foi en la justice. Une foi certes toujours mise à l’épreuve, sans cesse écornée, sans cesse déçue mais toujours également renouvelée, irrationnelle en ce sens – mais n’est-ce pas l’attribut-même de la foi – une foi comme un pari – l’autre attribut de la foi, pascalien. Une foi en la justice, celle d’un pays, celle d’un monde, mais aspirant à l’universel, en héritière des lumières antiques sur lesquelles elle s’est construite.

La justice, simple mais essentiel mot d’ordre scandé par tous ceux qui s’en estiment privés, partout ; la justice, comme un horizon régulateur auquel chacun en appelle, sous le joug des tyrannies ou au sein des imparfaites démocraties ; la justice, hors d’atteinte, par définition, nécessairement inaboutie dans sa pratique, et qui cependant demeure exigence innée et ancrée au cœur de l’âme humaine, et condition de possibilité de la vie en société.

Mais il est des coups susceptibles d’ébranler jusqu’à la foi ancestrale ; il est des logiques qui se font jour, brutalement, et dessinent un monde que l’on ne peut plus comprendre ou tolérer ; il est des moments de bascule, peut-être, où l’injustice revêt un tour si absurde, si criant et si particulier qu’elle ébranle l’idée même qui a tenu bon jusque-là. 

Ainsi de cette décision, annoncée près de quatre ans jour pour jour après les faits – lugubre anniversaire – dans les médias et sur les réseaux, qui, comme le reste, sera bientôt absorbée par le flux continu d’autres nouvelles et d’autres commentaires, mais qui si l’on s’y arrête un moment pour un examen de vérité, représente une véritable épreuve collective, tant elle met à mal les fondements de nos valeurs, de nos croyances et de nos institutions.

Il faudrait revenir sur le silence glaçant qui a entouré le traitement de cette affaire : silence médiatique au lendemain du crime, silence sous la forme du déni initial de son caractère antisémite et du refus de la reconstitution du meurtre, silence sur les tortures subies par la victime, silence autour du retard de l’intervention de la police au moment des faits, silence à propos des antécédents judiciaires, du profil radicalisé du meurtrier, et silence autour de son absence d’antécédents psychiatriques, paradoxe puisque c’est finalement cette variable qui fera l’essentiel de l’argument du jugement. Une chronologie chaotique qui révèle son lot d’incompréhensions et de désolants dysfonctionnements.

Mais c’est cette décision de la Cour, pourtant presque logique et attendue étant donné le fonctionnement de l’institution judiciaire, qui peut-être cristallise le plus cet absurde qui s’est noué sous nos yeux de citoyens. Un absurde au sens camusien du terme pourrait-on dire, ce décalage entre « le désir éperdu de clarté dont l’appel résonne au plus profond de l’homme » et « cet irrationnel » du monde, de la justice en l’occurrence.  

Ce que l’on ne peut comprendre, c’est bien sûr la contradiction interne fondamentale du jugement initial, quel que soit l’angle par lequel on l’aborde : contradiction entre un acte reconnu comme « à caractère antisémite » d’un meurtrier radicalisé, donc motivé, motivé par essence même, au double sens du terme, par nature et de manière essentialisée (un meurtrier « fou », mais pas au point d’en oublier que sa victime était juive, parmi les autres victimes « potentielles » qui ont croisé son chemin cette nuit-là sans déclencher sa folie meurtrière), et l’irresponsabilité déclarée de son auteur en raison d’une autre cause retenue. 

Contradiction entre l’établissement de cette cause, la « bouffée délirante » ayant conduit à l’abolition du discernement et provoquée elle-même, entre autres facteurs ou principalement (et c’est là une partie cruciale de la question) par l’absorption de cannabis, et sa conséquence, le meurtre, exempté en raison même de ce qui aurait dû le condamner, le caractère volontaire de cette absorption. 

Contradiction entre la gravité de l’acte et la circonstance retenue, la consommation de cannabis ayant participé au déclenchement ou à l’aggravation du trouble psychique, circonstance devenue atténuante au point d’en abolir l’idée même de justice. 

Ce sont ces contradictions, cette incertitude sur l’enchevêtrement des causes et mobiles, aussi complexe soit-elle, qui auraient mérité d’être éclaircies par un procès.

Ce que l’on ne peut admettre, c’est que la justice soit tenue par l’expertise psychiatrique, elle-même incarnée par un « collège » de trois experts, confirmés par trois autres... Experts qui auront eu pour tâche, redoutable, impossible, d’évaluer, plus d'un an après les faits (un an après les faits !) si de cette prise de cannabis (chronique, massive et au long cours chez le meurtrier, et non ponctuelle) a résulté une simple « altération » du discernement qui aurait rendu l’auteur du meurtre pénalement responsable, ou une « abolition », qui l’en a rendu irresponsable. 

Une querelle de mots et de maux, une échelle de degrés sur laquelle il a fallu nécessairement statuer, avec les méthodes en vigueur, qui ne sont d’ailleurs jamais évoquées en détail, secret professionnel, expertise de l’expert, pour des conséquences vertigineuses. 

Avec quelles certitudes ? 

Forcément aucune, puisqu’il n’existe point de mesure certaine en la matière ; une interprétation, toujours, qui peut être fondée et bien fondée mais qui sera toujours une question d’appréciation de celui qui statue, quelle que soit sa compétence, dont personne ne veut douter. Une décision capitale repose donc sur une poignée d’hommes, une intime conviction professionnelle d’expert, que les juges, experts eux aussi, auront suivie. 

Preuve de l’aléa dans cette affaire, ce collège aura contredit le verdict de la première expertise menée deux ans auparavant, quelques semaines après les faits, qui avait conclu sans ambiguïté à la responsabilité pénale du meurtrier. Il avait déjà fallu s’y reprendre à deux fois pour que soit reconnu le caractère antisémite du meurtre. C’était sans compter sur l’instruction sollicitant une nouvelle expertise alors même que la défense ne la réclamait pas...  Le jeu de l’expertise / contre-expertise s’est alors mis en marche, pour aller chercher une certitude par définition impossible à établir mais d’apparence rigoureuse, par inférence et confirmation, démarche qui n’a pourtant jamais fait science. Une logique véritablement scientifique aurait voulu qu'un seul avis contraire (en l’occurrence, le premier) suffise à réfuter l’hypothèse d’irresponsabilité, ou introduise au moins l’idée d’un « doute raisonnable » au sujet de celle-ci.

Ce que l’on ne peut entendre, c’est que cette décision émane de la plus haute autorité de justice, le dernier recours, le conseil des sages censé être l’ultime rempart contre une justice des hommes nécessairement imparfaite, encore une fois. Il aura fallu quatre ans, de combat, de souffrance, de colère froide et déterminée, quatre ans pour parvenir à un arrêt sous la forme d’un coup d’arrêt, qui consacre non seulement une hérésie juridique, mais une forme d’hérésie morale. 

Un arrêt présenté avec les commentaires de rigueur, qui rappellent toujours le même principe, la Cour ne juge pas les faits, mais veille à l’exacte application de la loi, à la conformité du jugement aux règles de droit. Point de recherche de vérité ici, en tant qu’adéquation de l’idée à la chose, point de jugement du fond mais un jugement de droit. 

A l’arrivée, point d’entorse au principe d’irresponsabilité, donc : on ne juge pas les criminels dont le discernement a été aboli, « en l’état actuel de notre droit »[1] comme le rappelle presque ironiquement et dans un involontaire aveu l’avocat de la défense, comme s’il était trop évident que quelque chose ne tourne pas rond dans ce droit-là. 

Il n’y aura donc pas de procès aux assises. 

Qu’attend-on d’un procès aux assises ? Comme le rappelait lui-même un des membres du collège d’experts psychiatriques[2] : le deuil pour les familles de victimes, la sanction de l’auteur du crime, et la protection de la société. Il n’y aura, ici, pas de deuil pour la famille, l’auteur du crime ne répondra jamais de ses actes, et la société se trouve exposée comme jamais par cette décision. 

Mais la Cour de cassation, elle, sera restée dans son rôle, nous rappellent les dévots de la lettre juridique.

Les avocats des parties civiles demandaient précisément à cette Cour « la consécration jurisprudentielle du principe selon lequel l’auteur d’une infraction ne peut se prévaloir d’une consommation de stupéfiants pour être déclaré irresponsable pénalement, si c’est son intention qui est à l’origine du trouble », demande éminemment légitime et logique du point de vue du déroulé des faits. Mais la Cour a tenu bon, juge du droit et non juge du fond, tout en concédant du bout des lèvres l’existence d’un « vide juridique » autour de cette question « complexe ». La défense, et tous les tenants de la « logique » juridique sont satisfaits, le droit ne s’est pas dédit et les institutions sont restées sur les rails, renvoyant le politique à ses responsabilités (changez la loi, si elle ne vous convient pas), après l’avoir déjà renvoyé à son périmètre (« Indépendance de la justice ! »[3] avaient clamé en chœur la première présidente de la Cour de cassation et le procureur général, après les propos d’Emmanuel Macron en janvier 2020 appelant au « besoin de procès » et de « réparation », en écho au sentiment de l’opinion). 

Ce faisant, la décision risque de créer la jurisprudence inverse de celle souhaitée, la jurisprudence du pire, celle qui pourra disculper sans procès le terroriste ou l’assassin sous psychotropes, ou en tout cas est-ce le message qui semble avoir été délivré dans l’esprit de l’opinion, ce que ne manquent pas de souligner avec un cynisme accablé les observateurs de bon sens et avec eux la presse du monde entier : « En France, les auteurs de crime antisémite invoquent la folie pour échapper à la justice. [...] Et cela semble marcher » résumait déjà le quotidien Haaretz le 23 novembre 2019, quelques mois après la première ordonnance rendue par les juges d’instruction. Aujourd’hui une juive en tant que juive, demain n’importe quelle victime d’un criminel sous influence. La loi changera probablement, mais l’absconse et absurde logique judiciaire à l’œuvre dans le traitement de l’affaire auront jeté un discrédit sans précédent sur l’institution, son fonctionnement, et l’idéal qu’elle est censée incarner, toujours. 

Alors, passée la séquence de réaction, commencera ou recommencera le procès de la justice et des magistrats (les avocats en sont souvent graciés, car il est entendu dès le départ que leur cause est intéressée et partiale, par définition). Car, malgré les arguments et la logique exposée, le recours légitime au jeu des expertises et contre-expertises nécessaires, l’existence du principe d’irresponsabilité pénale propre à toute démocratie, la vérification de la conformité du jugement aux règles de droit établi par la Cour, malgré tout cela, demeurent un profond malaise et une profonde incompréhension.

Pourquoi cette justice de la lettre a-t-elle semblé totalement évacuer l’esprit de la loi qu’elle est censée saisir, plus que tout ? Comment en arrive-ton à un verdict qui semble si déconnecté de l’idée de justice ?

Les réponses à cette question seront différentes selon les interprétations, mais certaines reviendront : le jugement est orienté sinon partisan, qui s’empresse de vouloir décharger l’individu qui commet un crime au nom d’un fanatisme et même sous influence volontaire, pour ne pas nourrir la grande division idéologique qui mine le pays, et plus largement le monde. Ne pas nommer le mal, ne pas ostraciser, ne pas institutionnaliser la discrimination toujours menaçante, ne pas froisser, ne pas attiser les tensions. Ici la psychiatrie complète le panel de concepts et outils déjà mobilisés par la sociologie avide de révéler les déterminismes et causalités externes qui tendent à exonérer autant que possible la responsabilité individuelle, et à renverser la charge de la culpabilité sur le collectif, la société, et l’héritage historique forcément coupable de la nation. 

Et bien sûr, hélas, on ne pourra donner complètement tort à ceux qui condamnent cette abdication de nos principes face à l’abject, tant l’actualité des dernières années a mis en évidence les capitulations intellectuelles et morales à l’œuvre dans tous les rouages des institutions, partis, organisations de la vie publique. 

Mais ces accusations, pour fondées qu’elles soient, hélas encore, se trouveront réduites à une contre-idéologie, une opinion (l’opinion réactionnaire-type, même, face au progressisme ambiant) disqualifiée d’office à ce titre, et davantage encore parce qu’elle ne relève pas de la double caution juridico-scientifique dont se prévalent au contraire le jugement et le système duquel il émane. 

C’est d’ailleurs le sens de la formule défensive de l’un des experts peu après le renvoi du jugement en cassation, en 2019 : « La virulence des milieux associatifs et des avocats des parties civiles, tout comme les hésitations juridiques quant à la qualification des faits, ont donné fort à faire aux experts lors du procès, pour tenter de dépassionner le débat et en garantir le niveau scientifique. ».[4] Ainsi, dans un stupéfiant retournement, ce sont les parties civiles, celles qui demandent justice, au moins à travers un procès qu’elles n’auront pas, ce sont les parties civiles « virulentes », qui se trouvent sanctionnées d’un procès en émotion et empêchent les experts de travailler, experts dont la visée est avant tout « scientifique ». Le même expert appuiera ce point, à la clôture de l’affaire, quelques jours après la décision de la Cour : l’irresponsabilité pénale a été prononcée, « tout simplement parce qu’elle s’imposait techniquement ! »[4]

« Techniquement ». Le mot est lâché, et simplifie tout, d’un coup, évacuant la nuance, le doute raisonnable, « imposant » la décision, qui a désormais valeur de certitude.

Une autre face désolante de l’affaire transparaît dès lors ici, qui offre une autre lecture de la décision, plus fondamentale, plus souterraine et structurelle peut-être que l’explication idéologique : comme d'autres forces motrices de notre temps – la technologie, l’économie financiarisée, la marchandisation et la monétisation du moindre aspect de la vie – la justice telle qu’elle fonctionne à travers le système judiciaire est devenue une entité autonome, qui tourne à vide et sur elle-même, en boucle, selon des principes et des procédures dont la visée ultime est moins d’être connecté au réel que de respecter une logique interne rigoureuse tout au long de la chaine. 

Une justice qui traque en elle-même les moyens de sa propre obstruction, une machine procédurale lancée et alimentée par des hommes, humains trop humains, mais qui paradoxalement, fonctionne désormais sans l’homme, simple clerc chargé de nourrir et d’appliquer le référentiel interne. 

Comme l’algorithme, la marchandise ou le titre financier, la décision de justice s’est autonomisée et a évacué la finalité au profit du moyen : l’employé de la justice doit simplement continuer à faire tourner la machine des décisions de manière formellement cohérente. Ce qui semble importer plus que tout, ce n’est plus la décision particulière et ceux qu’elle concerne, ce ne sont plus l’âme et la conscience, l’intime conviction, le jugement éclairé et lié au réel, mais la cohérence de forme dans l’application des règles, celles d’un système qui semble désormais tout entier voué à l’examen permanent de la conformité à ses propres principes de fonctionnement. 

Un système sous forme de chaines d’expertises liées, produisant une machine sophistique autocentrée et auto-référente en somme, qui évacue le sens et la morale, se réclame du « scientifique » pour nourrir une sorte de raison instrumentale juridique dédiée à son propre intérêt, la cohérence interne, et à la préservation de son image et de ses prérogatives. 

On pense alors aux mots d’un éminent magistrat, tenus quelques semaines après le meurtre, qui exhortaient à faire confiance à la justice, et qui suivaient la tribune des 17 intellectuels appelant à faire toute la lumière nécessaire face au silence autour de l’affaire et les dysfonctionnements dans son traitement[5]. Mots qui prennent une résonance terrible et si dissonante aujourd’hui : « On sait déjà – et dans ce malheur c’est une embellie – que Sarah Halimi n’est pas reléguée dans l’oubli. Mais à vie dans nos sensibilités de citoyens et j’en suis sûr à sa vraie et belle place dans l’univers judiciaire »[6]

Le passage est symptomatique. Outre les qualificatifs si inappropriés, il illustre bien, en creux et malgré lui peut-être, l’incroyable inversion de la logique et des valeurs : la victime devient l’objet, et l’univers judiciaire le sujet. Il faut défendre l’institution, avant tout, et on ne se rend peut-être même plus compte du dévoiement de la finalité qui s’opère ici, trait caractéristique d’une institution-Léviathan devenue en elle-même sa propre fin, nourrie par ceux qui lui donnent corps.

Ainsi comprend-on un peu mieux le procès régulier en corporatisme fait aux magistrats, comme à d’autres, en tous lieux, toutes institutions, dès lors que le corps lui-même, l’entité, priment sur la mission, sur le caractère singulier de chaque affaire, et alimentent la déconnexion avec le réel. 

Mais ce procès est souvent trop sommaire et caricatural, et manque l’essentiel : derrière le corporatisme il n’y a pas seulement ce que l’on se figure traditionnellement – défense des intérêts, du pré carré, des statuts et privilèges, de l’image etc. – mais bien plus profondément, cette logique presque aveugle, automatique, immanente, d’autonomisation de l’objet par rapport au sujet et d’inversion de la finalité.

Aussi, les arguments de l’idéologie et du corporatisme échouent-ils à restituer pleinement la nature de ce qui s’est joué à travers cette décision, et qui témoigne d’une crise identitaire plus profonde du système judiciaire, crise qui se fait jour dès lors qu’on envisage celui-ci dans sa logique de fonctionnement technicienne et instrumentale.  

C’est désormais comme à une révolte impossible que se trouve confrontée cette colère provoquée par la décision, ultime effet collatéral de cette si triste affaire : qui voudra en effet accabler la justice de son pays au moment même où celle-ci, et une grande part de ce qui fonde la société ouverte, valeurs, principes de fonctionnement, héritage, est justement assailli par ses ennemis et leurs compagnons de route ? 

Ça n’est d’ailleurs pas le moindre mal causé par cette décision, qui risque de hanter structurellement la conscience collective et « nos sensibilités de citoyens » : à l’abject et la barbarie du crime, aux incohérences du traitement de l’affaire durant quatre ans, au déshonneur de son jugement, s’ajoute l’insupportable et ironique affront de devoir trouver un discours et un mode opératoire différents de ceux qui fragmentent la société, et qui crient précisément au déni de justice permanent.

Une lutte intérieure de plus : ne pas être ceux-là, rester responsable y compris face à l’irresponsable, et se résigner à tenter, encore, de trouver la force du recul et de la nuance dans le combat pour faire évoluer la loi, afin de ne pas nourrir la haine d’institutions qui implosent. Non seulement de l’espace qu’elles ont laissé à ceux qui veulent les abattre, en profitant d’une tolérance vidée de sa substance à force de s’être muée en lâcheté, mais également de la fuite en avant de leur propre dynamique de fonctionnement. 

Raphaël Roy

                                                                                                                                                                       



[1] Déclaration publique de Me Patrice Spinosi – 14 avril 2021

[2] Interview de Paul Bensussan, psychiatre, expert agréé la Cour de cassation – L’Express, 24 janvier 2020

[3] Communiqué de Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, et François Molins, procureur général près la Cour de cassation – 27 janvier 2020

[4] Interview de Paul Bensussan – L’Express, 24 janvier 2020, puis Marianne, 19 avril 2021

[5] L'appel de 17 intellectuels : « Que la vérité soit dite sur le meurtre de Sarah Halimi » in Le Figaro, 1er juin 2017

[6] Tribune de Philippe Bilger « Affaire Sarah Halimi : le point de vue de Philippe Bilger » – Le Figaro, 5 juin 2017

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