« La leçon à tirer d’Uber : investir dans nos éducateurs » (J. Kim, Dartmouth College)
"Il est tentant de penser que l’enseignement supérieur devrait s’inspirer davantage d’Uber. Qu’il s’agisse d’une très mauvaise idée en soi n’empêche pas d’y songer", écrit Joshua Kim, directeur du Digital Learning Initiatives au Dartmouth Center for the Advancement of Learning (Dartmouth College, New Hampshire), dans une tribune publiée sous le titre "Être à l’écoute d’User" sur le site Inside Higher Education en décembre 2015. La tribune de Joshua Kim est traduite et reproduite en intégralité par News Tank Education avec son autorisation, le 12/01/2016."
« La vraie leçon à tirer d’Uber n’est pas qu’il faut investir dans les technologies éducatives, mais plutôt qu’il faut investir davantage dans nos éducateurs », indique-t-il. Joshua Kim estime par ailleurs que le programme Global Freshman Academy, un partenariat entre l’Arizona State University et la plateforme d’apprentissage en ligne EdX qui offre aux étudiants de première année la possibilité de suivre des cours en ligne à un coût réduit, « est pour l’enseignement supérieur l’aventure la plus marquante de l’année 2015, parce que cette expérience a le potentiel de changer notre modèle éducatif ».
Quel équivalent d’Uber pour l’enseignement supérieur ?
« Uber représente pour les taxis un tel bond en matière de transport que l’on aspire malgré soi à un bond similaire pour l’enseignement supérieur. Quand on voit ce que la combinaison du big data et de l’informatique mobile et ubiquitaire peut faire pour les transports, nos esprits ne peuvent que s’enthousiasmer à l’idée d’appliquer ces technologies à l’enseignement supérieur.
L’industrie du taxi fait tout ce qu’elle peut pour préserver ses acquis de la concurrence et l’on peut se demander si nos établissements feront de même dès lors que l’on touche à des questions d'éducation et d’accréditation.
Que serait l'équivalent d’Uber pour l’enseignement supérieur ? Je suppose que le grand changement qui interviendra dans la prochaine décennie concernera surtout les enseignements fondamentaux du premier cycle.
Cela prendra un peu de temps, mais dans quelques années (peut-être pas plus de trois ans) nous découvrirons que la combinaison de plateformes d’adaptive learning (apprentissage adaptatif) et de plateformes ouvertes de cours en ligne sera en mesure de produire des résultats équivalents à ceux des cours fondamentaux traditionnels. »
Global Freshman Academy pourrait changer le modèle éducatif
« Si le programme Global Freshman Academy est pour l’enseignement supérieur l’aventure la plus marquante de l’année 2015, c’est parce que cette expérience a le potentiel de changer notre modèle éducatif.
Le programme « Global Freshman Academy »
Il s’agit d’un partenariat créé en janvier 2015 entre l’Arizona State University et la plateforme d’apprentissage en ligne EdX, qui offre aux étudiants de première année la possibilité de suivre des cours en ligne dans le cadre de leur première année d’études (undergraduate) et à un coût réduit, les étudiants ne réglant leurs frais de scolarité qu’à l’issue de la validation de chaque cours.
Les étudiants participant à ce programme ne sont pas contraints de s’inscrire à l’université pour obtenir leurs crédits. Ce programme vise à donner la possibilité aux étudiants de tester différents enseignements avant de s’engager à s’inscrire dans une université et à payer les frais de scolarité complets.
Les frais de scolarité du programme sont de 5 000 $ en moyenne par étudiant (4 600 €).
Plutôt que d’assister à des cours dans des amphithéâtres géants, les étudiants de demain seront en mesure d’acquérir des connaissances fondamentales (et d’obtenir des crédits) à moindre coût et en ligne.
Cette approche permettra de libérer des ressources pour le mentorat, le tutorat et l’accompagnement des étudiants en difficulté, car les ressources pourront être consacrées en priorité à ceux qui ont le plus besoin d’aide. Cela contribuera également à réduire le temps d’obtention du diplôme et à baisser les coûts de la scolarité au niveau undergraduate (premier cycle).
Pour le niveau undergraduate, l’enseignement supérieur du futur sera moins onéreux et plus rapide ̶ du moins pour les étudiants ne faisant pas partie de quelques établissements très sélectifs. »
Le rêve d’un Uber se brise pour l’ESR…
« Là où le rêve d’un Uber pour l’enseignement supérieur se brise, c’est pour tout ce qui vient après l’acquisition de compétences fondamentales. Ce qu’on attend de l’enseignement supérieur dans l’avenir est de fournir le même type de formation que celui dispensé dans les ”liberal art schools” [universités d’arts libéraux : classification de l’enseignement supérieur aux Etats-Unis qui offre des programmes spécialisés aux arts libéraux (humanités) dont l’objectif est de créer une connaissance générale du monde].
L’enseignement supérieur devra avant tout préparer les diplômés à un apprentissage tout au long de la vie, en se concentrant moins sur les compétences professionnelles et les besoins spécifiques du marché du travail à un moment précis. Car ces emplois vont sans cesse changer. Ce qui ne changera pas, c’est la nécessité de former des personnes capables de raisonner, de travailler en équipe, de communiquer efficacement les unes avec les autres, et de s’adapter aux évolutions conjoncturelles. Les emplois que les robots ne seront pas en mesure de remplacer sont ceux fondés sur les arts libéraux. »
…mais il y a des leçons à en tirer
« Quelles leçons pour l’enseignement supérieur pouvons-nous tirer de l’expérience Uber ?
Le chemin le plus intelligent que puissent emprunter nos colleges et universités est celui qui consiste à investir autant de ressources possibles dans les formations et apprentissages qui ne sont pas sujets à la marchandisation ni sensibles aux changements : dans les méthodes d’enseignement qui ne sont pas susceptibles d'être remplacées par les téléphones intelligents et le big data.
La vraie leçon à tirer d’Uber n’est pas qu’il faut investir dans les technologies éducatives, mais plutôt qu’il faut investir davantage dans nos éducateurs. Uber nous enseigne que nous avons besoin d’investir dans un modèle au sein duquel des professeurs expérimentés et qualifiés disposent de l’autonomie, de l’espace, du temps et du soutien nécessaires pour construire une relation d’apprentissage durable avec chacun de leurs étudiants. »
Ce qui ne peut être commercialisé
« Ce type de modèle relationnel ne peut pas être commercialisé. L’éducation ne peut être remplacée par un algorithme ou une plateforme. L’éducation est précieuse, précisément parce qu’elle n’est possible qu’à une échelle humaine.
Tout établissement qui choisirait de ne pas investir dans ses éducateurs finirait par se lancer dans une course folle qu’il ne pourrait jamais gagner. Car une école ne sera jamais aussi efficiente qu’une plateforme. Laissez les dimensions commercialisables de l’enseignement supérieur pour les joueurs à faible coût. Investissez dans un modèle d’apprentissage et de formation centré sur les personnes. Soyez à l’écoute de ce que nous dit Uber. »
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#Manager de Transition, #consultant des établissements d'enseignement et de formation, je suis expert dans le domaine de l’Économie Sociale et Solidaire.
8 ansJe retiendrais plus volontiers que l'économie collaborative devient prégnante et complémentaire des modèles existants.