La mesure d’expertise judiciaire ordonnée n’était pas limitée aux malfaçons et désordres invoqués par les maîtres de l’ouvrage (Civ. 3è, 11/07/24)

La mesure d’expertise judiciaire ordonnée n’était pas limitée aux malfaçons et désordres invoqués par les maîtres de l’ouvrage (Civ. 3è, 11/07/24)

La mesure d’expertise judiciaire ordonnée n’était pas limitée aux malfaçons et désordres invoqués par les maîtres de l’ouvrage (C.Cass., Civ. 3ème, 11 Juillet 2024, n°23-13380)

A plusieurs reprises, la Cour de cassation a rappelé que l’effet interruptif attaché à une assignation ne vaut que pour les désordres qui y sont expressément désignés (C.Cass., Civ. 3ème, 2 Mai 2024, n°22-23004 ; Cass., Civ. 3ème, 31 Mai 1989, n°87-16389 C.Cass., Civ. 3ème, 20 Mai 1998, n°95-20870). Par son arrêt du 2 Mai 2024 (C.Cass., Civ. 3ème, 2 Mai 2024, n°22-23004) la Cour de cassation a pu préciser que la demande en justice aux fins d’extension d’une mesure d’expertise à d’autres désordres est dépourvue d’effet interruptif de prescription ou de forclusion sur l’action en réparation des désordres visés par la mesure d’expertise initiale.

Cependant, si l’Ordonnance de référé va au-delà des désordres invoqués par le maître d’œuvre, est-il possible d’en demander la réformation ?

Tout comme le Juge ne peut pas statuer ultra petita (c’est-à-dire au-delà des montants réclamés), il ne peut aller au-delà des malfaçons et des désordres invoqués par les maîtres d’ouvrage (soit dans leur assignation, soit dans leurs conclusions récapitulatives), comme le souligne la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 11 Juillet 2024 (C.Cass., Civ. 3ème,  11 Juillet 2024, n°23-13380).

Les données factuelles sont simples :

  • et Mme [X] ont confié à la société Module concept, représentée par M. [O], des travaux de construction pour l’édification d’une maison.
  • se plaignant, en cours de chantier, d’une mauvaise exécution des travaux, ils ont assigné la société Module concept et M. [O] en référé aux fins d’expertise et communication des pièces justifiant de la souscription des assurances.
  • le Juge des référés a fait droit à cette demande et a désigné un Expert judiciaire mais avec pour mission « de décrire tous les désordres, malfaçons, inexécutions, défauts de conformité affectant les travaux, quelle que soit leur nature et leur date d’apparition (qu’il s’agisse des désordres allégués au jour de la présente décision, d’éventuels désordres qui pourraient apparaître postérieurement à la présente décision, ou des désordres qui pourraient être mis en lumière par les opérations d’expertise ou à l’occasion de celles-ci« 

M. [O] a alors interjeté appel.

Par un arrêt en date du 11 Janvier 2023, la Cour d’appel de BASTIA, statuant en matière de référé, a

  • considéré que la mission d’expertise n’était pas une mission d’instruction générale
  • confirmé l’ordonnance
  • énoncé que la mission était limitée aux malfaçons et désordres invoqués et n’était donc aucunement générale.

M. |O] a formé un pourvoi, reprochant à la Cour d’appel

  • d’avoir dénaturé les termes clairs et précis de l’Ordonnance
  • d’avoir violé le principe selon lequel « le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis« .

La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation lui donne raison.

Elle rappelle que « le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis » avant de rappeler la position de la Cour d’appel qui avait rejeté les griefs de M. [O] pour confirmer l’expertise judiciaire ordonnée par le Juge des référés, en énonçant que :

« il ressort du texte de la mission qu’elle est limitée aux malfaçons et désordres invoqués et n’est donc aucunement générale, les désordres et malfaçons devant être analysés en fonction du permis de construire déposé et des règles de l’art, ce qui n’a rien ni d’abusif ni d’extraordinaire dans le cadre d’une expertise judiciaire« .

Puis elle souligne que l’Ordonnance de référé donnait mission à l’Expert judiciaire désigné de « de décrire tous les désordres, malfaçons, inexécutions, défauts de conformité affectant les travaux, quelle que soit leur nature et leur date d’apparition (qu’il s’agisse des désordres allégués au jour de la présente décision, d’éventuels désordres qui pourraient apparaître postérieurement à la présente décision, ou des désordres qui pourraient être mis en lumière par les opérations d’expertise ou à l’occasion de celles-ci) » avant d’énoncer qu’il « résultait que la mesure n’était pas limitée aux malfaçons et désordres invoqués par les maîtres de l’ouvrage ».

Ecartant le renvoi et statuant au fond, la Cour de cassation modifie la mission confiée à l’Expert judiciaire désigné, avec la mission suivante :

« Donne mission à l’expert de vérifier si les désordres, non-conformités contractuelles ou aux règles de l’art et défauts d’achèvement allégués par M. et Mme [X] au cours de l’instance et affectant les travaux réalisés par la société Module concept existent et, dans l’affirmative, de les décrire, les autres chefs de mission demeurant inchangés »

Dès lors, seuls les désordres dénoncés dans l’assignation ainsi que ceux, le cas échéant, dénoncés au travers d’écritures récapitulatives, doivent être examinés par l’Expert judiciaire.

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