La peur : transformer une émotion de survie en un appel irrésistible au courage
Longtemps tenue à l'écart des émotions acceptables en entreprise, considérée comme le marqueur d'une dérive managériale ou d'abus relationnel, la peur était reléguée au second plan. Recroquevillée dans ce cerveau reptilien de survie mais archaïque, il s'agissait de la tempérer par le filtre d'un apprentissage socialement acceptable limbique et finir de la dompter par une élévation rationnelle éclairée toute néo-corticale. Y céder, c'était nier 32.000 ans d'évolution qui distinguaient l'homme de l'animal.
A l'issue d'une année démarrée par la sidération de mars 2020, étonnamment tenue à distance par les pays occidentaux depuis décembre 2019 - date de l'étincelle pandémique, force est de constater que la peur s'est violemment lovée dans notre quotidien.
Mais l'organisation sociale de la peur était en marche depuis des décennies, ainsi que le retrace le journaliste Fabrice Drouelle dans l'excellent podcast "Les nouveaux tontons flingueurs ou le règne des GAFAM" et son invité Gérald Bronner, sociologue (son dernier essai : Apocalypse cognitive). "L'individu accroc aux réseaux sociaux, prompt à adhérer aux infox et aux thèses complotistes, c’est l’homme préhistorique qui revient sur le devant de la scène; un homme à qui il faut réapprendre à différer la satisfaction de ses désirs immédiats et à domestiquer l’empire de ses intuitions erronées."
Masse et rapidité de la diffusion dérégulée des informations dépasserait aujourd'hui la plasticité de notre cerveau, atrophiant peu à peu le développement de l’esprit critique. "Notre cerveau a une disposition à être attiré par la peur; par exemple nous sous-estimons les probabilités par dix ou quinze. Notre cerveau est mal préparé à concevoir le risque". Notre défi quotidien est de réapprendre à vérifier par les propositions de la rationalité et de la science les informations massivement terrifiantes qui s'offrent à grande vitesse à notre sagacité.
Que faire de la peur dans un système qui se nourrit de son ultra-stimulation comme d'une commodité, exacerbant à l'extrême cette fonction reptilienne à n'activer qu'en cas de danger?
Philippe Gabillet, dans Artisans du devenir, indique que la peur, souvent liée aux périodes de transition, de crise ou d'incertitude, est une émotion pas comme les autres, ingrédient puissant sans lequel toute dynamique de changement et de développement personnel devient impossible. Il décrit l'anxiété collective des années 2000, à l'aube de l'émergence des tous puissants réseaux sociaux, au prisme de trois dimensions :
- la montée d'un sentiment d'accélération des processus et des phénomènes, source d'une tension psychosociale quasi permanente
- L'idée (nourrie dit-il par les directions générales et leurs gourous) que les règles d'autrefois ne sont plus valables, comme une perte collective des repères voire de visibilité court terme
- La sensation d'une incertitude croissante des positions, comme une fragilité structurelle.
Il décrit la peur comme une émotion projetée : la peur se nourrit d'anticipation car annonciatrice de dangers potentiels. La peur est aussi une émotion utile : elle maintient en état de vigilance, elle nous protège et nous met sous tension, nous mobilise potentiellement vers l'action. C'est aussi une émotion complexe dont l'intensité a un large éventail de variation qui peut mener à la terreur assortie de paralysie : il s'agit d'identifier pour chacun la zone d'équilibre, qu'il définit comme le "point d'anxiété idéal".
C'est ce point d'équilibre intime qui permet la transformation de la peur en performance, en apprentissage ou en changement. Philippe Gabillet esquisse alors plusieurs stratégies de régulation pour "manager sa peur" :
- La regarder en face : identifier la réelle nature de notre peur et son point de fixation car "rien n'est pire qu'une peur sans objet"
- La confronter à ses ressources actuelles ou potentielles afin de muer l'anxiété progressivement en tension vers l'action.
- S'entraîner à explorer les scénarios du pire et canaliser la peur par l'anticipation des conditions de l'action.
Un entraînement mental de rationalisation de la peur est proposé ici pour "créer les conditions psychologiques de la vertu que l'on appelle courage".
L'incarnation de cette transformation de la peur en courage, sublimation de toute une humanité, c'est en lisant le merveilleux article de The Economist “I've mortally offended Putin by surviving”: why Alexei Navalny keeps fighting (May 2nd 2021, by Arkady Ostrovsky) qu'elle fait jour : Ancrer son élan de survie dans un sens supérieur du collectif lui a permis de transformer une émotion de survie en un appel irrésistible au courage.
La leçon d'une vie vouée à résister contre le régime de la peur montre à quel point l'Homo sapiens 3.0, Alexei Navalny, héros fait d'irréductible courage, d'un sens supérieur du collectif et d'une pointe d'idéal, s'élève irrésistiblement. Conclusion du journaliste : "Il était pris dans une bataille épique entre son humanité et un poulet en prison. Personne ne devrait miser sur le poulet." (synonyme de peureux en anglais...).
🌊Executive coach certifiee # Consultante QVCT et Reconstruction Post Burn Out RPBO© 🏄♂️ J'accompagne individus et collectifs vers une croissance saine et durable 🌱
3 ansTrouver son point d’anxiété idéal ... pour avoir le courage de passer à l’action Superbe sujet de réflexion 🤔
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3 ansBelle matière à réflexion! Je n’ai pas encore tout processé mais j’aime beaucoup cette notion de point d'anxiété idéal