La place à l’autorité                                       dans la relation managériale

La place à l’autorité dans la relation managériale

Si l’on retrace l’évolution des formes organisationnelles dans les sociétés des hommes, diverses manières de s’organiser en groupe dans une finalité commune peuvent être distinguées. Certaines actions servent un objectif de survie – se nourrir, se protéger en groupe, établir des foyers. D’autres actions ont une finalité d’expansion ou de production ou de contrôle et de pouvoir – parmi elles, des références militaires, féodales ou ecclésiastiques ont marqué l’histoire de notre continent, avec l’enracinement de la logique d’une organisation hiérarchique. L’influence des systèmes démocratiques modernes ayant pour conséquence l’individuation citoyenne - la voix électorale, la participation sociale et économique, les droits et libertés – ouvre à la multiplication de nouveaux modèles d’organisation, de pouvoir et de gouvernance. Ces diverses modélisations retrouvent correspondance dans le monde du travail où l’on peut également identifier de différents schémas de dirigeance.

Invariablement, à travers le pléthore d’ouvrages et conceptions méthodologiques sur les manières de diriger existant, le fait de manager se réfère pragmatiquement à des compétences facilitant la mise en commun des qualités individuelles au service d’une réussite collective. Cet ensemble de capacités prendrait-il source dans des concepts appréhendés théoriquement ? ou par un apprentissage expérienciel ? ou peut-être d’une prédisposition innée à l’exercice de l’autorité ? les trois idées ne s’excluent pas. Quelle que soit la voie de leur acquisition, la fonction d’autorité dépend des qualités individuelles, telles que la stratégie, l’aptitude organisationnelle à mettre à profit les ressources en présence, la maîtrise de soi ou encore la congruence – tant communicationnelle que relationnelle. On pourrait parler d’une certaine esthétique de la fonction (Batifoulier[1]) tant un manageur reconnu pour la cohérence de décisions, la fiabilité de ses propos et la stabilité de ses comportements séduit par l’élégance de sa posture. Si l’on revient à l’origine étymologique du mot «autorité» rappelée par Michel Serres[2], il se rattache au terme augere, qui signifie augmenter. La fonction de l’autorité ferait donc grandir, dans sa dimension relationnelle, la valeur de l’autre. Par extension, l’action d’un dirigeant vis-à-vis d’un ensemble des acteurs ferait grandir leurs ressources et celles de l’entreprise collective. Que l’accroissement de valeur se traduise en apports économiques et un impact socio-politique mesurables est une donnée évidente. Grandir les collaborateurs par la fonction du travail réalisé dans un contexte managérial le permettant – est une finalité en soi non matérielle et pour autant un enjeu entier de la relation managériale.

Faire grandir l’humain – ses compétences et intérêts – rend l’apport du collaborateur à l’entreprise commercialement équitable. « On n’est pas autorité » affirme Robert Damien[3], comme l’on ne naît pas autorité, et l’on n’a pas d’autorité, c’est peut-être l’expression « faire autorité » qui pourrait illustrer l’action de celui qui rend pertinent le travail collectif. « Faire autorité » se mesure dans les épreuves, dans un contexte relationnel instable de tout système humain. Le dirigeant rend les comptes de son action ce qui nécessite une posture exigeante, un questionnement éthique et stratégique et la capacité de faire adhérer des personnes avec des différentes idées et façons de faire pour exercer l'autorité avec souplesse et justesse.  

En cela, l’exercice de l'autorité peut être perçu comme un acte philosophique qui assume une éthique de la décision à l'épreuve d'un quotidien complexe (Poujol[4]). La proposition d’une philosophie humaniste exigeante de Ricœur[5] décrit une posture éthique qui dans sa responsabilité pour l’autre vise « la vie bonne avec et pour autrui ». Créer chaque jour à partir d'un système instable, une organisation instituante, juste et lacunaire (Batifoulier[6]) reste un exercice imparfait fait de compétences, d’erreurs et d’apprentissages. Garantir la pérennité économique de l’entreprise sans perdre de vue l’entente contractuelle sur des intérêts partagés avec ceux qui composent l’entreprise – tout un programme. 


[1] Batifoulier F., Refaire de l'institution, Empan, 1/2012 (n° 85)

[2] Serres M., dans : Le Point, publié le 21.09.2012

[3] Damien R., Eloge de l’autorité, Armand Colin, 2013

[4] Guide du Directeur, Établissement-service social ou médico-social; collectif, Edition Direction(s), 2016

[5] Ricœur P., Lectures 2. La contrée des philosophes, Paris, Seuil, 1992

[6] Batifoulier F., ibid



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