La République En Marche ? Le RPF, mais avec de Gaulle à l’Elysée…

La République En Marche ? Le RPF, mais avec de Gaulle à l’Elysée…

Les points communs entre le mouvement créé par le général de Gaulle en 1947 et celui qui a permis à Emmanuel Macron d’être élu président de la République sont frappants :

  • D’abord, tout ou presque vient du chef, du chef charismatique, du chef qui seul a la vision globale et à long terme de ce qui est bon pour la France, du chef qu’on veut voir accéder au plus haut sommet de l’Etat et diriger effectivement le pays (pas question, pour de Gaulle, d’être un président « façon IIIème République » qui se contenterait d’inaugurer les chrysanthèmes).
  • Ensuite, le mouvement ne se veut pas « parti », et surtout pas « parti à l’ancienne » (car déjà, en 1947, les « partis » sont déconsidérés, en tout cas aux yeux de de Gaulle, qui les accuse de confisquer la souveraineté du peuple et de sacrifier les intérêts supérieurs du pays aux leurs et aux ambitions forcément médiocres de leurs dirigeants).
  • Ensuite également, le RPF ne se veut « ni de droite, ni de gauche », mais « et de droite, et de gauche ». Du Macron avant l’heure - à moins que Macron ne fasse du gaullisme « post moderne »…
  • Enfin et peut-être surtout, le RPF – comme aujourd’hui La République En Marche - voit le jeu politique de façon binaire, consistant en un affrontement entre lui-même et une opposition dangereuse, dont la politique, si ces partis accédaient au pouvoir, serait mortelle pour le pays :

         . en 1947, cette opposition, c’est le parti communiste français ; Malraux aura cette phrase célèbre : « Entre les communistes et nous, il n’y a rien ! » ;

         . en 2017, l’opposition à Emmanuel Macron est celle du bloc « antilibéral », composé du Front national (et de son « satellite », Debout La France) et de La France insoumise (et du groupuscule qu’est devenu le PC). 

 

 Il y a quand même quelques différences, et elles sont importantes, entre le RPF et La République En Marche

  • En 1947, l’affrontement entre le RPF et le PC se fait sur la question de l’indépendance nationale, ou plus exactement de l’appartenance au camp occidental ou à la sphère soviétique ; en 2017, l’opposition entre la République En Marche et le « bloc anti-libéral » se fait sur la question de la mondialisation. Deux visions s’opposent ;

         - Une vision « libérale », « ouverte », « moderne », « progressiste » dirait Emmanuel Macron », celle qu’il a défendue lors de la campagne présidentielle. Elle repose fondamentalement sur cette double conviction que la France,

. non seulement ne peut pas ne pas participer à la mondialisation (car le monde est ce qu’il est, on ne peut pas plus le changer que l’ignorer et « faire comme si », de même que la France de 1934 ne pouvait ignorer le réarmement allemand et continuer à promouvoir toute seule le désarmement et s’enfermer derrière la Ligne Maginot) ;

. mais elle peut même y jouer un rôle de premier plan, et s’y renforcer. 

         - Une vision « post-communiste », étatique, fermée, refusant la compétition (aussi bien avec le reste du monde qu’en France même). Cette vision est partagée aussi bien par le Front national (et par Debout la France, de Nicolas Dupont Aignan, qui est donc, avec cette vision purement défensive et pessimiste, niant les capacités de notre pays, l’anti-gaulliste absolu) que par la France insoumise de Mélenchon. 

S’il n’y avait pas quelques députés FN ou LR, Emmanuel Macron pourrait dire : « Entre Mélenchon et moi, il n’y a rien ».

  • De Gaulle, s’il accepte le capitalisme, n’est pas à proprement parler un libéral (mais personne ne l’est, dans le monde de l’époque, en ces lendemains de Seconde guerre mondiale où l’on se souvient de la Grande Dépression de 1929). C’est un étatiste, un colbertiste. Le capitalisme, oui, mais strictement encadré par l’Etat, dont la mission est de fixer les objectifs et de mobiliser les énergies, les capitaux, car lui seul peut reconstruire et moderniser.

Macron, lui, est un « vrai » libéral. Et là est la rupture, car il n’y a jamais eu de « libéralisme », en France : ce qu’on qualifie de « néo-libéralisme », c’est tout juste le frein qu’on a mis au keynésianisme débridé qui ne se traduisait que par une accumulation des déficits financés par la dette, sans limiter la hausse du chômage de masse.

  • Surtout, le chef, dans le cas d’En Marche, est à l’Elysée. Il a réalisé le rêve que de Gaulle mettra onze ans à concrétiser (jusqu’à son retour au pouvoir, en 1958) : non seulement être président de la République, mais être un président de la République « gaullien » (aujourd’hui, on dirait « jupitérien »).

Et ça change tout !

Ça change d’abord et avant tout que le chef a les moyens de faire valoir sa politique, sa conception des choses, alors que de Gaulle président du RPF est exclu du « système » (qu’il veut renverser), et le « système », pour se défendre, s’acharnera à le marginaliser de plus en plus. Son mouvement n’a que faiblement accès aux médias, aux financements, aux postes. En quelques années, le « système » aura raison de cet opposant. Les élus du RPF finiront par « aller à la soupe », comme dira, méprisant, le grand Charles. Et en 1955, le RPF est mis en sommeil.

Emmanuel Macron, lui, est au cœur du système politique de la Vème République, dont il utilise toutes les potentialités – peut-être mieux encore que de Gaulle ne l’avait imaginé en 1958-1962. Dans le cas d’En Marche, les ambitions des adhérents et élus peuvent donc être canalisées pour accompagner, aider (je n’ose pas dire « servir », mais l’idée est là) le chef. 

Ça change évidemment tout…

 

 


 

 

 

André Quinton

Professeur chez Université de Bordeaux

7 ans

On apprend de l'Histoire, mais on ne refait pas l'Histoire

Brigitte Quinton

Coach et facilitatrice

7 ans

Passionnant parallèle... l'histoire se répète toujours, mais les systèmes évoluent. L'environnement 2017 est fort différent de celui 1947. Dans un contexte hyper-mondialisé, l'Etat n'a plus qu'un pouvoir très relatif, il lui faut composer avec une économie libérale devenue toute puissante et tentaculaire. Dans une système d'une telle complexité, un président même "Jupiterien" a du pain sur la planche...

Hubert-Marie COLOMBIER

Son dernier roman, un polar : "Montargis, l'ADN a parlé...".

7 ans

2017,Le RPF en marche

Excellente analyse !

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