La Redirection écologique, mon entreprise, moi, et mes résistances
Cet article est le premier d'une série quotidienne sur le thème de la Redirection écologique, et des résistances que je peux rencontrer, en tant que dirigeant.e, à faire prendre ce virage radical à mon entreprise. C'est une immense responsabilité, que je prenne ou que je ne prenne pas ce virage. Cela mérite bien d'y consacrer cette série. Chaque jour, cet article va s'incrémenter d'un chapitre, au fur et à mesure.
01/02/23
"Je sens bien que mon entreprise doit prendre le virage de la Redirection Ecologique, mais…"
Vous connaissez ce double mouvement du « oui mais non » ? J’ai envie de changer, je sens que mon entreprise doit prendre un virage à au moins 90 degrés, en lien avec la Redirection Ecologique, mais…
Et là, derrière le « mais », vous mettez quoi ? Vos peurs ? Vos doutes ? Votre manque de motivation ? Vos croyances ? Vos besoins ? Vos valeurs ? Votre identité, même ? Ou celle de votre entreprise ?
Bienvenue à toutes ces manifestations invisibles de votre humanité, riche, complexe, unique et universelle.
Bienvenue à vos résistances. Elles ne sont pas le problème, elles sont plutôt à voir comme des indicateurs.
Bienvenue et…
Bienvenue, oui, et en même temps, vous sentez bien, de mois en mois, d’année en année, qu’il est plus que jamais urgent de bouger. Ne serait-ce qu’un premier pas, pour ne pas continuer à contribuer à un système nécrophile, et aussi pour « rester dans le game ». Vous sentez bien que les entreprises qui prennent ce virage assez tôt vont continuer à avoir une place dans la nouvelle civilisation, la civilisation de la vie, qui commence à émerger. Et vice et versa.
Dit avec d’autres mots, vous rêvez de sortir de l’Anthropocène, tenté d’aller vers ce que Glenn Albrecht (celui qui a inventé le mot « solastalgie » entre autres) [1] nomme le Symbiocène, la future ère géologique qui sera définie par une ré-inclusion d’Homo sapiens dans la grande toile de ce qui restera de vivant.
Et ce changement est tellement énorme, qu’il pourrait vous tétaniser. La petite voix que vous entendez peut-être, consciemment ou inconsciemment, est-elle : « c’est soit on continue le plus longtemps possible sans rien changer, soit on change et alors mon entreprise n’est plus viable économiquement » ?
… et en même temps, c’est peut-être à moi de me lancer, maintenant ?
Beaucoup de chefs d’entreprises disent que la Redirection Ecologique est nécessaire, et urgente, mais également qu’ils ne sont pas prêts à changer radicalement leur offre de services ou de biens, ainsi que la manière de les produire. Que ce changement est trop fort, trop risqué. Et que c’est aux autres de le faire.
Mais moi, je me dis peut-être que ce discours ne peut plus tenir et que mon tour est venu ?
Mais quel défi ! Quel risque ! Voilà un changement de type 2 ! Type 3 même, si cela existait !!
Oui, c’est un défi, oui c’est risqué. C’est sans doute le plus grand défi que nous ayons à relever collectivement depuis que notre espèce (voire notre genre, le genre Homo) a vu le jour. Et individuellement, cela passe aussi par une immense épreuve.
Alors par où commencer pour me respecter dans mon rythme, et prendre en compte mes peurs et mes croyances limitantes, sans me laisser désormais piloter par elles ?
Dans la suite de la série, nous développerons les pistes suivantes, restez à l’écoute chaque jour :
[1] : Glenn Albrecht, Les Emotions de la Terre, Les liens qui libèrent, 2020
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02/02/23
Une approche par les valeurs : quelles sont les nouvelles valeurs clés du monde qui vient ?
Deuxième jour, voici donc le deuxième article, rédigé à la suite de cette intro, comme le seront tous les autres articles à venir.
Dans son avant-dernier ouvrage, Vers une Civilisation de la Vie [2], et dans ses incroyables conférences, le philosophe Olivier Frérot , qui développe depuis des décennies une pensée structurée et inspirante sur la métamorphose de notre civilisation, analyse quelles sont les nouvelles valeurs de ce qu’il appelle l’ère de la relationalité, ère qui succède à l’ère révolue de la rationalité, après presque 500 ans. On assiste à un remaniement progressif et radical au sein du pinacle des valeurs prioritaires. Nous passons de valeurs plutôt orientées sur la raison, l’esprit, l’expertise, la force et la compétition (des valeurs plutôt masculines dans nos représentations symboliques actuelles) vers des valeurs désormais plutôt féminines : le soin, la coopération, la vulnérabilité, le lien, la connexion aux autres qu’humains, etc…
Comment pourrais-je alors, tranquillement, faire plus de place à ces valeurs, dans ma vie personnelle, et dans mon entreprise, dans mon service, sans rien forcer, juste en les chérissant de mon côté, sans rien exiger des autres, avec la confiance qu’ainsi, je les ferai vivre aux autres et peut-être, les autoriserai-je à faire de même ?
Concrètement, si je montre ma vulnérabilité, en toute authenticité, dans une réunion, en indiquant par exemple que sur tel sujet, je ne sais pas, et que je m’en remets à mes collaborateur.ice.s, ou en disant que je me sens démuni.e par rapport à telle situation, si je montre mes émotions, il se peut que je commence à créer toute autre chose dans le système et que j’autorise d’autres personnes à s’ouvrir. Car c’est bien d’ouverture dont il est question ici. Et cette ouverture est un premier pas vers le Symbiocène. Ce pas ne remettra pas en question mes bilans comptables. Ou peut-être que si, mais pas dans le sens que j’imaginais, peut-être ?
Autre exemple, si je prends plus de temps pour du vide, du silence, de la contemplation, et que je crée de tels espaces aussi dans mon organisation, je vais favoriser l’émergence de possibles que je n’aurais pas pu imaginer sinon. L’enjeux n’en vaut-il pas la chandelle ? Et peut-être que je peux juste essayer une seule fois, d’abord, sans tout bouleverser de fond en comble, pour voir ?
Ma responsabilité en tant que leader (de mon projet, de mon équipe, de mon organisation…) devient alors de créer de tels espaces pour faire vivre ces valeurs. Et ce faisant, je permets à d’autres personnes de faire vivre à leur tout ces valeur également devenues prépondérantes pour elles, alors qu’avant, peut-être, elles n’osaient pas les promouvoir autant, par peur de choquer, de déplaire, voire de sortir de la norme.
En fait, je détiens le pouvoir de déplacer, au moins localement, cette norme !
Je peux utiliser ce pouvoir au maximum, dans le respect évidemment des rythmes de chacun.e, et avec la confiance que bien plus de personnes que je n’aurais imaginé n’attendaient que cela !
Et si j'ai peur de faire vivre mes valeurs autour de moi, peut-être y a-t-il quelque-chose à aller regarder au niveau des croyances ? Ce sera l'objet du post de demain :)
[2) : Olivier Frérot, Vers une Civilisation de la Vie, Babelio, 2019
Pour aller plus loin :
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03/02/23
Une approche par les croyances : qu’est-ce que je crois vrai et qui m’empêche d’avancer ?
Et cela nous amène aux croyances. Je peux croire par exemple que je suis le ou la seul.e à porter les valeurs, plus féminines, du monde émergent et que si j’ose les promouvoir « publiquement », je prends le risque d’être seul.e, isolé.e, voire proscrit.e. Ou bien que si j’organise un séminaire d’équipe en forêt pour faire le vide, nous allons perdre un temps précieux que nous n’avons pas. Ou encore que si je suis PDG de ma société et que je me rends au travail en vélo, je fais croire aux autres que mon entreprise n'est pas florissante. Nous avons tous des milliers de croyances. Ces croyances sont nos filtres de perception du monde et de puissants biais cognitifs dans nos prises de décisions. Elles agissent très fort dès lors que nous sommes face à un changement - ou plus généralement un choix qui pourrait nous faire sortir de notre zone de confort. Elles nous font aussi souvent croire dur comme fer que nous n’avons pas le choix.
Devant cet immense changement consistant à faire prendre le virage nécessairement radical de la Redirection Ecologique, qui veut concrètement dire renoncer à énormément de privilèges apparents actuels, le jeu des croyances va me bloquer considérablement.
Si je sens des réticences à faire prendre ce virage à mon entreprise, je peux me poser cette question efficace : « qu’est-ce que je crois vrai et qui m’empêche d’avancer ? » Cela peut aussi m’aider qu’une tierce personne m’accompagne pour faire « fondre » mes croyances, comme un.e coach.e ou un.e facilitateurice par exemple. Si je lui réponds quelque-chose qui ressemble à « si je fais A, il se passera nécessairement B », il ou elle me demandera « Avez-vous un souvenir où vous avez fait A et où il s’est passé autre chose que B ? ». La première réponse sera automatiquement « non », mais en cherchant bien, je découvrirai presque à coup sûr au moins un contre-exemple qui viendra démonter l’aspect systématique du A qui implique B et qui, lui, consiste simplement en une croyance.
Ce travail pour faire de la lumière sur mes croyances peut s’avérer confrontant, désagréable. Cela m’arrange souvent d’avoir telle ou telle croyance. La laisser partir peut être parfois vécu comme une trahison. Une part de moi peut se sentir rejetée. Je peux sentir que je romps une fidélité familiale. Quelques exemples :
· « Chez moi, on a toujours pensé que les toilettes sèches, c’était pour les bouzeux » /
· « Un repas sans viande, ce n’est pas un vrai repas »,
· « Une entreprise doit nécessairement faire de la croissance »,
· « Il faut travailler beaucoup et dur pour mériter »,
· « Si je montre ma vulnérabilité, si j’ouvre mon cœur dans le monde de l’entreprise, je vais perdre ma crédibilité, on va me rejeter ou se moquer de moi »,
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· « Si je ne donne pas le maximum, si ce n’est pas parfait, je suis nul.le »,
· « Soit je fais de l’écologie (compris comme « sauver la planète »), soit je prends soin des humains (traduire « je consolide le chiffre d’affaire pour leur assurer un emploi pérenne », c’est-à-dire que c’est soit la nature soit les humains, ça ne peut pas être les deux (en oubliant au passage que nous faisons partie de la nature et avons vitalement besoin des autres éléments naturels pour simplement survivre).
· « La seule voie possible pour l’humanité, c’est le développement (ou la modernité, selon). »
La plupart du temps, ces visions du monde m’ont été inculquées par mon éducation, au sens large. Alors je vais devoir faire ce travail de mise en lumière avec douceur et avec un amour authentique pour mes premier.e.s éducateurices, parents ou équivalents. Si je commence à voir les choses différemment d’eux, cela ne veut pas dire que je les rejette. Cela veut tout simplement dire que les expériences de chacun.e sont uniques, que le monde a changé, que j’ai le droit de me construire mes propres croyances et que j’ai le choix, à chaque instant, de remplacer les croyances limitantes par des croyances qui me font au contraire avancer vers la personne que j’ai fondamentalement envie de devenir.
Alors, quelles sont les croyances qui vous empêchent aujourd’hui d’aller trois crans plus loin dans la Redirection Ecologique ? Que pouvez-vous faire pour les voir en face, et les transformer ? Qu’est-ce que cela libèrerait de voir les choses autrement ?
Pour aller plus loin :
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06/02/23
Une approche par les besoins : quels sont les besoins fondamentaux défendus par mes résistances ? Comment je peux en prendre soin autrement ?
La notion de besoins se retrouve tout au long du parcours de formation à l’accompagnement du changement dans le contexte de la Redirection écologique qu’Entre les Arbres donne avec Maïté Cordelle. Il s’agit des Besoins CNV (Communication NonViolente [3]), c’est-à-dire les besoins fondamentaux mis en exergue par Marshall Rosenberg. Ces besoins sont universels, c’est-à-dire qu’ils sont les mêmes pour tous les humains, où qu’ils vivent. Ils contiennent nos élans vitaux. Si ces besoins sont insatisfaits, nous éprouvons des émotions inconfortables, considérées comme négatives par notre psyché (peur, tristesse, culpabilité, honte, colère…). S’ils sont bien nourris, nous ressentons de la joie, de la gratitude, de la fierté, c’est-à-dire des émotions confortables, considérées comme positives par notre psyché.
Nos comportements cherchent, consciemment ou non, à maximiser la satisfaction de nos besoins.
Nos résistances viennent souvent d’un besoin qui clignote en rouge sur notre tableau de bord intérieur. Cela nous dit : « si j’effectue ce changement, tel besoin ne va plus être satisfait ». Par exemple, si j’arrête d’aller au travail en voiture et que je dois prendre les transports en commun, je deviens inquiet.e pour mes besoins de confort, de liberté, de reconnaissance (sociale), de sécurité, de tranquillité, etc… Le plus souvent, je ne suis pas conscient.e de ces mécanismes. Je me dis juste « ah non, pas question de changer de mode de déplacement ! ».
Alors dans l’énorme changement qui me préoccupe, à savoir faire prendre un virage radical à mon entreprise vers la Redirection écologique, il ne s’agit pas seulement d’arrêter d’aller travailler en voiture, ni même d’arrêter d’avoir une voiture. Il s’agit peut-être de réorienter ma production, d’arrêter des unités, de fermer des activités. Le niveau du changement est tellement plus important ! C’est évident que certains de mes besoins (et certains des besoins de mes collaborateur.ices) vont être lourdement impactés. Je ne peux pas faire l'impasse sur cet état de fait.
Comment, alors, mettre de la conscience sur ce tableau de bord des besoins ? Et surtout, quelles nouvelles stratégies reconstruire pour que ces besoins soient tout de même satisfaits, mais autrement que par la seule et unique stratégie consistant à continuer comme avant ?
En CNV, il est dit que lorsque les besoins en souffrance ont été identifiés, l’essentiel a été fait car l’inventivité des humain.e.s est telle que la question de la nouvelle stratégie à trouver est facile à régler.
Alors que puis-je faire ? Que puis-je mettre en œuvre, une fois que j’ai trouvé de quels étaient les besoins les plus importants dont je devais prendre soin ?
Une belle occasion de développer ma créativité à la fois à mon service, au service de mon entreprise, et au service du monde.
[3] : Marshall Rosenberg, Les mots sont des fenêtres, ou bien ce sont des murs, La découverte, 2016
Pour aller plus loin :
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07/02/23
Une approche par les émotions : Comment puis-je utiliser mes émotions pour sortir de ma zone d’impuissance ?
Etymologiquement, l’émotion, c’est ce qui me met en mouvement. Si je ne parviens pas à exprimer (c’est-à-dire à faire sortir) mes émotions, je reste figé, et ce qui n’a pu s’exprimer s’imprime et va venir me bloquer durablement.
Face à l’ampleur d’un défi comme celui de la Redirection écologique, je suis en droit de ressentir un puissant cocktail émotionnel.
Je peux évidemment être pris par toutes les nuances de la peur, de la vague inquiétude (peu probable) à une grande terreur, en passant par le stress, l’angoisse, etc… Si je ne change rien à la trajectoire de mon entreprise, je risque beaucoup. Si je prends un virage radical, je risque tout autant. Alors, comment savoir quel bon choix faire ? La peur peut me tétaniser, me figer. Surtout si je ne la sors pas, si je ne la mets pas, comme les samouraïs d’antan, devant moi, symboliquement placée sur la pointe de mon sabre.
Je peux ressentir plus ou moins de colère. Contre les générations précédentes (ou les politiques) qui n’ont rien fait, et ont tout oblitéré par leurs choix de vie. Contre les nouvelles générations, qui n’en font qu’à leur tête, et qui, privées de futur, brûlent chaque seconde de présent sans se soucier du lendemain. Contre le sort, qui m’oblige à me trouver à ce terrible carrefour. Contre mes concurrents, qui font du greenwashing alors qu’il s’agit de tellement plus que cela. Contre mes collaborateur.ices qui sont gouverné.e.s uniquement par leurs peurs. Contre moi, parce que je n’ai pas eu le courage, quand il était encore temps, de faire prendre un virage plus doux à mon entreprise (et maintenant, la courbure à envisager s’est faite bien plus raide) ? Ai-je seulement pu trouver un espace où sortir sainement cette colère qui m’empoisonne, pour retrouver ma liberté de mouvement ?
Je peux être également envahi de tristesse. Du léger spleen à la profonde solastalgie, voire au désespoir. Oui, l’effondrement du vivant et la perspective de l’emballement climatique peuvent me rendre impuissant, et terriblement triste. Et j’ai le droit d’être triste, même si j’ai été programmé.e depuis tout petit pour contenir ma tristesse, parce qu’il fallait que je sois fort(e), invulnérable, ou je ne sais quelles absurdités virilistes, scories d’une modernité sous perfusion. La vie, c’est aussi laisser la tristesse sortir, pour laver, pour me relier à ce que j’ai perdu, et à toutes les autres âmes qui se sentent touchées par mon émotion. Et scoop, même un.e dirigeant.e d’entreprise a le droit de pleurer. Me suis-je déjà autorisé.e à pleurer avec ou devant mes collaborateur.ices ?
Et je me renvoie au paragraphe sur les croyances si je ne me le suis pas autorisé.e…
Une fois que j’ai pleuré, comment je me sens ? Ai-je moins ou plus d’énergie ? Combien de fois n’ai-je pas entendu « ah ça va mieux d’avoir pleuré, merci ! ». J’y ai droit moi aussi !!
La honte est encore une autre émotion. Et c’est la plus difficile à exprimer, alors que c’est justement par la verbalisation de ce qui me procure de la honte que je peux la transformer. La culpabilité est une émotion cousine, et je peux aussi me sentir coupable de participer, actuellement, par les activités de mon entreprise, à la grande accélération de l’Anthropocène, alors que l’urgence fait que chaque seconde et chaque gramme de CO2 évité comptent. Cette culpabilité peut aussi me bloquer, me pousser au déni car voir la vérité en face serait trop insupportable. Alors je peux maquiller cette vérité, on les raisons de mes choix de maintenir, pour le moment, la trajectoire de mon entreprise, en faisant l’économie d’aller voir la honte et la culpabilité qui se cachent tout au fond. Et tant que je fais cela, je suis comme un pilote drogué à la MDMA aux commandes d’un biréacteurs dont l’un des moteurs est en flammes. Je me dis que tout va bien, qu’il sera toujours temps, plus tard, de dérouter l’appareil vers un terrain plus proche.
Et la joie ? Cette émotion est celle qui contient le plus d’énergie. Où en suis-je de la joie ? La situation actuelle me permet-elle de la ressentir ? Qu’est-ce qu’il faudrait que je fasse pour cela ? Ai-je seulement le droit de l’exprimer dans mon entreprise ? L’autorisai-je moi-même de la part de mes collaborateur.ices ? Y a-t-il des espaces pour la débusquer et la faire grandir ?
Tout ce panel d’émotions est vital. Si je ne peux pas le vivre, je passe à côté de la vie, tout simplement. Si je ne peux pas sortir ces émotions, je reste figé, je reste impuissant. Je suis aux commandes d’un avion qui doit changer urgemment de trajectoire, et je ne fais rien, bloqué sur le manche...
Alors comment faire ?
Joanna Macy a profondément théorisé l’importance du travail émotionnel pour sortir de la zone d’impuissance par rapport à la nécessité de changer urgemment de cap (dès les années 80) et elle a proposé un processus puissant qui s’appelle le Travail Qui Relie [4].
Longtemps cantonné aux « bobos mangeurs de graines » qui avaient pour eux assez de temps et de conscience (traduire : un milieu social ayant donné une éducation minimale permettant d’accéder à cette conscience) pour s’« offrir » des stages de trois jours de Travail Qui Relie, ce processus a gagné le monde de l’entreprise depuis une demie décennie. Il m’est arrivé de faciliter des « Mandalas de la Vérité » (un des dispositifs phares du Travail Qui Relie) auprès de dirigeant.es d’entreprises, notamment lors de la cérémonie d’ouverture des Leaders Eclairés.
Alors si je suis un.e dirigeant.e d’entreprise et que j’ai l’élan de changer la trajectoire de mon entreprise parce que j’ai pris conscience de l’urgence et de la radicalité de la situation, et que je me sens figé, avec des émotions sous-jacentes qui n’arrivent pas à circuler, je peux peut-être m’offrir des espaces du genre du Travail Qui Relie, c’est-à-dire des processus collectifs, cadrés, facilités par des tiers professionnel.les, pour que mes collaborateur.ices et moi, ensemble, nous puissions exprimer nos émotions en lien avec la Redirection Ecologique, et nous entendre les un.es les autres les exprimer, pour être vu.es et reconnu.es, entre humain.es faillibles, généreu.x.ses et magnifiques. Ce processus nous permettra ensuite, depuis notre zone de capacité d’action retrouvée, d’œuvrer ensemble, relié.es, à réaliser un beau virage dans la trajectoire de l’entreprise.
[4] : Joanna Macy et Molly Young, Ecopsychologie pratique et rituels pour la Terre, Le souffle d’Or
Pour aller plus loin :
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08/02/23
Une approche par la Mission de Vie : au fond, dans ce monde #VUCA, qui ai-je fondamentalement envie d’être ?
Au-delà de toutes les approches précédentes, nous finirons cette série sur la notion de Mission de Vie. Au fond du fond, dans un monde de plus en plus VUCA (Vulnérable, Uncertain, Complex and Ambigus), où plus aucune décision ne peut être prise uniquement avec la raison, aussi étayée soit-elle par de rigoureuses études menées sous Excel , la question de fond qui reste, et qui peut piloter une trajectoire « à responsabilités », c’est peut-être celle-ci : « qui ai-je envie d’être, fondamentalement ? ».
Je peux voir la vie comme un don qui m’a été donné pour que je réalise quelque-chose d’unique, lié à ma couleur à moi, et que personne d’autre que moi ne pourra faire exactement de cette façon-là. Je peux sentir que j’ai comme une mission spéciale, faite de mes forces, de mes valeurs, de mes blessures de petit enfant. Je veux pour le monde ce dont ce petit enfant a cruellement manqué (c’est souvent comme ça qu’on trouve sa mission de vie). Je mets mes dons (mes forces) au service de mes valeurs, qui sont elles-mêmes au service du monde. Ma mission de vie peut évoluer, elle n’est pas figée, et je peux même arriver à un moment où je sors de cette réalité-là, et où je me dis que finalement, il n’y a pas d’autre mission de vie que d’être. Mais pendant un temps, cela peut m’aider de mettre des mots, les plus précis possibles, sur ce que je « suis venu faire ici ». Cette mission s’exprime dans mon travail, à la maison, à tout moment, même quand je ne fais rien, que j’en sois conscient ou pas, et dans le sens de la mission, ou à contresens (on peut parler de mission de l’ombre, c’est-à-dire que dans ces moments-là, je crée dans le monde exactement le contraire de ce que ma mission m’appelle à offrir).
En tant que dirigeant.e d’entreprise, face au radical virage de la Redirection écologique, je peux transcender la question des résistances par cette approche de la mission de vie. Devant ce choix impactant, la question « quel homme / quelle femme ai-je fondamentalement envie d’être ? » peut m’aider à choisir et soit à assumer que je ne prenne pas ce virage, pour servir ma mission d’une certaine façon (au risque de continuer à contribuer au désastre écologique et social global en cours), soit à assumer que je prenne ce virage « pour de vrai », c’est-à-dire en réorientant la production des biens et des services de mon entreprise en profondeur, dans une logique d’économie symbiotique [5], avec le risque de fragiliser ma position, de décevoir mes investisseur.se.s, mes client.e.s, mes collaborateur.ices, etc… Quels risques préfère prendre l’homme ou la femme que je désire profondément être ? Quelle mission m’anime ?
Ce travail peut également être mené collectivement et dans ce cas-là, il s’agira d’explorer l’équivalent de la mission de vie pour une organisation, à savoir sa raison d’être. Là encore, si la raison d’être est clairement nommée, et qu’elle fédère tou.tes les collaborateur.ices, ce peut être une précieuse boussole pour transcender les résistances, et faire les choix qui correspondent.
Alors et vous ?
[5] : Isabelle Delannoy, L’économie Symbiotique, Babel, 2016
Pour aller plus loin :
Très intéressant et plein de piqures de rappel ! ;-) merci Serge !
Médiateur humains / autres qu'humains
1 ans6ème et dernier opus aujourd'hui : l'approche par la Mission de Vie. La question de fond est "qui ai-je fondamentalement envie d'être dans ce monde VUCA, face au virage radical de la Redirection écologique ?" et elle peut transcender toutes les résistances.
Médiateur humains / autres qu'humains
1 ans5ème opus aujourd'hui : l'approche par les émotions. Extrait : "Tout ce panel d’émotions est vital. Si je ne peux pas le vivre, je passe à côté de la vie, tout simplement. Si je ne peux pas sortir ces émotions, je reste figé, je reste impuissant. Je suis aux commandes d’un avion qui doit changer urgemment de trajectoire, et je ne fais rien, bloqué sur le manche... Alors comment faire ? Joanna Macy a profondément théorisé l’importance du travail émotionnel pour sortir de la zone d’impuissance par rapport à la nécessité de changer urgemment de cap (dès les années 80) et elle a proposé un processus puissant qui s’appelle le Travail Qui Relie [4]."
Médiateur humains / autres qu'humains
1 ans4ème opus : l'approche par les besoins. Toute résistance est liée à un ou plusieurs besoins insatisfaits. Reste à mener l'enquête pour trouver le(s)quel(s) puis à trouver une nouvelle stratégie pour effectuer le changement qui a fait surgir la résistance TOUT EN prenant soin des besoins mis en exergue. Prêt.e à aller voir quels sont les besoins qui sont menacés par l'ampleur d'un tel changement, pour toi ?
Chef d'entreprise, TPLM-3D
1 ansBravo Serge ! la problématique que tu mets sur la table est bien la question fondamentale de notre époque : comment mettre en route le plus rapidement possible cette nécessaire révolution qui nous portera vers un monde vivable...