LA RELANCE PAIEMENT: UN ACTE COMMERCIAL ?
A un moment ou à un autre, tous les entrepreneurs ou patrons de TPE/PME seront confrontés aux fameux retards de paiement, ainsi que les relances qui en découlent. Mais plus qu’un acte comptable ou légal, ne peut-on pas envisager cette corvée sous un biais plus commercial.
État des lieux des retards de paiement en France.
C’est un constat implacable, où malheureusement les français excellent : il est difficile de se faire payer. D’après un rapport du groupe ALTARES, en 2018, seulement 41.8% des entreprises payent en temps et en heure. D’après cette même étude, le retard moyen se situe aux alentours de 11 jours, avec de « grands retards » (supérieur à 30 jours) dans 6,1% des cas. Ces mésaventures n’épargnent aucun secteur, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce sont les grandes entreprises qui payent mal (voir infographie).
Dans ces derniers cas, les TPE/PME se sentent prisonnières de leurs débiteurs, ayant peur de récupérer leurs créances au prix de l’avenir du partenariat.
Et cette spirale négative, en plus de compliquer les affaires, atteint souvent de façon grave la santé de l’entreprise, avec 1 faillite sur 4 ayant pour origine des retards de paiement.
« Un problème comptable ou légal »
C’est ce que votre expert-comptable ou votre avocat vous dira. En partant de cette hypothèse, ils vous conseilleront de couvrir vos arrières. Ainsi, un avocat s’appuiera sur la qualité de votre contrat avec votre partenaire, sur la profondeur de vos conditions générales de ventes, ou bien sur la mise en forme des factures éditées, avec par exemple, les « clauses de réserve de propriété ». Un expert-comptable quant à lui pourra vous soumettre des solutions performantes visant à récupérer la créance ou à financer le délai de paiement (services de recouvrement, affactureur,…)
Mais soyons lucides, une lettre d’avocat, bien rédigée pourra sûrement « faire peur » à certaines entreprises, mais ne positionnera pas votre facture « en haut de la pile » à chaque fois. De même un organisme de recouvrement sera efficace et vous permettra de moins vous « salir les mains » dans les relances. Mais il vous coûtera une part plus ou moins importante de votre marge, et aussi une sensation de « perte de contrôle » de votre partenariat.
Pour reprendre un terme informatique, ces mesures sont « lag », elles n’ont d’utilité qu’une fois le mal fait, et généralement, elles auront tendance à crisper une situation. En effet, aucun patron n’apprécie de recevoir un courrier d’avocat, aussi justifié soit-il.
« Faire rentrer de l’argent » est un acte commercial, surtout dans le B to B.
On peut envisager un autre biais pour la relance paiement. Moins attentiste donc plus proactif, bref, donner une dimension commerciale à l’acte.
D’une part, en préparant l’éventualité de ce retard de paiement, dès la négociation commerciale. En mettant le sujet directement sur la table afin de purger tous les sous-entendus. C’est au commercial, lors de la phase de découverte client de chercher des informations sur le prospect, ou bien lors de l’animation de son portefeuille, de prendre la température financière de son client. Et il ne faut pas avoir peur de baliser son chemin, parfois une phrase peut suffire : « Nous sommes très sensibles aux délais de paiement, notre modèle économique nous imposant une trésorerie à flux tendu ». De cette manière, le client ne pourra pas arguer qu’il n’était pas au courant. De même, envoyer un petit message une semaine avant la date d’échéance peut être efficace. Cette « pré-relance » peut mobiliser l’attention du client, et aussi éviter la traditionnelle excuse « Il est parti en vacances ».
Ensuite, lors de l’appel téléphonique de relance, le commercial, plus aguerri dans sa posture de communication, sera plus à-même de détecter, analyser et vérifier les dires du client. Il pourra mieux faire passer des messages sur d’éventuelles mesures coercitives, sans pour autant bloquer la situation.
Du côté des points négatifs, l’empathie « naturelle » du bon commercial, voir la connivence possible avec certains clients, peut avoir pour effet de trop prendre en compte les problèmes du client et pas assez ceux de son employeur. Certains commerciaux vont même rechigner cette tâche, en considérant à tort que leur métier est seulement de vendre. De même, la légitimité du commercial pour faire cette relance peut être remise en cause par le débiteur et donc être moins efficace qu’un courrier à en-tête d’un cabinet d’avocat. Enfin, les « armes de rétorsion » du commercial, comme un éventuel blocage des commandes en cours, peuvent s’avérer dangereuses. À ce propos, il faut prendre énormément de précaution avec le « Name and Shame » à la mode en ce moment. En effet, afficher aux yeux de tous les carences d’un client peut être comparé au fait de presser un tube de dentifrice. On sait ce qu’il en sort, mais on ne peut pas revenir en arrière, et remettre le dentifrice dans le tube.
La bonne solution, un approche globale mélangeant délégation et prise en main.
Chacun des biais présentés ont leurs avantages, mais aussi leurs lacunes. Comme dans beaucoup d’éléments dans la vie entrepreneuriale, il est nécessaire de trouver le juste équilibre entre les deux.
Bien sûr, il faut verrouiller ses contrats et ses conditions générales de vente, et un avocat sera parfaitement placé pour cela.
Bien sûr qu’il faut trouver des moyens de financement de créance ou de recouvrement, et un expert-comptable, intégré ou indépendant, pourra vous aider dans ce sens.
Bien sûr, il faut que vos commerciaux intègrent ces données dans leur processus de négociation et de fidélisation client. Et c’est dans ce domaine qu’il y a le plus de travail à faire.
En effet, les forces de vente sont rarement, très rarement formées à cet aspect de leur mission de développement. Les vendeurs ont peu conscience d’être le premier jalon d’un acte ressenti comme une « affaire de gestionnaires » selon eux. Il parait donc nécessaire de les former, de leur donner les astuces pour que ce qui leur semblait être une corvée deviennent une action réflexe. Tout comme une grande partie des S.A.V. peuvent être anticipé lors de la négociation avec les bons mots, une partie des retards de paiement sera réduite par une attitude proactive.
Ainsi, la relance de paiement deviendra un acte commercial dans une stratégie globale de recouvrement, et les retards diminueront permettant à l’entrepreneur de mieux dormir.