La sécurité collective onusienne : un système en faillite ? Entretien avec William LEDAY sur DIPLOWEB.COM

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Quelle est la trajectoire du concept de sécurité collective ? Comment se traduit-elle dans le système onusien ? Pourquoi et comment ce système de sécurité collective s’est-il délité ? L’ONU est-elle réformable ? William Leday répond avec précision et sans langue de bois aux question d’Antonin Dacos pour Diploweb.com.

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Extrait 

Antonin Dacos (A. D.) : Qu’est-ce que la sécurité collective ? Comment a-t-elle émergé ? Quelle est la trajectoire de ce concept ?

William Leday (W. L.)  : La sécurité collective est une construction intellectuelle dont les premiers contours se dessinent durant la période moderne avec notamment le Duc de Sully, William Penn, Jean-Jacques Rousseau, ou encore Emmanuel Kant avec son fameux dessein de « paix perpétuelle » [1]. Ces projets, au contenu très différent, sont pensés par des hommes marqués par les guerres de leur temps. Leur postulat commun se fonde sur l’idée qu’il est possible d’organiser rationnellement la paix sur le fondement de deux présupposés : le premier étant le principe que le commerce entre les peuples tend à neutraliser, ou amoindrir, les probabilité de belligérance – c’est l’idée de « doux » commerce chère à Montesquieu –, pour peu, et c’est le second présupposé, qu’un système organise l’entente entre les systèmes politiques continentaux qui doivent être homogènes, que ce soit les monarchies avec William Penn ou les républiques d’Emmanuel Kant.

Il s’agit donc d’un système où la paix est assurée par tous les États au bénéfice de tous. Les acteurs évoluent au sein d’un cadre collectif, le multilatéralisme, selon des règles de droit. Comme le souligne Maxime Lefebvre [2], cela suppose d’abandonner l’idée que la sécurité puisse être le seul fait des moyens de défense individuelle ou collective (les alliances) au profit d’un système global.

La sécurité collective est donc une construction éminemment occidentale, fondée sur un acteur unique : l’État. Cela a son importance à l’aune de la désoccidentalisation qui travaille la scène internationale. Cette idée va s’imposer au XXème siècle avec la mise en œuvre d’un système ayant vocation à se substituer à tout ou partie à ce qu’on appelle l’ordre westphalien dont la Première Guerre mondiale symbolise le naufrage.

Pour rappel, le système westphalien découle des paix et traités de Münster et d’Osnabrück qui concluent la Guerre de 30 ans et celle entre le royaume d’Espagne et les Provinces-Unies. Outre les éléments classiques d’ordre territoriaux et autres conventions, les protagonistes s’accordent sur un certain nombre de règles de conduite afin de prévenir les guerres. Ainsi, apparaissent les principes d’inviolabilité des souverainetés nationales et de facto de non-ingérence. L’autre élément inhérent à ce système est le souci d’équilibre entre les puissances continentales, la fameuse « balance of power » théorisée par les penseurs réalistes afin de contrer les prétentions hégémoniques de certaines puissances, dont la France napoléonienne et l’Allemagne hitlérienne furent les avatars.

C’est aux lendemains de la Première Guerre mondiale que cette idée de sécurité collective se précise et se traduit à travers une première construction juridique. Ainsi, le président Woodrow Wilson au Palais du Luxembourg à la salle des conférences énonce dans ses quatorze la nécessité « (…) qu’une association générale des nations soit constituée en vertu de conventions formelles ayant pour objet d’offrir des garanties mutuelles d’indépendance politique et d’intégrité territoriale aux petits comme grands États. » Il blâme au passage la diplomatie secrète ayant conduit à la Grande guerre, altérant ainsi en partie le système westphalien dans sa version originelle. Cette volonté politique donne naissance à la Société des Nations (SDN). On connaît la suite. Viciée dès l’origine par l’absence des États-Unis dont la participation fut empêchée par le refus du Congrès de ratifier le Traité de Versailles, cette première expérience, qui n’est pas aussi négative qu’on a pu l’écrire, fait malgré tout naufrage avec les crises en Éthiopie et en Mandchourie. Mais l’idée de sécurité collective est présente dans le texte du Pacte, avec la paix mondiale comme objectif principal, de même que l’interdiction de la belligérance, le respect du droit international et des intégrités territoriales [3].

A. D. : A quel moment se cristallise la sécurité collective dans son acception actuelle?

W. L. : Pendant la Seconde Guerre mondiale et en dépit de l’échec de la SDN, l’idée d’instaurer une sécurité collective à travers une organisation reste au cœur des réflexions sur l’après-guerre initiées par le président américain, Franklin Roosevelt, et le premier ministre du Royaume-Uni, Winston Churchill. Notons au passage que l’objectif du président Roosevelt était aussi d’affranchir les États-Unis de ses pulsions isolationnistes dont la non-participation a lourdement affaibli la SDN. Ainsi, la Charte de l’Atlantique (1941) contient d’ores et déjà la terminologie de Nations unies désignant l’alliance des États en guerre contre les puissances de l’Axe. En 1942, vingt-six pays signent une Déclaration des Nations unies, et les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union soviétique jettent les fondements de cette nouvelle architecture.

Plusieurs conférences, d’abord celle de Dumbarton Oaks (octobre 1944) puis celle de Yalta (février 1945), permettent de régler les différends entre les puissances, à savoir : la question du droit de véto conférée à certaines d’entre-elles, celle du nombre de républiques soviétiques siégeant ainsi que le statut des colonies. Rappelons au passage que c’est ce dernier point qui permet à la France de devenir membre permanent du futur Conseil de sécurité. Elle le devient grâce à l’appui de Winston Churchill qui ne souhaitait pas que le Royaume-Uni se retrouve seule puissance coloniale dans un tête-à-tête lancinant avec les États-Unis et l’Union soviétique qui défendaient le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. A San Francisco, le 25 avril 1945, 47 États signent la Charte des Nations unies.

Le nouveau système repose sur deux grandes idées : les valeurs partagées par le camp allié qui se trouvent consignées au sein de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (1948) et la sécurité collective (SC), puisque la paix est le but premier des Nations unies.

Ainsi, comme l’écrit Serge Sur, la sécurité collective devient « (…) le système officiel de référence de la société internationale sur la base de la Charte des Nations unies. Elle est une vision globale de la sécurité internationale, qui vise à assurer la sécurité pour tous sur la base de l’égalité de chacun en termes de sécurité. [Elle] a été systématiquement pensée et volontairement organisée. Sa conception précède sa mise en œuvre, même si le concept actuel ne s’est dégagé que progressivement à travers plusieurs étapes historiques. [4] »

Traduction concrète de l’un des 14 points de la déclaration du président Woodrow Wilson, la création des Nations Unies sanctionne le passage de l’ordre westphalien au système onusien de sécurité collective. Ainsi, la sécurité devient : «  le système officiel de référence de la société internationale sur la base de la Charte des Nations unies. Elle est une vision globale de la sécurité internationale, qui vise à assurer la sécurité pour tous sur la base de l’égalité de chacun en termes de sécurité. La SC a été systématiquement pensée et volontairement organisée. Sa conception précède sa mise en œuvre, même si le concept actuel ne s’est dégagé que progressivement à travers plusieurs étapes historiques. [5]  » (Serge Sur)

Certains vont considérer que la sécurité collective dans sa forme actuelle se substitue à l’ordre westphalien. Dans les faits, on va plutôt assister à une hybridation comme en témoignent la persistance d’éléments de continuité.

A. D. : Comment la sécurité collective se traduit-elle dans le système onusien ? Quelles en sont les modalités ? Comment ce système évolue-t-il dans le temps ?

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Poser la question c'est déjà y répondre. L'enjeu ça serait de proposer un nouveau modèle aux anciennes puissances sans qu'elles n'aient l'impression de perdre la face.

William Leday, diplômé de Sciences Po Aix-en-Provence et titulaire d’un DEA en histoire, est un ancien élève de Bruno Étienne dont il a suivi les enseignements en anthropologie et en science politique. Ancien fonctionnaire du ministère de la défense et conseiller parlementaire, il est actuellement enseignant en relations internationales à Sciences Po Paris. Propos recueillis par Antonin Dacos (Sciences Po Rennes)

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