«La Samaritaine, temple de la consommation, réouverture d’un grand magasin parisien de luxe» par Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/
La Samaritaine à Paris

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«On trouve de tout à la Samaritaine» tel le slogan de la Samaritaine, à Paris, grand magasin de luxe parisien, à côté du Pont-Neuf. Fermée depuis 2005, pour des motifs sécuritaires, sous l’égide de l’agence japonaise Sanaa, la nouvelle Samaritaine après d’importants travaux de bureaux, un hôtel de luxe, en façade sur la Seine, des logements sociaux et une crèche dans les épaisseurs de l’îlot. Cette rénovation devait surtout protéger le patrimoine architectural de Paris. Avant 1962, la loi du 31 décembre 1913 protégeait les immeubles au titre des monuments historiques. Elle s’appliquait aux immeubles monumentaux, aux éléments du patrimoine industriel et rural, aux ensembles paysagers. Une loi n°62-903 du 4 août 1962, sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la France et tendant à faciliter la restauration immobilière, à l’initiative d’André MALRAUX (1901-1976), Ministre de la culture du général de GAULLE (1890-1970), complète et renforce ce dispositif de sauvegarde du patrimoine bâti de Paris. Désormais, on est passé de la protection du monument à la protection du patrimoine de proximité.

La Samaritaine, appartenant maintenant au groupe LVMH, a réouvert ses portes depuis le 23 juin 2021, après six années de travaux de rénovation, sur deux immeubles. Les travaux ne sont pas complètement ouverts, puisque seul le 1er étage du 2ème immeuble est accessible au public. Il faut faire la queue pour y accéder, mais les délais d’attente sont raisonnables. Il y avait quelques touristes, mais ce n’est pas encore le flot traditionnel des temps avant le confinement.

La Samaritaine, comme le Bon Marché, les Galeries Lafayette et le Printemps, est un magasin à la gloire du savoir-faire français. Ce temple de la consommation, fondé en 1870, par la famille COGNACQ-JAY, entre art déco et art nouveau, et autour de la légende de «la Samar». En effet, un ancien vendeur de tissus, Ernest COGNACQ (1839-1928), décide de monter un commerce rue du Pont-Neuf : «Il n’est pas toujours commode à vivre, mais c’est un travailleur» dit son épouse. En effet, Ernest COGNACQ se marie, en 1872, à Marie-Louise JAY (1838-1925), une haut-savoyarde, ancienne bergère, installée à Paris depuis 1853, dure en affaire, pingre, bonne gestionnaire et visionnaire, auparavant première vendeuse du rayon des confections au magasin «Le Bon Marché». Un des grands principes de Marie-Louise JAY, pour gagner des parts de marché : un client n’a jamais tort, et il faut tout faire pour le satisfaire; il reviendra. Localisé à un endroit stratégique de Paris, entre le Louvre et Notre-Dame de Paris, le succès de la Samaritaine tient à des concepts novateurs. Parmi eux, le fait que les produits ont un prix unique et affiché, ainsi que la possibilité de pouvoir essayer les vêtements. Les produits sont également organisés en rayons, de façon très moderne pour l'époque. Au décès de Marie-Louise JAY, comme de son mari, la Samaritaine ne fut pas fermée un seul jour. Telle était leur volonté. Cependant, couple sans enfant, ils ont légué leur fortune aux œuvres de bienfaisance. «La Samaritaine, le génie et la générosité de deux grands commerçants» tel est le titre d’une biographie que leur consacre Fernand LAUDET. Dans sa biographie sur le couple des COGNACQ-JAY, Michel GAUDIN parle de «vie samaritaine».

La Samaritaine fait référence à la Bible, à cette rencontre entre le Christ et une femme de la Samarie. «Il arrive donc à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : «Donne-moi à boire». La Samaritaine lui dit : Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle» Evangile, La Samaritaine, Saint Jean 4, 5-42. Edmond ROSTAND (1868-1918) avait fait, en 1901, de la Samaritaine une pièce de théâtre, avec Sarah BERNHARDT (1844-1823), comme actrice principale. Mais la Samaritaine était aussi, depuis Henri IV, une pompe à eau servant à alimenter de la Seine les jardins des Tuileries.

La Samaritaine fait écho à la puissante littérature d’Emile ZOLA (1840-1902), notamment son roman, «Au Bonheur des dames» paru en 1883, dans un Second Empire, avec son capitalisme féroce et triomphant. Les grands magasins, dont l’influence va bien au-delà de la simple distribution de produits, ont constitué dès leur naissance un élément fondamental de la modernité. Ainsi, dans «Au Bonheur des Dames», le personnage d’Octave Mouret affole les femmes de désir. Son grand magasin parisien, Au Bonheur des Dames, est un paradis pour les sens. Les tissus s'amoncellent, éblouissants, délicats, de faille ou de soie. Tout ce qu'une femme peut acheter, Octave Mouret le vend, avec des techniques révolutionnaires. Le succès est immense. Mais ce bazar est une catastrophe pour le quartier, les petits commerces meurent, les spéculations immobilières se multiplient. Et le personnel connaît une vie d'enfer. Les grands magasins permettent aussi un brassage de population sans précédent, dans une société encore organisée en classes séparées, et facilitent l’accès aux beaux-arts ainsi qu’à des idées et des styles différents. Symboles de progrès, ils ont prospéré et perduré parce qu’ils se sont toujours adaptés au développement industriel et à la vie moderne.

La Samaritaine, c’est un Espoir, pour le «Monde d’Après», le savoir-faire français aurait pu être une belle occasion de réindustrialiser le pays, d’avoir, enfin, une politique touristique audacieuse et stratégique, pour le plein emploi et la mobilisation de toutes les énergies, en régularisant les sans-papiers.

 Références bibliographiques

BUFFET (R.P.), «Louise Jay, épouse Cognacq», Académie de Faucigny, Mémoires et documents, tome V, 1943, pages 66-70 ;

CABESTAN (Jean-François), LEMPEREUR (Hubert), La Samaritaine, Paris, éditions Picard, 2015, 280 pages ;

CLAUSEN (Meredith, L.), Frantz Jourdain and the Samaritaine, Leiden, E J Brill, 1987, 330 pages ;

ESCANDE (Louis), «Les grands travaux de la Samaritaine, à Paris», La technique des travaux, mai 1929, vol 5, n°5, pages 275-295, et vol 5, n°6, pages 343-358, et décembre 1933, vol 9, n°12, pages 737-753 ;

GAUDIN (Michel), La vie samaritaine des Cognacq-Jay, Paris, La Dame aux Oies éditions, 2019, 532 pages ;

KOFLER (Andreas), Architectures japonaises à Paris (1867-2017), Paris, éditions du Pavillon de l’Arsenal, 2017, 605 pages, en français et en japonais ;

LAUDET (Fernand), La Samaritaine, le génie et la générosité de deux grands commerçants, Paris, Dunod, 1933, 189 pages ;

MARREY (Bernard), Les Grands Magasins, Paris, éditions Picard, 1939 et 1979, 272 pages ;

ROSTAND (Edmond), Samaritaine, Evangile, en trois tableaux, en vers, Paris, 1901, 120 pages ;

THUBERT (Emmanuel), La nouvelle Samaritaine, Paris, éditions de la Douce France, 1933, 360 pages ;

ZOLA (Emile), Au Bonheur des Dames, Paris, Librairie générale française, classiques n°228, 1971, 544 pages.

Paris le 26 juin 2021, par Amadou Bal BA - http://baamadou.over-blog.fr/

 


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