La souffrance n'est pas obligatoire
Il y a des croyances qui ont la vie dure. Comme celles nous disant qu'il y a un prix à payer pour toutes choses, qu'on n'a rien sans rien, à tout bonheur, malheur est bon ou que la joie de la vie ne pourrait exister sans son contraire.
Des phrases anodines aussi, entendues çà et là comme: faut souffrir pour être belle, ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, que c'est un mal nécessaire...
Ces pensées, symptomatiques de notre éducation, font bien trop souvent l'amalgame, selon moi, entre souffrance et persévérance, douleur et effort. Et cette confusion engendre fréquemment, la justification de la violence ordinaire et l'acceptation de sa banalisation.
Or pour ceux et celles qui ont connu la souffrance et la douleur psychique autant que physique, et je suis de ces personnes, nous faisons bien la différence entre les mots de ses maux.
La souffrance comme la douleur nous paralyse, nous obsède au point de ne plus nous appartenir. Souffrir dans son corps, dans son coeur nous fait envier la mort et la quémander. Quand nous vivons dans un climat délétère faites de brimades permanentes, de sévices en tous genres, le seul espace qui nous reste est celui d'en finir. Alors que la persévérance inhérente à tout projet, à tout apprentissage ou à tout désir, peut, parfois, nous donner envie de tout abandonner mais jamais de trépasser. La persévérance dans l'effort n'est jamais facile, est ardue et fluctuante mais a dans son sillage, son lot d'étincelles et de petites victoires faites à nous même. La persévérance peut sembler douloureuse car difficile mais elle n'a rien à voir avec elle. L' effort, quand il tarde à en manifester les fruits, peut donner un sentiment de souffrance mais il tient plus au découragement, à la déception ou à la frustration qu'à la douleur; cette fameuse sensation lancinante qui nous fait tout avouer même ce que nous ignorons.
Alors, oui, j'en ai assez de cette confusion, qui continue à conditionner nos sociétés et nos comportements, permettant à de multiples formes de maltraitances d'exister et de trouver des personnes pour les alimenter.
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Et je clame, haut et fort, que nous pouvons grandir, nous sublimer sans souffrance et sans douleur, uniquement en privilégiant l'expression de la détermination et la félicitation des échecs. Moi, qui ai des années durant connu l'horreur, faite de viols réguliers, d'humiliations et de tortures, mon père aimait me punir en enfonçant son spéculum de gynécologie dans mon sexe, je ne me suis ni construite, ni définie par mes souffrances et mes douleurs mais parce que j'ai imaginé les possibilités d'une autre réalité.
Certains m'objecteront que c'est du fait de mon passé que j'ai pu me rendre sensible à la beauté. Que c'est la force de m'en sortir qui a généré la personne que je suis. A ceux-ci, je répondrais que je n'ai pas besoin d'aller mal pour apprécier un coucher de soleil, ou un fruit juteux et mûr. Que tout ce temps à tituber, du fait de mon histoire, je ne l'ai pas passée à créer, ni même à construire. Je l'ai juste passé à panser mes plaies.
D'autres me rétorqueront qu'il y a des pertes qui nous rendent profondément malheureux, celles qui nous retirent ce que nous aimions et qui nous rendent infiniment tristes. A ces derniers, je leur rappellerai que ces douleurs sont avant tout le symbole de ce qui nous a enchanté, et c'est pour çà que nous les pleurons. Et qu'une nouvelle fois, la tristesse de n'avoir plus, cette tristesse qui honore la joie perdue, n'a rien à voir avec la douleur de n'avoir jamais eu.
Certains me diront encore que nous vivons dans un monde composé de polarités, que rien ne peut exister sans son contraire, le sucre et le sel, le doux et l'amer. A ceux-ci aussi, je répondrai que rien nous oblige à vivre ces polarités dans leurs extrêmes négatifs. Et qu'à tout prendre, nous n'avons encore jamais essayé de les vivre dans leurs extrémités positives.
Alors, à tous ceux qui confondent encore les deux, souffrance et persévérance, et qui pas seulement pour les autres mais d'abord pour eux-mêmes, s'imposent de souffrir et encaissent la douleur, je vous demande, humblement, d'envisager, vous aussi, une autre réalité. Ue réalité où vous vous donnez le droit d'avancer avec douceur, ou vous vous autorisez à persévérer sans vous juger, ou vous encouragez les balbutiements d'autrui, ou vous comprenez plus que vous ne critiquez et où vous vous permettez d'essayer sans réussir ni vous condamner. Et parce que vous apprenez peu à peu à faire la différence entre douleur et volonté, vous refusez de vous malmener, d'exiger ou de vous faire bousculer.
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1 moisMerci Adeline pour le partage !