JE NE PEUX PLUS EXERCER MON METIER COMME AVANT...

Pendant longtemps, j'ai prôné le zéro limite, le tout est possible. J'ai encouragé voire exhorté les personnes que j'accompagnais à dépasser leurs peurs, croire en eux pour oser l'impossible. Derrière ce discours combatif limite conquérant, je cherchais à motiver, à pousser à la prise de risque. Je tentais de leur insuffler la volonté de se réaliser en mettant l'accent sur leur potentiel et leur foi en leur immense pouvoir.

Puis apparut la covid et les périodes de repli qui s'en suivirent, interrogeaient à la fois mon métier, sa pratique, ses modes de fonctionnement mais aussi mes valeurs fondamentales.

Et si ce discours guerrier très individualiste n'était rien d'autre que la cause engendrant l'ultra prédation de l'être humain? Et si la conviction que rien nous est impossible ne concourait pas à faire du monde un endroit malsain et suicidaire?

Car enfin, la question que la Covid pose, est : ne devons-nous pas repenser nos super capacités non pas en dépassement de soi mais en intégration des autres, du monde et du vivant?

N'est-il pas urgent de redevenir humble, modeste, espèce parmi les espèces?

Du haut de ma tour d'ivoire, il est facile de décréter ce qu'il convient de faire… Et pourtant les constats sont là. Un virus bloque le monde et nous voilà désemparés, obligés à repenser nos modes de vie ainsi que nos priorités.

C'est bien David qui a battu Goliath.

Notre économie qui reposait sur deux postulats indéfectibles considérés comme des acquis, à savoir la santé du plus grand nombre et la libre circulation, est au point mort.

Dans quelques semaines des milliers de personnes perdront leur emploi. Les fermetures arrivent en masse et le flux des sans emplois va grossir des chiffres déjà élevés.

Tous ces gens, qu'en faisons-nous?

Devons-nous continuer à mettre des gens dans des boîtes, les caser là où il y a de la place? Infléchir leur futur sur leur hypothétique employabilité, à coup d'évaluations arbitraires de ce qui est essentiel ou de ce qui ne l'est pas?

Ou devons-nous profiter du chaos pour inventer de nouvelles formes de vies professionnelles, de nouvelles formes de relations…?

Continuons-nous à investir dans une économie basée sur des critères obsolètes ou investissons-nous dans une économie réelle, circulaire, locale et solidaire? Que sommes-nous capables d'inventer avec le peu de moyens que nous avons?

Alors, oui, je ne peux plus exercer mon métier comme avant, au risque d'être malhonnête, au risque de me compromettre.

Car s'il n'est plus temps de prôner le zéro limite, le tout est possible, comment repenser le monde et les espoirs?

Comment accompagner toutes ces personnes? Comment leur permettre d'y croire et de s'envisager un futur souhaitable?

En intégrant le changement comme opportunité, non pas pour faire davantage que ce que nous connaissons déjà mais pour faire différemment, en transformant nos faiblesses en atouts, afin d'innover ensemble.

Le monde est devenu trop complexe pour continuer à déterminer une ligne entre ceux qui ont raison et ceux qui ont tort. Cela est caduque et dangereux.

Nos manques, nos imperfections nous poussent vers l'altérité et nous obligent à faire avec d'autres et à composer.

En regardant ce qui nous affaiblit comme une richesse, en percevant nos faiblesses comme des trésors, nous pouvons collectivement nous réenchanter.

Il n'est plus temps de devenir le meilleur mais de s'associer, conscients de nos limites et de la nécessité de nos complémentarités.

Et nous, les coachs, dans le monde à construire, nous avons une double responsabilité: celle de la prise de recul et celle de l'humilité.

Nous avons également une double obligation: celle de la méthode et de la sagesse.

L'éducation respectueuse des intelligences multiples, l'intégrité plus que la bienveillance, la tendresse dans le business, la capacité à réfléchir en mode systémique plutôt qu'en mode binaire, l'autonomie plus que l'indépendance, la prise en compte du complexe sont autant de domaines que nous devons investir et approfondir, nous tous, pas seulement nous, les coach, si nous voulons réellement être en mesure d'aider le monde à venir.

Le monde tel que nous le connaissons n'existe plus et il est illusoire d'espérer un retour à la normale d'un passé révolu….

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