La tempérance : l’art d'apprivoiser ses émotions
Crédits photos © Houda Dhaouadi

La tempérance : l’art d'apprivoiser ses émotions

Notre existence est un vaste océan émotionnel sur lequel nous naviguons : les émotions font partie intégrante de notre constitution et sont essentielles voire indispensables à notre survie. Dès le plus jeune âge, nous sommes éduqués à nous conduire convenablement en société, à respecter les règles et les lois, mais notre éducation ne nous apprend pas à comprendre et encore moins à traverser nos émotions. Il existe un mode d'emploi détaillé pour chacun des appareils que nous possédons, mais aucun pour nous aider à gérer nos émotions quotidiennes qui parfois ternissent notre existence. Pourtant, sur l'aspect personnel, relationnel ou organisationnel, apprivoiser ses émotions a un impact considérable sur notre épanouissement.


1 - Le rôle des émotions : comprendre plutôt que réprimer. 

Les émotions sont une information sur notre état interne : elles permettent de donner dans le corps les signaux perceptibles qu’un besoin est satisfait ou non, elles ont une signification précise qu'il est nécessaire de connaitre pour ne pas en être victime.

Plus vite nous agissons face à une émotion désagréable, plus son remède sera léger, et plus nous attendons, plus la blessure ou le mal qu'elle provoque deviendra profond et douloureux.

La compétition règne en maître dans notre société, de même que les codes de beauté, d'intelligence ou de perfection, et prêter attention à ses propres émotions n'est malheureusement presque pas culturel.

"Ce ne sont pas les événements qui troublent les hommes, mais ce qu'ils en pensent" nous rappelait Epictète, il y a près de deux mille ans. Autrement dit, tout ce que nous pensons, imaginons, supposons, craignons ou désirons n'est ni concret, ni physique, mais fait simplement partie du domaine de la pensée et de l'imagination.

Peur, angoisse, colère, anxiété, panique, timidité, impatience, frustration, désir, envie ...

Toutes ces émotions nous guident vers une meilleure connaissance de nous-mêmes mais aussi des autres. Elles ont toutes une intention positive, une raison d'être : alors plutôt que de les refouler ou les nier, nous gagnons à les accepter et entendre leur message afin de développer un équilibre harmonieux avec soi-même et dans notre rapport à autrui.


2 - Identifier le processus mental de la maîtrise de soi. 

Dans les années 70, à l’Université de Stanford en Californie, l’équipe du psychologue Walter Mischel réalisa une étude sur des centaines d'enfants âgés de 4/5 ans. L’expérience consistait à évaluer la durée durant laquelle un enfant résiste à la tentation de manger une guimauve. Soit l'enfant mangeait la guimauve de suite, soit il attendait le retour l’expérimentateur qui lui offrait une gratification, à savoir une autre guimauve au bout d'un certain temps : ci-après la reproduction de l'expérience.

Ces jeunes cobayes furent suivis pendant près de 30 ans, et leur chemin de vie respectif se recoupait en fonction de leur succès ou échec à ce test : Walter Mischel réalisa le lien entre la performance des enfants et leur capacité à se contrôler. Ceux qui avaient réussi à résister à la tentation eurent de meilleurs résultats scolaires et sont aujourd'hui davantage susceptibles de connaître l'épanouissement. A l'inverse, les enfants qui n'avaient pas été patients étaient enclins à plus de problèmes de comportement puis d'échecs dans leur vie professionnelle.

Le but premier de cette expérience était d’identifier le processus mental de la maîtrise de soi, c'est-à-dire les stratégies mises en place pour permettre de retarder l’action afin d’obtenir un maximum de bénéfice.

Pourquoi et comment certains enfants ont-ils été en mesure d’attendre 20 minutes alors que d’autres n'ont pu résister que quelques secondes ?

L'expérience de Mischel démontra que la maîtrise de soi dépend d’une compétence essentielle : la répartition stratégique de l’attention. Bien que soumis à la tentation, ces enfants avaient trouvé une façon de résister en se distrayant eux-mêmes : au lieu de rester obsédés par la guimauve, ils fermaient les yeux, chantaient des chansons, jouaient, etc. Leur désir n’a donc pas été vaincu, ils l'ont simplement oublié.

Nous avons deux parties belligérantes du cerveau : une partie chaude (qui exige une gratification immédiate) et une partie plus froide (axée sur le but final). Le secret de la tempérance est de former la partie la plus froide à fonctionner comme la première. Or - et particulièrement à notre ère du plaisir immédiat (!) - retarder la satisfaction d’un désir pour une satisfaction plus grande n’est pas une démarche naturelle : sur l'instant, c’est même une frustration. Il faut alors apprendre à s’y contraindre, car plus que l'expression de la volonté, c’est le produit d’un apprentissage auquel il n’est jamais trop tard de s’atteler.

Être capable d'attendre pour avoir ce que l'on désire permet de mettre en place des stratégies en fonction de nos objectifs, c'est un gage certain de réussite. A contrario, le "tout-tout-de-suite" est une manifestation très infantile, elle ne permet pas d'anticiper sa vie, et donc de la réussir.


3 - De l'observation de soi à la conscience de soi

Chacun de nous a la capacité à renforcer son caractère pour prendre de la distance avec le désir de satisfaction immédiate. Le travail d'apprentissage et de transformation peut se faire par différentes voies : la méditation, le yoga et l'hypnose, entre autres pratiques, permettent à ceux qui les emploient de devenir observateurs de leurs propres pensées, de leurs propres désirs, et à pouvoir mieux les cerner. Pour sortir du piège d'une émotion, il faut se rappeler qu'elle n'est pas éternelle, elle a un début et donc une fin. Une émotion n'a aucune légitimité, elle ne peut rien imposer si nous le lui refusons avec suffisamment de conviction : elle n'existe que par l'attention que nous lui portons.

Dans ma pratique, en ma qualité d'hypnothérapeute, (et en complément du travail sur l'origine de la difficulté) notamment dans les cas de compulsions ou d'addictions (nourriture, tabac, etc), j'invite le sujet à devenir l'observateur bienveillant de ses propres désirs.

Avec le temps, cela devient une compétence qui se développe au quotidien. Etre témoin de ses pensées, c'est les laisser surgir ou défiler, sans jugement, sans analyse, jusqu'à parvenir à atteindre un espace de silence mental qui, avec de l'entrainement, peut se prolonger.

La conscience de soi permet d'évaluer à froid une situation donnée, elle permet une gestion des émotions et de ses pensées de plus en plus éprouvée. La sérénité et le calme font alors place petit à petit dans notre vie.


4 - La relation à soi et aux autres

Chacun aborde les relations et les événements différemment, selon sa propre histoire, et donc chacun fait face à ses propres limites internes. Identifier ses limites personnelles et ses comportements, c'est mieux se comprendre pour mieux interagir avec autrui. La relation à soi, c'est la connaissance de soi : c'est être conscient de ses forces, ses faiblesses, ses capacités, ses compétences, c'est identifier les peurs qui empêchent d'entrer en relation avec les autres, et c'est aussi identifier ses désirs et ses besoins.

Rester doux avec soi-même, accepter ce qui est, sans brusquerie envers sa propre nature, sans nier sa vie mentale et émotionnelle, mais simplement se permettre de la stimuler et de la calmer à volonté : une manière pure et parfaite de se centrer sur son corps et son esprit.

Pour voir des changements intervenir, qu’ils soient personnels, relationnels ou organisationnels, que l'objectif soit la réussite, la réalisation de soi, l’efficacité, la motivation, la créativité, l’innovation, la cohésion, la reconnaissance, etc, nous devons aussi nous interroger sur le type de relations que nous avons mis en place avec nos interlocuteurs.   


Le bonheur ne s'acquiert pas en contrôlant les choses ou les personnes qui nous entourent : il ne se trouve pas dans la possession ou le pouvoir sur le monde extérieur, mais dans une meilleure maîtrise de notre monde intérieur.

Houda Dhaouadi

Crédits photos © Houda Dhaouadi

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Je vous remercie sincèrement, votre article m’ouvre les yeux.

Soumia Jharni

Human Capital & Business Excellence Director at BMICE

7 ans

Merci pour cet article !

Siham K.

Responsable administration des ventes

7 ans

Comme toujours Houda, j'adore vos articles. Merci beaucoup. Je partage !!

Americo Soares

Accompagnement des transitions et évolutions professionnelles. Conseil en orientation, formation et recherche d'emploi .

7 ans

clair. merci.

Superbe article, merci beaucoup

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